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moins long, que l’on ne suppose point fomentée par l’amas & la corruption des humeurs, qui est égale depuis son commencement jusque à sa fin, & qui tant qu’elle subsiste, ne laisse entrevoir aucune diminution & aucune augmentation sensibles.

On peut encore envisager les fievres continues par leur violence, par leur qualité, par leur constance, par leurs causes, & par leurs symptomes.

1°. Selon la rapidité de leurs progrès & selon la promptitude avec laquelle elles se terminent ; elles sont ou simplement aiguës, ou fort aiguës, ou extrèmement aiguës.

2°. La difficulté avec laquelle elles cedent aux remedes, leur constance, la lenteur de leurs mouvemens, dénotent des fievres chroniques, semblables à celles que suscitent des dépôts internes, & telles, par exemple, que la fievre colliquative qui accompagne la morve, quand elle est parvenue à un certain degré. Ces fievres lentes sont toûjours symptomatiques : on ne peut conséquemment en triompher qu’en attaquant & en domptant la maladie qui les occasionne. Il arrive aussi dans le cheval, comme dans l’homme, que des fievres aiguës dégénerent en fievres de ce caractere.

3°. Dès qu’on se croit en droit d’accuser de la maladie présente une matiere fébrile considérable, & que l’on suppose cachée dans le sang ou dans les premieres voies, la fievre continue ou synoque putride ; & si la perversion prétendue des humeurs est excessive ou entiere, elle est ardente ou maligne. Les maréchaux la nomment alors feu, mal de feu, mal d’Espagne ; & elle est directement opposée par sa qualité aux fievres synoques simples, & aux fievres éphémeres, qui sont des fievres bénignes.

4°. Enfin si à tous les signes de la fievre maligne se joignent une grande prostration des forces, des exanthèmes, des bubons, des anthrax, &c. la maladie se manifestera par des symptomes trop positifs pour qu’il soit permis d’y méconnoître la fievre pestilentielle.

Ces détails que je n’étendrai pas plus loin, suffisent à quiconque prétend se former une idée des fievres qui peuvent survenir à l’animal ; elles sont toutes renfermées dans les divisions que j’en ai faites : celles dont le traitement m’a été confié, se réduisent à des fievres continues, ou lentes, ou aiguës, ou éphémeres, ou non putrides, ou putrides, ou pestilentielles, ou malignes.

Un travail immodéré & trop violent, un refroidissement, un repos trop constant & trop long, un défaut dans le régime, une nourriture abondante capable de surcharger l’estomac, à la suite d’un exercice pénible & forcé ; la faim, la soif même ; des eaux croupies, corrompues, indigestes ; une boisson froide donnée à un cheval échauffé ou qui est en sueur ; des alimens trop chauds, des fourrages aigres, le foin vasé & qui a été mouillé, le foin nouveau, de mauvais grains ; les vicissitudes de l’air ambiant ; des chaleurs excessives, des froids demesurés, des transitions subites & répétées des premieres à ceux-ci ; des tems humides & pluvieux, des tems de sécheresse & d’aridité ; l’ardeur d’un soleil brûlant, des exhalaisons putrides qui infectent quelquefois tout un pays, tout un camp, &c. telles sont en général les causes évidentes des unes & des autres ; à l’exception de la fievre lente qui n’est point essentielle, ainsi que je l’ai déjà remarqué, qui n’est que le produit de la lésion de quelques visceres, ou d’une maladie chronique quelconque.

Les autres fievres symptomatiques que le cheval éprouve, & qui peuvent être placées au rang des fievres aiguës, procedent communément de la douleur plus ou moins vive que suscitent en lui de fortes tranchées, l’érésypele, l’étranguillon, la four-

bure, des tumeurs phlegmoneuses, des abcès, des

plaies, &c. Les médicamens propres à calmer & à détruire ces maux, sont aussi les seuls qu’il convient d’employer pour en abréger le cours.

Il est des signes généraux des fievres ; il en est de particuliers à chacune d’elles.

Les signes généraux sont une respiration plus ou moins difficile, plus ou moins laborieuse, plus ou moins fréquente, & une accélération plus ou moins considérable des mouvemens ordinaires du diaphragme & des muscles abdominaux ; mouvemens très-sensibles dans les flancs, & accélérés selon la fréquence des inspirations que l’animal est machinalement obligé de faire pour faciliter & pour subvenir au passage du sang que le cœur agité chasse dans les poumons avec plus d’impétuosité & en plus grande abondance que ces organes ne peuvent en admettre dans l’état naturel.

Dans la plus nombreuse partie des chevaux, vainement tenterions-nous de consulter le pouls, cette regle des grands medecins, cet oracle qui leur dévoile la force du cœur & des vaisseaux, la quantité du sang, sa rapidité, la liberté de son cours, les obstacles qui s’y opposent, l’activité de l’esprit vital, son inaction, le siege, les causes, le danger d’une foule de maladies ; mais qui cesse d’être intelligible, & qui devient ambigu, obscur, & captieux pour ces docteurs frivoles, fourbes, ou ignorans, qui, sans égard à l’inégalité de la force de ce muscle, des canaux & du fluide sanguin dans les divers sujets, & aux variétés de cette même force dans un même individu, & sans la plus legere connoissance de la constitution & du tempérament du malade, prononcent au premier abord, & tirent ensuite du tact & de l’examen le moins réfléchi, des indications & des conséquences fausses & souvent meurtrieres.

Il faut convenir néanmoins que ce signe ou cette mesure de l’action & des mouvemens qui constituent la vie, ne nous abandonne pas toûjours. J’ai vû quelques chevaux dont l’artere du larmier étoit assez superficielle & le cuir assez fin pour permettre de distinguer les pulsations, & même de juger de leur dureté, de leur mollesse, de leur fréquence, de leur rareté, de leur intermittence, de leur uniformité, de leur grandeur, de leur petitesse, de leur continuité, & de leur interruption. J’ai vérifié sur eux les observations rapportées dans l’Hæmastatique de M. Hales, en ce qui concerne le nombre des battemens, & j’en ai suivi la progression dans les divers âges : j’en ai compté quarante-deux par minute dans le cheval fait & tranquille ; soixante-cinq dans un poulain extrèmement jeune ; cinquante-cinq dans un poulain de trois ans ; quarante-huit dans un cheval de cinq ans, mais limosin, & par conséquent d’un pays où ces sortes d’animaux sont long-tems attendus ; trente dans un cheval qui présentoit des marques évidentes de vieillesse ; cinquante-cinq, soixante, & même cent dans le même cheval dont j’avois ouvert les arteres crurales, & que je sacrifiois à ma curiosité ; la fréquence des pulsations augmentant à mesure qu’il approchoit de sa fin : enfin dans des jumens faites j’en ai compté trente-quatre & trente-six ; ce qui prouve que dans les femelles des animaux, le pouls est plus lent que dans les mâles ; & ce qui démontre, lorsque cette différence nous frappe dans les personnes des deux sexes, que la marche, les lois & les opérations de la nature sont à-peu-près les mêmes dans le corps de l’homme & de l’animal. Du reste, si les battemens des arteres de la machine humaine sont en raison double de ceux des arteres du cheval, on ne doit point imaginer avec M. de Garsault que la consistence naturellement plus épaisse du sang de l’animal, soit en lui une des causes principales de l’éloignement des contractions du cœur ;