Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mal. Si la paix & l’ordre ne regnent pas dans l’intérieur de la maison, il est impossible de réussir. La paix demande de bonnes mœurs, de la douceur, de la simplicité, de l’ordre, de l’intelligence, du travail, du bon exemple.

Des commis. Avoir une fidélité à toute épreuve ; se connoître bien en bois, en mines ; mieux aux exploitations, au travail des forges & fourneaux ; visiter souvent les denrées, les domestiques, les écuries, les chevaux, les harnois ; savoir tenir les livres, & rendre compte de son travail. Pour tout dire, il faut qu’un commis soit en état de remplacer un maître. Comment espérer de trouver un pareil homme ?

Vous aurez plus aisément pour le fait des mines un principal ouvrier, qui content d’une moyenne rétribution, vous rendra compte du travail ; il faut qu’il soit homme connu, auquel vous donniez l’autorité nécessaire ; & vous veillerez qu’il n’en prenne au-delà.

Pour les bois, élevez vous-même un domestique en qui vous découvrirez quelques dispositions. Une condition avantageuse entretient les gens dans le bien. Si le maître fait ses payemens, & qu’il ait des yeux un peu clair-voyans, il est difficile qu’il soit trompé long-tems, & dans des choses essentielles. Un homme aux mines, un dans les bois, ne vous coûteront pas moitié d’un commis. Tenez vous livres, & faites les payemens vous-même : si vous ne pouvez, ayez un troisieme éleve qui remplisse cette partie sous vos yeux.

Des charbonniers. Le devoir particulier d’un charbonnier est de veiller au dressage, tant pour le nettoyement des places à fourneaux, que pour l’arrangement du bois ; faire fouiller & couvrir ses fourneaux dans les tems convenables à la quantité qu’il doit fournir ; ne point manquer à cette fourniture, sans presser aucune piece ; faire la provision de clayes dans la saison, & relativement à son travail ; savoir gouverner le feu ; le conduire également partout ; se souvenir que jour & nuit, & à proportion des mauvais tems & changemens de vent, le travail augmente : point de retard à s’y transporter ; & pour cet effet, tenir le soir ses lanternes prêtes, ses outils toûjours en bon état ; avoir de bons compagnons, de bons valets. Un charbonnier chasseur, ou, pour mieux dire, braconnier, est un ouvrier dont il faut se défaire.

Des fondeurs. Les fondeurs sont ordinairement fort mystérieux sur leurs ouvrages ; par-là ils obvient aux questions qu’ils ne peuvent résoudre : ils ne savent que méchaniquement telle ou telle dimension ; ils craignent de multiplier les gens de leur espece. Il est rare de voir le fondeur d’une province qui employe certaines especes de mines réussir dans une autre province avec des mines différentes : il faudroit donc qu’un fondeur connût parfaitement les dispositions de chaque mine, le nettoyement, le mélange, l’arbuë, la castine, & les opérations intérieures des fourneaux. Les mines, au sortir des lavoirs, doivent spécialement regarder le fondeur ; elles devroient être préparées d’avance pour qu’il pût régler son ouvrage en conséquence : c’est à lui à présider au bâtiment des parois & de l’ouvrage ; examiner les matériaux qu’on y employe ; connoître ceux qui résistent au feu ; dresser les soufflets ; être instruit de la quantité des charbons ; bien diriger & entretenir sa thuyere ; distinguer aux crasses & au feu les altérations ou indigestions de l’intérieur ; & savoir les remedes convenables. Ils ont ordinairement sous eux des garde-fourneaux, dont le métier est de conduire le fondage, & qui, à l’ouvrage près, qu’ils ne sont pas censés savoir, doivent avoir toutes les connoissances d’un fondeur, & y joindre beaucoup de soin & d’activité. Il est étonnant qu’on ne se soit pas encore avisé d’établir une école de fondeurs : d’habiles

maîtres, avec la dépense des expériences, rendroient un service essentiel, en diminuant la consommation des bois ; & on joüiroit de fondeurs qui sauroient les raisons de leur travail.

Des marteleurs. Les marteleurs sont une classe d’ouvriers qui devroient être instruits, laborieux, fideles & doux. L’ouvrage particulier d’un marteleur regarde les foyers ; ce qui suppose la connoissance de la fonte qu’il a à employer : il doit aussi bien connoître l’équipage du marteau, parce que cette partie le regarde seul, & que les autres ne sont que comme des bras qu’il fait mouvoir. Dans les forges où l’on se sert de marteaux & hurasses de fer, il doit en savoir la fabrication, en préparer ou réparer dans les eaux basses, pour ne pas retarder le travail. Chargé de tous les outils, il doit les entretenir, les renouveller & n’en jamais manquer. Sa fidélité doit être grande, par le maniement des matieres fabriquées ; qu’il réponde à sa supériorité sur les autres, à l’exemple qu’il leur doit, à la confiance que le maître a nécessairement en lui ; il doit sur-tout entretenir le bon ordre & une sévere discipline dans son attelier. Il lui faut beaucoup de douceur & de fermeté dans le besoin.

Article II. De la recherche des mines & de leur disposition. Rien de si commun que les mines de fer, & de si varié : figure, couleur, mélange, profondeur, inégalité presque par-tout différentes ; elles feront toûjours un sujet nouveau de recherches. Rien n’est d’un usage si nécessaire que le fer : tout le monde s’en sert : tout le monde croit le connoître, nous le voyons journellement naître & périr ; & quand il est question d’approfondir ce que c’est que mines, ce que nous faisons constamment avec certaines méthodes, devient par sa constitution élémentaire, impénétrable.

Quand nous comparons quelques livres de mine brute avec un ressort de montre ; que nous considérons toutes les opérations que ce ressort a dû essuyer, la combinaison & l’industrie dont ces opérations ont été accompagnées, qui ne croiroit que l’homme connoît l’essence de la mine ? Cependant il n’en est rien ; c’est une des effets ordinaires de la Providence, qui laisse à notre portée ce qui est nécessaire à nos besoins, & qui dérobe à nos recherches le principe des choses. Le philosophe & l’artiste en sont réduits à quelques raisonnemens & expériences, desquelles ils déduisent la maniere la plus utile d’employer les choses.

Voyez à l’article Fer, ce que c’est que la mine de fer. Nous ne connoissions pas la façon de convertir tous les fers en acier du dernier degré. Les fers different entre eux ; ce seroit un grand malheur qu’ils fussent tous égaux ; nos besoins ne le sont pas.

Bien des gens étonnés de la prodigieuse quantité de fer qui se fabrique annuellement dans les mêmes endroits, demandent si les mines se reproduisent. Cela arrive dans le sens que des particules de mines en poussiere, rassemblées par toutes les causes qui mettent le corps en mouvement, les dirigent en un même lieu, les appliquent les unes aux autres, en forment de petites masses, peuvent être rassemblées, & avec le tems donner des morceaux ou grains assez pesans pour être employés. Il est encore commun, proche & dans les minieres, de trouver des pierres remplies de parties de mines qu’on abandonne à cause de la solidité & de la quantité de corps étrangers. La gelée dans les corps solides comprime si fort les ressorts de l’air qui cherchent à se détendre, que les matieres très-compactes ne peuvent y résister. La chaleur dilatant les mêmes ressorts, occasionne le même effet : d’où il s’ensuit que ces pierres qui ne sont qu’un mélange de mines & castine, jointes par une partie d’argile, sont aisément mises en poussiere