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des vîtesses variables avec lesquelles ces quantités sont décrites ; & ce sont ces vîtesses qu’il appelle fluxions des quantités : par exemple, on peut supposer une parabole engendrée par le mouvement d’une ligne qui se meut uniformément, parallelement à elle-même, le long de l’abscisse, tandis qu’un point parcourt cette ligne avec une vitesse variable, telle que la partie parcourue est toûjours une moyenne proportionnelle entre une ligne donnée quelconque & la partie correspondante de l’abscisse, voyez Abscisse. Le rapport qu’il y a entre la vitesse de ce point à chaque instant, & la vîtesse uniforme de la ligne entiere, est celui de sa fluxion de l’ordonnée à la fluxion de l’abscisse ; c’est-à-dire de y à x : car M. Newton désigne la fluxion d’une quantité par un point mis au-dessus.

Les géometres anglois, du moins pour la plûpart, ont adopté cette idée de M. Newton, & sa caractéristique : cependant la caractéristique de M. Leibnitz qui consiste à mettre un d au devant, paroît plus commode, & moins sujette à erreur. Un d se voit mieux, & s’oublie moins dans l’impression qu’un simple point. A l’égard de la méthode de considérer comme des fluxions ce que M. Léibnitz appelle différences, il est certain qu’elle est plus juste & plus rigoureuse. Mais il est, ce me semble, encore plus simple & plus exact de considérer les différences, ou plutôt le rapport des différences, comme la limite du rapport des différences finies, ainsi qu’il a été expliqué au mot Différentiel. Introduire ici le mouvement, c’est y introduire une idée étrangere, & qui n’est point nécessaire à la démonstration : d’ailleurs on n’a pas d’idée bien nette de ce que c’est que la vîtesse d’un corps à chaque instant, lorsque cette vîtesse est variable. La vîtesse n’est rien de réel, voyez Vîtesse ; c’est le rapport de l’espace au tems, lorsque la vîtesse est uniforme : sur quoi voyez l’article Équation, à la fin. Mais lorsque le mouvement est variable, ce n’est plus le rapport de l’espace au tems, c’est le rapport de la différentielle de l’espace à celle du tems ; rapport dont on ne peut donner d’idée nette, que par celle des limites. Ainsi il faut necéssairement en revenir à cette derniere idée, pour donner une idée nette des fluxions. Au reste, le calcul des fluxions est absolument le même que le calcul différentiel ; voyez donc le mot Differentiel, où les opérations & la métaphysique de ce calcul sont expliquées de la maniere la plus simple & la plus claire. (O)

Fluxion, (Medecine.) ce terme est employé le plus communément dans les écrits des anciens, pour exprimer la même chose que celui de catarrhe ; par conséquent on y trouve la signification de l’un & de l’autre également vague.

En effet, Hippocrate regardoit la tête comme la source d’une infinité de maladies ; parce que, selon lui, c’est dans sa cavité que se forment les matieres des catarrhes, qui peuvent se jetter de-là sur différens organes, tant éloignés que voisins : il n’en est presque aucun qui soit exempt de leurs influences. Ce vénérable auteur entendoit donc par catarrhe ou fluxion, une chûte d’humeurs excrémentitielles, mais principalement pituiteuses, de la partie supérieure du corps vers les inférieures : aussi, selon lui (lib. de princip.), la tête est-elle le principal réservoir de la pituite, pituitæ metropolis : il employoit donc dans ce sens le mot fluxion, comme un mot générique.

Galien ne l’adopta pas sous une acception aussi étendue : on trouve dans la définition qu’il en a donnée, que cette lésion de fonction n’est autre chose qu’un écoulement de différentes sortes d’humeurs qui tombent du cerveau par les narines & par les ouvertures du palais, & font un certain bruit en se mélant avec l’air qui sort des poumons, il attribuoit cet-

te sorte de catarrhe à l’intempérie froide & humide du cerveau, & à toutes les humeurs qui remplissent la tête.

Selon Sennert, il y a deux termes principaux pour désigner les mouvemens extraordinaires les plus sensibles de nos humeurs : lorsque ces mouvemens consistent dans un passage, un flux d’humeur, de quelque nature qu’elle soit, d’une partie telle qu’elle puisse être aussi, dans une autre indifféremment ; il dit que ce transport est appellé ῥεῦμα & ῥευματισμὸς ; que cette sorte de mouvement est la plus générale : & il attribue la signification reçûe de son tems, du mot κατάῤῥως, aux seules fluxions d’humeurs portées du cerveau vers un autre organe quelconque de la tête ou de toute autre partie voisine, seulement vers le gosier, par exemple, ou vers les mâchoires ou les poumons : encore distingue-t-il le catarrhe ainsi conçû, en trois différentes especes, sous différens noms.

Ainsi il dit, que le catarrhe qui a son siége dans la partie antérieure de la tête, vers la racine du nez, avec un sentiment de pesanteur sur les yeux, est appellé gravedo ; c’est ce qu’on nomme vulgairement rhûme de cerveau : c’est une fluxion qui a son siege dans la membrane pituitaire, dont un des principaux symptomes est l’enchifrenement, voyez Enchifrenement. Si l’humeur se jette sur la gorge, il forme, selon cet auteur, l’espece de catarrhe nommé βράγχος, rancedo ; c’est la maladie qu’on nomme enroüement, voyez Enrouement. Si l’humeur engorge les poumons, la fluxion retient le nom de catarrhe proprement dit, voyez Catarrhe. Ces trois distinctions sont très bien exprimées dans un dystique fort connu, qui trouve tout naturellement sa place ici :

Si fluit ad pectus, dicatur rheuma catarrhus ;
Ad fauces branchus, ad nares esto corysa.

Mais il paroît par ce dystique même, que le nom commun à toutes les fluxions catarrheuses, est celui de rhûme, ou affection rhumatismale. Ainsi il suit de ce qui a été dit ci-devant sur la signification du mot ῥεῦμα, qu’il est le mot générique employé pour exprimer toutes sortes de fluxions, tant catarrheuses qu’autres, sur quelque partie du corps que ce soit.

Cependant il faut observer que le mot latin fluxio rendu en françois par celui de fluxion, n’est presque pas un terme d’art : il ne sert aux Medecins, que pour s’exprimer avec le vulgaire sur le genre de maladie qui consiste dans un engorgement de vaisseaux formé comme subitement, c’est-à-dire en très-peu de tems, ordinairement ensuite d’une suppression de l’insensible transpiration, qui augmente le volume des humeurs ; ensorte que l’excédent, qui tend d’abord à se répandre dans toute la masse, est jetté par un effort de la nature, forme comme un flux sur quelque partie moins résistante, plus foible à proportion que toutes les autres ; idée qui répond parfaitement à celle des anciens, qui attribuoient toutes sortes de fluxions, soit catarrheuses, soit rhûmatismales, à l’excès de force de la puissance expultrice des parties mandantes en général sur la puissance retentrice de la partie recevante : d’où il suit que le ressort de cette partie étant moindre qu’il ne doit être par rapport à la force d’équilibre dans tous les solides, n’oppose pas une résistance suffisante pour empêcher qu’il ne soit porté dans cette partie une plus grande quantité d’humeurs qu’elle n’en reçoit ordinairement, lorsque la distribution s’en fait d’une maniere proportionnée : ensorte que les fluxions peuvent être produites, ou par la foiblesse absolue, ou par la foiblesse respective des parties qui en sont le siége, entant qu’il y a aussi excès de force, absolu ou respectif, dans l’action systaltique de toutes les autres parties. C’est d’après cette considération