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aussi quand un feu fume beaucoup, on lui fait prendre flamme en un instant, en y ajoûtant un petit corps enflammé.

Le feu follet est une vapeur qui brille sans chaleur ; il semble qu’il y a la même différence entre cette vapeur & la flamme, qu’entre du bois pourri qui luit sans chaleur, & des charbons ardens. Lorsqu’on distille des esprits ardens, si l’on ôte le chapiteau de l’alembic, la vapeur qui s’éleve prendra feu à l’approche d’une chandelle allumée, & se changera en flamme. Il y a des corps qui sont échauffés par le mouvement, ou par la fermentation : si la chaleur parvient à un degré considérable, ces corps exhalent quantité de fumée ; & si la chaleur est assez violente, cette fumée se changera en flamme. Les substances métalliques embrasées ou rougies au feu, soit par la fusion, soit sans être fondues, ne jettent point de flamme faute de fumée ; le zinc est excepté à cet égard, ce demi-métal donne de la flamme combustible.

Stahl a observé & bien prouvé que l’eau contribuoit essentiellement à la production de la flamme, & que les corps qui ne renfermoient point d’eau, étoient incapables de donner de la flamme à quelque feu qu’on les exposât, à moins qu’ils ne fussent propres à attirer de l’eau de l’atmosphere, & qu’on ne portât sur ces corps embrasés une certaine quantité d’eau convenablement divisée. Deux substances seulement, savoir le charbon & le zinc, donnent de la flamme en tirant de l’eau du dehors. Voyez Charbon, Zinc, Calcination ; voyez les trecenta de Stahl, § 81. & seq. M. Pott a établi la même vérité par de nouvelles expériences, & de nouvelles considérations, dans son excellente dissertation sur le feu & sur la lumiere, qui a été traduite en françois & imprimée avec la Lithogéognosie du même auteur.

Chaque flamme a son atmosphere, dont les parties sont surtout aqueuses, & repoussées du milieu de la flamme en en-haut par l’action du feu : aussi cette atmosphere s’étend d’autant plus autour de la flamme, que la nourriture du feu est plus aqueuse ; & la flamme même en ce cas a plus de diametre. Cette atmosphere se remarque sur-tout lorsqu’on fait ensorte qu’on puisse appercevoir l’image de la flamme sur une muraille blanche. La flamme, quand elle est libre, prend la forme d’un cone ; mais si on l’enferme dans un anneau ou corps cylindrique, elle prend alors une figure plus oblongue.

La raison pour laquelle la flamme paroît bleue & ronde vers la base, selon M. Musschenbroek, que nous abrégeons dans cet article, c’est que les parties huileuses inférieures étant moins chaudes que les autres, se raréfient moins & sont chassées plus foiblement, & que la grandeur du volume des parties du suif est cause qu’il ne passe à-travers ces parties non encore rarefiées, que des rayons bleus. La plus grande chaleur de la flamme est à son milieu, parce que c’est l’endroit ou les parties ignées ont le plus d’action ; plus bas les parties ne sont pas assez raréfiées ; plus haut elles le sont trop, & elles le sont enfin tant que le feu cesse d’agir à nos yeux sur elles. La flamme échauffe d’autant plus les corps qu’elle est plus pure, & contient moins de matieres visqueuses & hétérogenes, qui peuvent se placer entr’elles & les corps, & faire obstacle à son action ; c’est pour cela que la flamme de l’esprit-de-vin échauffe plus qu’aucun autre. Si une flamme se trouve entourée d’une autre flamme, comme celle de l’esprit-de-vin de celle de l’huile, l’intérieure prend la figure sphérique. La flamme a besoin d’air libre pour sa nourriture, mais il ne faut pas que l’air comprime trop le corps brûlant ; car le feu s’éteint plus vîte sous un verre dont on a pompé l’air, ou sous un verre dans lequel on fait entrer de l’air en trop grande quantité. Cette regle n’est

cependant pas générale. Il y a des corps qui paroissent n’avoir pas besoin d’air pour brûler, comme le phosphore d’urine mis dans le vuide, ainsi que l’huile de carvi, mêlée dans le vuide à l’esprit de tartre, le minium brûlé dans le vuide avec un verre ardent. Mussch. ess. de physiq. §. 986. & suiv. A la suite de ces faits, M. Musschenbroek tente d’expliquer certains phénomenes communs ; par exemple, pourquoi la flamme s’éteint à un vent violent, & s’augmente à un souffle leger ; pourquoi l’eau dispersée en petites gouttes l’éteint assez promptement, &c. Nous renvoyons à ces explications, qui sont purement conjecturales, & qui à dire vrai ne nous paroissent pas extremement satisfaisantes. Nous croyons qu’il seroit plus court & plus vrai de dire, qu’en ignore la cause de ces phénomenes si ordinaires, ainsi que celle de beaucoup d’autres. Voyez Feu, Fumée, Chaleur, &c.

Il y a sous la terre des matieres combustibles, qui venant à s’en détacher & à s’élever dans l’air, prennent flamme. Tacite raconte qu’une ville fut brûlée par des flammes de cette espece, sorties du sein de la terre, sans aucun autre accident, comme tremblement, &c. A côté d’une des montagnes de l’Apenuin, entre Bologne & Florence, on trouve un terrein assez étendu d’où il soit une haute flamme sans bruit & sans odeur, mais fort chaude ; la pluie la fait disparoître, mais elle renaît ensuite avec plus de force. On connoît aussi les fontaines dont l’eau s’enflamme lorsqu’on en approche un flambeau allumé. Ibid. §. 1490. Voyez Fontaine, &c.

Tous les corps qui s’enflamment, comme l’huile, le suif, la cire, le bois, le charbon de terre, la poix, le soufre, &c. sont consumés par leur flamme, & se dissipent en une fumée qui d’abord est brillante ; à quelque distance du corps elle cesse de l’être, & continue seulement à être chaude : dès que la flamme est éteinte, la fumée devient fort épaisse, & répand ordinairement une odeur très-forte ; mais dans la flamme elle perd son odeur en brûlant.

Selon la nature de la matiere qu’on brûle, la flamme est de différentes couleurs ; ainsi la flamme du soufre est bleue ; celle du cuivre uni à l’acide du sel marin, est verte ; celle du suif, jaune ; & celle du camfre, blanche. Lorsque la poudre à canon prend feu, elle se dissipe en fumée enflammée. Voyez Nitre.

Il y a un phénomene assez digne de remarque sur la flamme d’une chandelle, d’un flambeau, ou de quelqu’autre chose semblable ; c’est que dans l’obscurité la flamme semble plus grande, lorsqu’on en est à une certaine distance, que quand on en est tout proche : voici la raison que quelques philosophes en apportent. A une distance de six piés, par exemple, l’œil peut aisément distinguer la flamme d’avec l’air contigu qui en est éclairé, & appercevoir précisément où la flamme est terminée ; mais à un plus grand éloignement, comme à celui de trente piés, quoique l’angle que soûtient la flamme dans ce dernier cas, soit beaucoup plus petit que dans le premier ; cependant comme on ne peut plus distinguer précisément où se termine la flamme, on confond avec elle une partie de l’air environnant qui en est éclairé, & on le prend pour la flamme même. Voyez Vision.

Au reste quelle que soit la cause de ce phénomene, il est bon de remarquer qu’il est renfermé entre des limites : car la flamme d’une chandelle ou d’un flambeau ne paroît que comme un point à une très-grande distance, & elle ne semble s’aggrandir que lorsqu’elle est assez près de nous ; après quoi cette même flamme diminue de grandeur à mesure qu’elle s’approche. Il y a donc un point ou un terme où la lumiere paroît occuper le plus grand espace possible ; il ne seroit peut être pas inutile de fixer ce terme par des expériences, & peut-être cette observa-