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ont accéléré la fusion. Le borax & ces sels se séparent aussi du cuivre. L’alkali fixe se sépare des précipités des métaux parfaits, & du mercure, dont il a favorisé la réunion en les dégageant des acides qui étoient interposés entre leurs molécules, & empêchoient leur réunion. Le fiel de verre ne s’unit avec aucun des métaux. L’alkali fixe & le soufre ne s’unissent point à l’or séparément.

D’autres fondans restent unis aux corps qu’ils ont dissous. On a vû que le plomb s’unissoit au cuivre, à l’or, à l’argent, à l’étain, & aux demi-métaux ; que son verre ou la litharge dissolvoit le fer scorifié, le cuivre, la chaux d’étain, l’or, l’argent, & les pierres calcaires, vitrescibles, & apyres. L’étain s’allie avec l’or, l’argent, le cuivre, le fer, & les demi-métaux. Le cuivre, l’or, & l’argent, se dissolvent mutuellement. L’or & l’argent s’unissent au fer. L’arsenic s’unit à toutes les terres & pierres, avec le cuivre, l’étain, le plomb & son verre, l’or, & l’argent. Le verre d’antimoine s’unit aux pierres & terres de toute espece ; son régule & sa mine s’allient avec tous les métaux. Le bismuth se fond avec tous les métaux. Le zinc se mêle avec l’étain & le plomb, le cuivre seul & allié d’étain. L’alkali fixe dissout toutes les terres & les pierres. Le soufre s’unit avec le fer, le cuivre, le plomb, l’argent, le régule l’antimoine, l’étain, le mercure (Voyez Cinnabre & Ethiops minéral), l’arsenic & le bismuth. Voyez les rapports. L’alkali fixe & le soufre ne s’unissent à l’or, que quand ils sont préalablement unis ensemble par la voie seche ou la voie humide. Le foie de soufre a encore la propriété de faciliter & d’accélérer la fusion de tous les métaux & de toutes les terres & les pierres ; il reste uni aux métaux & demi-métaux, & à quelques matieres terreuses & pierreuses ; il ne se combine avec d’autres que par son alkali. Le sel fusible de l’urine se change avec l’argille en une masse à demi-vitrifiée. Certaines portions de spath alkalin & d’argille donnent une masse liée ou un verre.

La masse qui résulte de ces différentes combinaisons est uniforme, simple, & naturelle en apparence. On n’y peut découvrir aucun point différent des acides, même à l’aide du microscope. La fragilité, qui est pour l’ordinaire la suite de ces sortes d’alliages, existe dans les moindres molécules. Il en résulte un composé qui n’a plus les propriétés qu’avoient ceux qui les ont formés, & qui conséquemment en a acquis de particulieres. L’on conçoit aisément que les particules du fondant ne se touchent plus les unes les autres, & sont séparées par celles du corps fondu, qui sont conséquemment dans le même cas que celles du fondant.

Il suit que les parties du fondant s’appliquent à celles du corps fondu, & que cette union se fait dans le tems de la fusion. Mais l’on demande pourquoi des molécules similaires se desunissent pour former une nouvelle union avec un corps, avec lequel il semble qu’elles doivent avoir moins d’analogie ? La même question est également fondée sur la cause, qui continue de tenir liées entr’elles les particules & du fondant & du fondu, & les empêchent de se réunir de nouveau avec leurs semblables : quelle qu’elle soit, elle existe mutuellement dans tous les deux. Il y a cependant des obstacles à surmonter ; ils sont plus ou moins considérables, suivant la différence des corps. Nous avons fait sentir que l’analogie devoit être plus grande entre les parties d’un même corps, qu’entre celles de deux corps différens : mais la différence du poids mérite aussi d’être considérée. Et en effet il faut que l’union soit bien forte entre l’or & l’étain, dont le premier le plus pesant des métaux, est au second le plus leger de tous en raison directe, comme 19636 sont à 7321, pour que les parties de l’or ne retombent pas au fond, & ne fassent pas sur-

nager l’étain à leur surface. Il est vrai que si on n’a

soin d’agiter le lingot jusqu’à ce qu’il soit froid, la partie inférieure est plus riche que la supérieure : mais la différence n’est pas excessive, & il n’en est pas moins constant que l’or est répandu dans toute la masse, sinon bien uniformément, du moins par une union réelle.

Il paroît donc que cette opération se fait spécialement par l’attraction réciproque des particules qui dissolvent & sont dissoutes. Si l’on presse un noüet de chamois plein de mercure, qui est un menstrue fluide, mais sec, dans un vaisseau tenant du soufre fondu, & qu’on remue quelque tems ; alors les parties du soufre s’unissent si fortement à celles du mercure, qu’elles séparent les molécules intégrantes de ce demi-métal, & les enveloppent pour ne plus former qu’une masse uniforme. Cependant quelle différence dans le poids ? Elle est encore plus considérable qu’entre l’or & l’étain. Les causes de cette union sont le feu, qui a divisé le soufre en ses élémens ; la division donnée au mercure par le filtre de chamois ; l’agitation, & sur-tout cette faculté qu’ont le mercure & le soufre de s’attirer mutuellement par leurs surfaces multipliées, & d’adhérer fortement l’un à l’autre, pour ne plus être séparés que par un corps, dont l’attraction avec le soufre sera plus forte que celle du mercure. Ce corps est ou la limaille de fer, ou l’alkali fixe, ou la chaux, qui étant mêlés par la trituration avec l’éthiops, ou le cinnabre qui est l’éthiops sublimé, attirent le soufre, & laissent le mercure coulant comme il étoit d’abord : mais ces corps prennent la place du mercure, par rapport au soufre qui s’unit avec eux. La même action se fait également par la trituration, qui équivaut en ce cas à l’action du feu. Voyez Ethiops minéral.

Cette action est conséquemment méchanique, en même tems qu’elle tient de la nature de l’attraction. On a vû qu’une trituration méchanique divise les corps comme le feu. Si elle n’en tient pas lieu dans tous les cas, au moins approche-t-elle d’autant plus de ses effets, qu’elle est plus long-tems continuée : ainsi le feu ne fait qu’enchérir sur elle, bien-loin d’en différer ; en même tems il augmente la vertu attractive, qui ne se fait qu’en conséquence de la petitesse & de la multiplicité des surfaces. Cette atténuation est occasionnée par les coups répétés des élémens d’un feu continu. Les sels & les autres corps qui se séparent du corps dissous après la fonte, paroissent devoir être référés à plus juste titre parmi des fondans méchaniques.

Mais quand nous distinguons la division physique d’avec la méchanique, il ne faut pas croire que nous excluions strictement celle-ci. Une division physique est certainement méchanique ; mais nous n’avons pas assez de lumieres sur sa nature, pour en pouvoir donner une explication relative aux actions connues jusqu’ici sous le nom de méchaniques. Nous ne pouvons la référer, par exemple, à l’action du coin, du levier, du couteau, de la scie, & de la poulie. On ne peut nier cependant que chaque molécule intégrante d’un menstrue ne puisse, à certains égards, avoir quelque rapport avec quelques-uns des instrumens mentionnés ; car la molécule en question a un poids, une figure, une grandeur, & une dureté particulieres, qui lui donnent ces qualités méchaniques, voyez Principe ; quoiqu’on ne puisse s’empêcher d’y reconnoître une action & une nature propres, comme l’attraction, qui constituent peut-être plus que toute autre qualité, celle qu’elle a de faire subir tel ou tel changement à un corps. Mais pourquoi n’admettroit-on pas le feu instrument comme fondant, puisque les corps de la nature de celui-ci n’agissent presque que méchaniquement ?