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peu acide, avec de la chicorée & de semblables apéritifs doux. Le malade doit d’ailleurs se tenir en repos, & dans une chaleur modérée.

Quand la crise met fin à l’accès, on répare les sueurs & les urines par des tisanes vineuses, des bouillons de viande, des décoctions tiedes ; ainsi loin d’exciter la sueur par la chaleur, par des médicamens ou à force de couvertures, il suffit de l’entretenir doucement, en augmentant seulement la quantité des fluides qui doivent lui servir de matiere. Enfin on remédie aux symptomes pressans, selon les regles de l’art.

La fievre étant tout-à-fait dissipée, on restaure le malade par un régime analeptique, par des corroborans : on le purge ensuite quand ses forces le permettent.

S’il s’agit d’une violente fievre d’automne, si le corps est affoibli par la maladie, si elle est déjà invétérée, s’il n’y a aucun signe d’inflammation, de suppuration interne, ni d’aucune obstruction considérable dans quelque viscere, c’est alors que le quinquina donné dans l’apyrexie est essentiel, en poudre, en infusion, en extrait, en décoction, en syrop, avec les remedes convenables, en observant la méthode, la dose & le régime nécessaire. De plus les épithèmes, l’onction de l’épine du dos, & les boissons astringentes sont de quelque utilité.

Observations de pratique. Pour traiter chaque fievre d’une maniere qui lui soit particuliere, il faut remarquer, 1°. que les fievres intermittentes, vraies, finissent d’autant plûtôt, qu’elles ont moins de remise, & réciproquement au contraire ; 2°. qu’alors elles approchent plus de la nature des fievres aiguës, & ont plus de disposition à se convertir en elles ; 3°. qu’elles naissent d’un plus grand nombre de causes, & peut-être de causes plus mobiles ; 4°. que conséquemment les fievres de printems se dissipent d’elles-mêmes par la chaleur qui survient ; 5°. qu’au contraire en automne le froid succédant au chaud, rend les fievres intermittentes plus violentes & plus opiniâtres ; 6°. que de-là il est facile de juger quelles sont les fievres qui demandent à être traitées, & comment elles le doivent être ; 7°. quelles sont au contraire les fievres dont il faut abandonner le traitement au régime, au tems, à la nature ; par exemple la plûpart des fievres intermittentes de printems, qui n’accablent ni ne débilitent point le malade, sont dans ce dernier cas. L’ancien proverbe anglois, an ague in the spring, is à physick for à king, la fievre du printems est un remede pour un roi ; ce proverbe, dis-je, est fondé en lumieres & en expériences, & M. Ray n’a pas dédaigné de prouver qu’on pouvoit le réduire à des principes incontestables d’une savante medecine.

En effet, la fievre bénigne intermittente est un des moyens dont se sert la nature pour se rétablir elle-même d’un état qui l’opprime, opérer la coction des crudités qui la surchargent, ouvrir les obstructions, tarir les humeurs surabondantes, dénoüer les articulations, & disposer les corps des jeunes gens à prendre tout l’accroissement, la force & la vigueur dont ils sont susceptibles. Voyez Fievre salubre.

J’ai lû quelque part (lettr. édif. tom. VII.) que l’empereur qui regnoit à la Chine en 1689, envoya trois de ses medecins en exil, pour ne lui avoir point donné de remedes dans une fievre intermittente. On diroit que quelques-uns de nos praticiens appréhendent d’éprouver le sort de ces trois medecins chinois, par l’attention qu’ils ont de ne les point imiter ; cependant la liberté de leur profession, nos mœurs & nos usages doivent les rassûrer : ils peuvent laisser passer le cours de la fievre intermittente d’un monarque, sans danger pour leurs personnes, & sans crainte pour la vie du malade.

Mais la fievre intermittente se change en remittente continue, aiguë, lente, hectique ; c’est alors sans doute qu’elle demande les secours de l’art. Il faut toûjours observer en même tems, si cette fievre est pure ou symptomatique, ce qu’on découvrira en considérant attentivement les divers symptomes qui l’accompagnent, la chaleur, le froid, la qualité du pouls, les déjections, les urines, les sueurs, la foiblesse, la durée, les redoublemens, les rechûtes. La fievre simple obéit naturellement aux remedes ordinaires ; mais la fievre symptomatique accompagne toûjours la cause dont elle émane, & ne cesse que par la destruction de cette cause.

Fievre lente, febris chronica, lenta. Febricula lenta, Cels. Fievre continue ou remittente, par laquelle la nature s’efforce lentement de se débarrasser de l’amas croupissant du sang ou des humeurs dans quelqu’un des principaux visceres, & de préserver cette partie du danger qui la menace.

Différence de la fievre lente & de la fievre hectique. La fievre lente proprement & distinctement ainsi nommée, differe à plusieurs égards de la fievre hectique, avec laquelle on la confond souvent. D’abord elle differe de la fievre hectique dans son origine ; car elle est assez généralement produite par la dégénération de fievres intermittentes mal traitées, ou violemment supprimées par des astringens ; mais la fievre hectique procede ordinairement de causes plus graves, & est liée aux terribles accidens des abcès, des vomiques & des empyemes. Dans la fievre lente les visceres ne sont point encore grievement attaqués ; mais dans la fievre hectique, ils le sont déjà par quelque ulcere, apostume, ou skirrhe.

Ces deux maladies different aussi beaucoup par le caractere de leurs symptomes ; dans la fievre lente, ils sont si legers, que les malades doutent au commencement de l’existence de leur fievre ; mais ils sont violens dans la fievre hectique. Ces mêmes symptomes diminuent quelquefois dans la continuité d’une fievre lente ; ils empirent dans la fievre hectique. Dans la fievre lente, les sueurs sont d’abord abondantes ; & dans la fievre hectique, les sueurs n’abondent que quand cette fievre est parvenue à son dernier période. La fievre lente est sujette à dégénérer en d’autres maladies ; la fievre hectique ne souffre aucun changement. Enfin la fievre lente se termine souvent & heureusement d’elle-même par les seuls sueurs de la nature ; la fievre hectique au contraire n’amende point, & devient presque toûjours fatale.

Signes de la fievre lente. La fievre lente se manifeste par une chaleur non naturelle, à peine sensible au tact & aux yeux du medecin ; le pouls foible, fréquent, inégal ; des urines troubles qui déposent en s’éclaircissant, un froid interne avec de legers tremblemens, de la pesanteur dans les membres, de la lassitude sans travail, une langue blanche, une bouche seche, le manque d’appétit : ces symptomes sont succédés par des sueurs abondantes pendant la nuit, une soif continuelle, l’abattement des forces, le dépérissement, la maigreur, la cacochymie, & autres maux qui en résultent.

Ses causes. La fievre lente se forme insensiblement dans la santé par la destruction de l’équilibre, par les passions tristes de l’ame, par l’habitation des pays marécageux, par la corruption spontanée des humeurs dans les scorbutiques & dans les femmes attaquées de fleurs blanches. Elle tire aussi son origine de l’obstruction des visceres, de quelque maladie aiguë qui a précédé, de fievres intermittentes de toute espece qui ont été mal gouvernées, de la suppression des évacuations accoûtumées, ou au contraire de L’épuisement des forces par de trop grandes évacuations, soit de sang, soit des humeurs.

Prognostics. Quand la fievre lente succede à une in-