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& inconnue à tous les ouvriers qui prétendent que telle ou telle machine est de leur compétence & du ressort de leur art ; l’ignorance de chacun de ces ouvriers qui conviennent pour la plûpart de ne pouvoir pas exécuter ce qu’il fait : tout cela, dis-je, a mis M. Seguin à l’abri de leurs poursuites. D’ailleurs tous ses ouvrages étant purement de génie & d’invention, il n’a pû encore apprendre à personne son art dans ce qu’il contient de plus singulier & de plus curieux : ce n’est pas qu’il ne s’y soit prêté de bonne grace à l’égard de plusieurs éleves qui ont travaillé sous ses yeux, mais qui n’ayant qu’une pratique méchanique & d’habitude, sans connoissance des productions de la nature dans leurs différens états, n’ont pû le suivre dans ses découvertes.

Il ne se borne pas à faire des fleurs ; il exécute dans une parfaite imitation tout ce qui entre dans la structure d’un parterre & d’un jardin. Il a exécuté d’assez gros troncs d’arbres avec leur écorce, leurs nœuds, & les autres inégalités que la nature peut y produire ; des arbres entiers chargés de leurs fruits ; d’autres dont les feuilles pâles & mortes semblent toutes prêtes à tomber ; des fleurs sur leurs tiges, leurs branches, & leurs feuilles, dont les couleurs & les grandeurs variées par proportion, sont on tout ressemblantes aux naturelles. Il a fait différens morceaux d’architecture en treillage de carton, recouvert d’une verdure découpée très-fine, imitant assez les feuilles minces & étroites du pin, & ornée de fleurs qui en forment le coup-d’œil. Ces morceaux d’architecture sont destinés à couvrir les tables, où ils représentent ces beaux grillages qu’on voit dans quelques-uns de nos jardins.

Quant aux matériaux qu’il employe, c’est du parchemin dont il fait plus d’usage ; il le teint lui-même, n’en trouvant point à Paris de toutes les nuances dont il a besoin pour copier chaque plante dans ses différens verds. Il se sert aussi de toile, de coques de vers à soie, de fil-de-fer pour les queues de ses fleurs, & d’une petite graine pour imiter celles qu’on voit dans le cœur des fleurs naturelles. Cette graine se colle sur de la soie non-filée, qui tient à la queue de la fleur.

Il a imité les fleurs de la Chine avec de la moëlle de sureau, & a donné la premiere idée d’une sorte de fleurs en feuilles d’argent colorées, dont on fait des bouquets pour les femmes, dont on garnit leurs coëffures, & quelquefois les habits de masque.

Il est aisé de s’appercevoir que l’art de faire des fleurs artificielles ainsi exercé, demande quelque talent & une grande exactitude à considérer la nature ; car ce n’est pas assez de connoître la grandeur, la couleur, & la découpure d’une fleur, il faut encore faire attention aux divers états par où elle passe, puisque si l’on ne connoît les changemens qui lui arrivent à son commencement, dans le tems de son épanoüissement, lorsqu’elle est épanoüie & brillante, enfin depuis l’instant où elle a commencé de poindre jusqu’à ce qu’elle soit entierement flétrie, il est impossible de la copier au naturel. Il faut étudier jusqu’aux différentes verdures qui se trouvent dans les branches d’une fleur, d’une plante, ou d’un arbre, & les diverses sinuosités que ces branches font ensemble ; d’où l’on peut conclure que l’art de bouquetier artificiel demande plus de soin & de talent qu’on ne pense.

Pour ce qui regarde les outils de cet art, il n’y en a point de déterminés, chaque fleuriste en ayant qui lui sont particuliers, & que les autres ne connoissent point. Les plus communs sont les ciseaux, les pinces, les poinçons, dont nous ne donnerons point de figure, le lecteur pouvant les trouver à l’article des arts où ces instrumens sont absolument nécessaires.

Il n’y a point non plus de terme dans cet art qui ait besoin d’une explication particuliere.

FLEURON, (Hist. nat.) Voyez Fleur.

Fleuron, s. m. en Architecture, feuille ou fleur imaginaire, qui n’est point imitée des naturelles, & qui sert dans les ornemens de sculpture & bois, bronze, pierres, plâtre, & dans la Serrurerie. (P)

Fleuron, (Gravure & Imprimerie.) c’est un ornement de fleur, ou un sujet historique, ordinairement gravé en bois ou en cuivre, que l’on met à la fin des articles ou des chapitres où il se trouve du blanc à remplir. Le fleuron est pour ainsi dire la même chose que le cul-de-lampe. Il faut autant que l’on peut éviter de donner aux fleurons une forme quarrée ; pour qu’ils ayent de la grace, il faut qu’ils se terminent un peu en pointe au milieu par le bas, & qu’ils soient comme arrondis aux angles par le haut : cependant il y a des places qui ne peuvent être remplies que par des fleurons plus longs que hauts ; c’est au graveur de pallier ce défaut par la gravure de son dessein. En général, il faut que les fleurons gravés en bois, sous lesquels on comprend aussi les placards & culs-de-lampes, soient un peu plus bas d’épaisseur que la lettre d’Imprimerie, pour que les bords des ornemens ne se trouvant point soûtenus de filets, ils ne pochent point à l’impression, & ne soient pas si-tôt écrasés par l’effort de la presse. Il est aisé de les faire venir bien, en mettant des hausses sous le fleuron. Voyez Cul-de-lampe & Placards. Article de M. Papillon.

Fleuron, terme de Relieurs-Doreurs, par lequel ils expriment un outil de cuivre fondu figuré en fleur, qui est monté sur un manche, & qu’ils font chauffer pour l’appliquer chaud sur l’or qu’ils mettent sur le dos d’un livre. Voyez Dorure.

Fleuron, (Jard.) est une feuille imaginaire qui sort ordinairement d’un rinceau ou grand ramage de la broderie d’un parterre, & est composé de plusieurs palmettes, becs de corbin, nilles, &c. (K)

Fleuron, (Serrurerie.) est une piece d’ornement qui se met dans les ouvrages de Serrurerie, aux grilles, balcons, & autres ouvrages semblables. Voyez les Planches de Serrurerie ; K est un fleuron, MM fleuron, & K revers d’un fleuron.

FLEURTIS, s. m. pl. ornemens du chant. Voyez Broderie.

FLEUVE, RIVIERE, synon. Voilà deux synonymes sur la différence desquels on n’est pas encore convenu, si jamais on en peut convenir ; car si on prétendoit tirer cette différence de la quantité d’eaux qui coulent dans un même lit, on pourroit répondre qu’il y a d’assez petites rivieres auxquelles on a conservé dans les ouvrages en prose, le nom de fleuve que les poëtes leur ont donné. Si l’on dit que le mot fleuve appartient seulement aux rivieres qui coulent depuis leur source jusqu’à la mer sans changer de nom, le titre de fleuve ne conviendra pas au Rhin, qui n’arrive pas avec son nom jusqu’à l’Océan. Si l’on veut que le mot fleuve soit propre aux rivieres qui se mêlent sans perdre leur nom, au lieu que les autres perdent le leur, on repliquera que dans l’usage ordinaire personne ne s’avise de dire le fleuve de la Seine, le fleuve de la Loire, le fleuve de la Meuse, quoiqu’elles ayent cette condition.

M. Sanson va plus loin : il accorde le nom de fleuve aux rivieres qui portent de grands bateaux, & que leurs cours rendent considérables, quoiqu’elles ne portent pas leurs eaux immédiatement à la mer, comme la Save & à la Drave, qui se perdent dans le Danube ; le Mein & la Moselle, dans le Rhin, &c. Enfin M. Corneille veut que l’on donne seulement le nom de fleuve aux anciennes rivieres, telles que l’Araxe, l’Ister, &c. Mais y a-t-il de nouvelles rivieres, & ne sont-elles pas toutes également anciennes ? Il n’est donc pas possible de fixer la distinction de ces deux mots, fleuve & riviere. Tout ce qu’on peut dire