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raison en est sensible ; ce phénomene est dû au nitre qui est ici empâté d’une plus grande quantité de tartre. Voici l’explication que donne M. Roüelle de cette inflammation. Le nitre ne s’enflamme point par lui-même dans un creuset rouge où il est en fonte. Il lui faut le contact d’un charbon ardent. Ce charbon met donc le feu au nitre, & le fait détonner ; celui-ci brûle le tartre à son tour & le réduit en charbon ; & ce charbon du tartre sert de porte-feu aux molécules nitreuses qui se trouvent auprès de lui, & ainsi successivement, jusqu’à ce que toute la masse ait subi la détonnation. Ce raisonnement est fondé sur l’expérience qui apprend que souvent le feu s’éteint dans la préparation du flux noir, parce qu’on n’a pas bien mêlé les ingrédiens, ou qu’il arrive, malgré cela, que deux molécules de tartre se trouvant près l’une de l’autre, la premiere enflammée n’a pas assez de force pour réduire sa voisine en charbon, & qu’ainsi la détonnation cesse. Quand ce petit accident arrive, on présente de nouveau le charbon ardent à la composition, ou même on l’y laisse tout-à-fait. L’alkali fixe qu’il y introduit y est en si petite quantité, qu’il ne mérite aucune considération. Plusieurs artistes préferent à ce sujet un vaisseau élevé à une poesle, parce que cet inconvénient n’y arrive pas aussi fréquemment, la composition y étant plus entassée. Ils le choisissent d’étroite embouchure, & le ferment d’un couvercle. Mais cette précaution est au-moins inutile dans la préparation du flux blanc, & sur-tout dans celle du flux noir, pour ne pas dire qu’elle y est même nuisible. La vapeur qui s’éleve pendant ce tems, est un clyssus (voyez cet article) qui contient de l’eau, un peu d’acide nitreux, & d’alkali volatil du tartre. Ainsi on court risque de ne retenir que des substances nuisibles aux desseins qu’on se propose, qui sont d’avoir un alkali bien sec, & sans le concours d’aucun sel neutre.

Si l’on n’a point recours au charbon ardent, & qu’on fasse détonner ce mélange par lui-même sur le feu, l’explication du phénomene reste toûjours la même. C’est toûjours le tartre mis en charbon par le contact du nitre ou du creuset rougis au feu. Voy. la théorie de l’inflammation des huiles & du nitre alkalisé par le charbon.

Cette opération se termine dans un instant, & celle du flux blanc plus rapidement que celle du flux noir. Celle-ci donne un sel alkali noirci par la grande quantité du charbon du tartre, qui prend aussi le nom d’alkali extemporané. Il faut le conserver ainsi que le flux blanc, dans une bouteille de grès ou de verre bien bouchée, & tenue dans un lieu sec & chaud. Si, faute de ce soin, ils prenoient l’humidité de l’air, il les faudroit rejetter, comme incapables de remplir les vûes qu’on se propose. La raison en est sensible : l’alkali fixe retient l’humidité de l’air, avec autant de force qu’il l’attire avec rapidité. Ainsi on ne peut l’enlever au flux, qui ne differe de l’alkali que par le concours du phlogistique, qu’en le calcinant à un feu vif qui dissipe en même tems ce phlogistique, dont la perte réduit le flux à un simple alkali. Voyez ci-après l’alkali fixe en qualité de fondant. Pour prévenir cet inconvénient, quelques chimistes ne font leur flux noir qu’à mesure qu’ils en ont besoin. Ils mettent avant l’opération dans le creuset qui doit y servir, la quantité de flux crud qui leur est nécessaire. La détonnation est l’affaire d’un instant, & l’on sait qu’il faut mettre environ le double de la quantité qu’on veut avoir, parce que la perte va à-peu-près à moitié. Les artistes qui sont dans l’usage de mettre le flux crud avec leurs ingrédiens, doivent souvent manquer leurs opérations. Et en effet, la détonnation ne peut s’en faire dans un creuset dont le couvercle est lutté, condition requise pour la réduction ; sans compter que le clyssus peut enlever par trusion quelques mo-

lécules de la matiere d’un essai, & le rendre faux.

La distillation du tartre donne un résidu qui est un flux noir tout fait. Voyez Tartre. On peut l’employer aux mêmes usages. Il n’en est pas de même de celui de la distillation de la lie ; il contient outre cela un tartre vitriolé qui nuiroit à l’opération par le foie de soufre qui résulteroit de sa présence. Voyez Foie de soufre.

Quand nous avons dit que ces flux vouloient être conservés dans des bouteilles de grès ou de verre, nous avons voulu exclure en même tems les bouteilles de terre vernissées. Cette attention ne seroit pas nécessaire pour la conservation d’un flux qu’on n’employe qu’à des réductions ordinaires ; mais dans les essais où tout doit être de la derniere exactitude, il seroit à craindre que les petites écailles détachées de la bouteille, ne portassent du plomb, & même de l’argent dans l’opération ; car ce vernis n’est que du plomb ou de la litharge vitrifiés avec le sable qui se trouve à la surface du vase ; & l’on sait que le verre de plomb est réductible, au moins en partie.

Nous allons passer aux corps simplement réductifs, ensuite à ceux qui ne sont que fondans ; & nous parlerons en dernier lieu de ceux qui sont réductifs & fondans.

On réduit des chaux métalliques avec la graisse ou le suif.

Le noir de fumée sert à la réduction de quelques corps. C’est le charbon de la résine.

Les Potiers-d’étain ont toûjours soin de tenir sur leur étain des charbons allumés, ou du suif ou de la graisse, ou de l’huile, ou même ils fondent leur étain sous les charbons.

La même méthode se trouve aussi pratiquée par quelques plombiers & les Fondeurs en cuivre.

Les ouvriers qui font le fer-blanc, ont grand soin de tenir une couche de suif ou de graisse de quelques doigts sur l’étain fondu, dans lequel ils plongent leur feuille de fer préparée, pour empêcher que la chaux qui ne manqueroit pas de se former à la surface de leur métal en bain, ne vienne à adhérer à la surface de la feuille de fer, & ne s’oppose par-là l’adhérence de l’étain. Voyez Fer-blanc, Chaux & Soudure.

Les Chauderonniers jettent de tems en tems de la résine blanche ou du suif sur l’étamage en bain, pour la même raison que ceux qui travaillent au fer-blanc. La résine se convertit en charbon ou noir de fumée.

Les Ferblantiers passent de tems en tems de la résine ou de la colophone sur leur soudure, ou l’y jettent en poudre pour empêcher aussi la calcination.

Les Chauderonniers fondent leur soudure, qui est composée de zinc & de cuivre, dans une poesle de fer à-travers les charbons embrasés, pour empêcher la calcination, ou réduire les molécules metalliques que le feu auroit pû mettre en cet état.

On ajoûte après la fonte de l’alliage qui doit faire le tombac, le similor, &c. un morceau de suif, &c. pour réparer la perte du phlogistique.

La mine de plomb ordinaire se fond à-travers les charbons ardens, pour reprendre le phlogistique qu’elle a pû perdre par la calcination, & avoir un réductif continuel qui l’empêche d’en perdre davantage, ou qui lui restitue celui qu’elle peut perdre même dans la fonte. Si on y ajoûte de l’écaille de fer, c’est pour absorber le soufre qu’elle a pû retenir. Voy Fonte en grand.

On empâte avec de la poix la mine d’étain, qu’on réduit entre deux charbons joints par des surfaces plates & bien polies, dans l’inférieur desquels il y a deux fossetes communiquant par une petite rigole, dont la premiere sert de creuset, & la seconde de cone de fer.

On la stratifie encore avec les charbons, comme