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plaisir de se voir loüer, qu’après s’être assûrés que leurs actions sont dignes d’éloges, & s’être convaincus qu’ils possedent les vertus qu’on leur accorde. L’empereur Julien disoit que pour compter sur les loüanges qu’on donne aux rois, il faudroit que ceux qui les donnent fussent en état de pouvoir blâmer impunément.

5°. Enfin les princes seront fort au-dessus du poison de la flaterie, lorsque contens de reconnoître par des bienfaits les loüanges sensées dont ils tâchent de se rendre dignes, ils auront encore un plus grand empressement, pour profiter des avis qu’on leur donnera, autoriser la liberté qu’on prendra de leur en donner, en mesurer le prix & la récompense par l’équité de ce à quoi on les engagera, & par l’utilité que leurs sujets en retireront. Le prince qui agira de cette maniere, est sans doute véritablement grand, très grand, admirable, ou pour me servir de l’expression de Montagne, « il est cinq cents brasses au-dessus des royaumes ; il est lui-même à soi, son empire ».

Si le hasard fait jamais tomber ce Dictionnaire entre les mains de quelque roi, fils de roi, issu de roi, & que leur patience s’étende jusqu’à lire cet article, je les prie d’agréer le zele avec lequel j’ose chercher à les préserver du poison de la flaterie, & prendre en même tems leurs intérêts contre des monstres qui les trahissent, qui les perdent, qui les empêchent de faire le bonheur de leurs peuples, & d’être ici bas les images de Dieu en lumieres & en droiture ; & pour ce qui regarde les auteurs de tant de maux,

Puisse le juste ciel dignement les payer,
Et puisse leur exemple à jamais effrayer
Ceux qui les imitant par de lâches adresses,
Des princes malheureux nourrissent les foiblesses,
Les poussent au penchant où leur cœur est enclin,
Et leur osent du crime applanir le chemin !
Détestables flateurs, présent le plus funeste
Que puisse faire aux rois la colere céleste
.

Racine, dans Phedre.

Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FLATIR, v. act. terme d’ancien monnoyage, c’étoit battre un quarreau sur l’enclume ou tas, avec le flatoir ou gros marteau, pour lui donner l’épaisseur que l’on vouloit.

Dans la fabrication des especes au marteau, c’étoit ce que l’on appelloit la cinquieme façon. Le quarreau ayant été flati, se nommoit flanc.

FLATOIR, s. m. (à la Monnoie.) marteau pesant sept à huit livres, en façon de corne de bœuf, servant pour broyer ou briser par la face circulaire & plane, & par l’autre extrémité pointu & fin pour percer.

Comme le flatoir est un marteau qui prend différentes figures selon les différens usages, ce seroit faire un article de tous les différens marteaux, que le suivre dans tous ses usages.

FLATRER, v. act. (Econ. rustiq.) c’est faire rougir un fer en forme de clé plate, & l’appliquer au milieu du front d’un chien qui est mordu d’un chien enragé, pour empêcher qu’il ne le devienne.

Flatrer : on dit, en termes de Chasse, le lievre se flâtre quelquefois lorsqu’il est poursuivi.

FLATRURE, s. f. (Venerie.) c’est le lieu où le lievre & le loup s’arrêtent & se mettent sur le ventre, lorsqu’ils sont chassés des chiens courans.

FLATUOSITÉ, s. f. (Medec.) terme générique employé par les Medecins, pour désigner l’état maladif dans lequel il se fait une génération contre nature, de vents qu’on rend par haut, par bas, ou qui restent soit dans l’estomac, soit dans les intestins, & y causent des borborygmes, des tensions, des anxiétés, & autres symptomes douloureux. Voyez Borborygmes, Rot, Vents, &c.

La matiere propre des flatuosités, est un air élastique qui se trouve fréquemment dans le ventricule ou les intestins, & quelquefois dans d’autres visceres ; mais alors ce sont des cas très-rares. La cause materielle des flatuosités est une matiere élastique que la chaleur, l’effervescence ou la fermentation dilate, & qui est retenue ou poussée hors du corps avec quelque bruit, lorsque les obstacles qui s’opposoient à sa sortie, viennent à cesser.

L’air, les sels de différente nature, les fruits, les humeurs putrescentes, les végétaux fermentans, fournissent aux flatuosités une matiere dont l’impétuosité & l’odeur varient suivant sa qualité ; cependant toutes ces choses sortent sans aucun effort, quand elles trouvent les passages ouverts ; d’où l’on comprend sans peine que le sphincter de l’ésophage, l’ésophage, les deux orifices de l’estomac & les intestins, concourent ensemble en ce qu’ils se contractent spasmodiquement, & se relâchent ensuite : mais si la contraction spasmodique est forte & dure long-tems, alors la matiere élastique qui se raréfie par la chaleur, par le mouvement & par sa propre vertu ; venant à être resserrée dans une cavité que la convulsion de ses fibres retrécit, elle distend les membranes qui la gênent, & comprime les lieux voisins ; de-là naissent des anxiétés & des douleurs très-vives, qui cessent à la sortie des vents.

Doctrine des flatuosités. Mais pour se former une idée plus exacte des flatuosités, nous commencerons par établir quelques principes qui peuvent nous y conduire.

1°. Les hommes bien portans consument une grande quantité d’air élastique, ou l’unissent à leurs humeurs ; or l’air qu’on avale avec les alimens, & qui n’est pas consumé faute d’action, engendre un nouvel amas d’air.

2°. Les alimens qu’on prend, & qui fermentent aisément, fournissent en fermentant une grande quantité d’air dans les premieres voies, s’ils ne sont pas bien broyés par l’action du ventricule & des intestins.

3°. La même chose arrive des alimens putrescens, indépendamment qu’ils produisent cet effet en circulant avec nos humeurs.

4°. Le mouvement vital, qui dans l’état de santé consume beaucoup d’air, étant une fois dérangé, sépare l’air de nos humeurs, & produit dans le corps un nouvel air élastique, comme il paroît par quelques poisons.

5°. Le phénomene principal de l’air caché est le son, le bruit, les grouillemens qu’on entend rarement dans le bas-ventre, quand le mouvement péristaltique des intestins est uniforme, & que les passages sont bien libres.

6°. L’air retenu dans un endroit fermé, mais agité fortement par la partie qui l’environne, cause en tiraillant les fibres, une douleur considérable de tension. Si pour lors il se présente quelque part une ouverture, l’air ainsi comprimé sort d’ordinaire avec bruit, & le malade est soulagé. Si la cause qui produit l’air cesse, le malade est guéri ; mais si cette cause persiste, il est tourmenté de flatuosités sans soulagement.

7°. Quand l’air comprimé sort chargé d’odeurs acides, nidoreuses, putrides, fétides, il indique le caractere des vapeurs atténuées d’alimens ou d’humeurs qui se sont mêlées à cet air dans le corps humain. L’air qui sort modérément, prouve que l’action est encore bonne & entiere dans les parties qui le contenoient. Celui qui sort avec beaucoup de violence après de grandes douleurs, désigne quelqu’espece de convulsion dans la partie qui le renfermoit. Celui qui sort sans bruit, mais avec une grande fétidité, indique la foiblesse de la partie, ou la