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Fidélité, (Mythol. Médailles, Littér.) en latin fides, déesse des Romains qui présidoit à la bonne foi dans le commerce de la vie, & à la sûreté dans les promesses. On la prenoit à témoin dans ses engagemens, & le serment qu’on faisoit par elle, étoit de tous les sermens le plus inviolable ; elle tenoit en conséquence le premier rang dans la religion, & étoit regardée comme la principale conservatrice de la sûreté publique.

On la représentoit par deux mains qui se joignoient ensemble, ainsi qu’on le voit sur plusieurs médailles, par exemple, dans celle d’Antoine, de Vitellius, de Vespasien & d’autres, avec ces mots, fides exercituum, & dans celles d’Hostilien, avec ceux ci, fides senatûs. Consultez l’ouvrage numismatique de Bandury. Ailleurs elle est représentée debout, tenant d’une main une patere, & quelquefois de l’autre une corne d’abondance, avec ces paroles, fides publica. Souvent elle paroît avec une ou plusieurs aigles romaines.

On voit encore cette déesse gravée sur les médailles, sous la figure d’une femme couronnée de feuilles d’olivier ; d’autres fois elle est assise tenant d’une main une tourterelle, symbole de la fidélité, & de l’autre un signe militaire. Enfin elle est dépeinte avec plusieurs autres attributs sur quantité de médailles, qui ont pour inscription, fides aug. mutua, publica, equit. exercitus, militum, cohortium, legionum, &c. Quelquefois avec ces inscriptions, on trouve deux figures qui joignent la main ensemble, pour désigner l’union de gens qui se conservent la foi les uns aux autres. Dans une médaille de Titus, derriere les deux mains jointes, s’élevent un caducée & deux épics de blé.

Cette divinité n’avoit pour tout habillement qu’un voile blanc, symbole de sa candeur & de sa franchise ; te spes & albo rara fides colit velata panno, dit Horace. Ses autels n’étoient point arrosés de sang, & on ne tuoit aucun animal dans ses sacrifices, parce qu’elle détestoit l’ombre même du carnage. Ses prêtres avoient à son exemple la tête & les mains couvertes d’un voile blanc, pour faire connoître qu’ils agissoient avec une extrème sincérité, & dans ce qu’ils méditoient, & dans ce qu’ils exécutoient. Ils lui présentoient toûjours leurs offrandes avec la main droite enveloppée du voile ; & c’est par cette raison, suivant quelques-uns, que l’on prête encore serment de cette main.

Numa, selon les historiens de Rome, considérant la fidélité comme la chose du monde la plus sainte & la plus vénérable, fut le premier de tous les hommes qui lui bâtit un temple : & il voulut que les frais de son culte & de ses autels se fissent aux dépens du public, qui y étoit si fort intéressé. Ce temple de Numa étant tombé en ruine, fut réédifié par les soins d’Attilius Collatinus, car c’est ainsi qu’on doit interprêter un passage du II. livre de la nature des dieux. La statue de la fidélité fut placée dans le capitole, tout près de celle de Jupiter, quam in capitolio, dit Ciceron, vicinam Jovis optimi maximi majores nostri esse voluerunt ; ils croyoient qu’elle étoit respectable à Jupiter même, dont elle scelloit les sermens. C’est ce qu’Ennius nous apprend dans ce passage que Ciceron rapporte, & trouve avec raison si beau :

O fides alma, apta pinnis, & jusjurandum Jovis !

« O divine foi, vous méritez d’être placée au plus haut des temples, vous qui proprement n’êtes rien autre chose que le serment de Jupiter ».

En effet, Numa ne fit rien de plus digne de lui, que de consacrer un temple à la fidélité, afin que tout ce qu’on promettoit sans écriture & sans témoins fût aussi stable que ce qui seroit promis & juré avec toutes les formalités des contrats, & le peuple qu’il gou-

vernoit pensa de même que le législateur. Polybe & Plutarque rendent aux Romains ce témoignage glorieux, qu’ils garderent long-tems & inviolablement leur foi, sans caution, témoin ni promesse ; au lieu, disent-ils, que dix cautions, vingt promesses & autant de témoins, ne mettoient personne en sûreté contre l’infidélité des Grecs. Je crains bien que les peuples de nos jours si civilisés, ne ressemblent aux Grecs de Plutarque & de Polybe ; hé comment ne leur ressembleroient-ils pas, puisque les Romains mêmes ne tenoient plus aucun compte de la foi sous le regne d’Octave ! C’est pourquoi les écrivains du siecle de cet empereur donnoient à cette vertu le nom d’antique, cana fides, pour marquer que les siecles où elle avoit été dans sa force, étoient déjà bien éloignés ; elle existoit avant Jupiter, dit Silius Italicus. Ils l’appelloient encore rare, rara fides, pour faire entendre qu’elle ne se trouvoit presque plus chez les nations policées, & qu’elle n’y a guere paru depuis. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FIDIUS, (Littér. & Mythol.) dieu de la bonne foi ou de la fidélité, par lequel on juroit chez les Romains, en disant me dius Fidius, & en sous-entendant adjuvet : que le dieu Fidius me soit favorable !

J’ai lû avec grand plaisir dans une dissertation de M. l’abbé Massieu (Mém. de l’Acad. des Belles-Lettres, tom. I.), quelques détails instructifs sur le dieu Fidius, dont je vais profiter, parce que personne ne s’est encore donné la peine d’éclaircir bien des choses qui concernent ce dieu. Tout ce qu’on sait de plus sûr, c’est qu’il présidoit à la religion des contrats & des sermens : du reste on ignore sa véritable généalogie, la force de ses différens noms, & même la maniere dont ils doivent être lûs.

Denys d’Halycarnasse semble confondre le dieu Fidius avec Jupiter ; car en plusieurs endroits où il est obligé de traduire le dieu Fidius des Romains, il le rend par le ζεὺς πίστιος des Grecs. Mais il est abandonné sur ce point par tout ce qu’il y a de meilleurs critiques.

La plûpart croyent que ce dieu étoit le même qu’- Hercule, & que ces deux mots dius fidius ne signifient autre chose que Jovis filius. Nos anciens, dit Festus, se servoient souvent de la lettre d au lieu de la lettre l, & disoient fidius au lieu de filius : c’étoit aussi le sentiment d’Elius, au rapport de Varron.

Quelques-uns prennent ce dieu pour Janus, d’autres pour Sylvanus, dieu des forêts : ceux qui prétendent avoir le plus approfondi cette matiere, soûtiennent après Lactance, que c’étoit un dieu étranger, & que les Romains l’avoient emprunté des Sabins. Ils lui donnent une naissance miraculeuse, qui dès ce tems même de superstition, parut fort équivoque & fort suspecte.

Les sentimens ne sont pas moins partagés sur les noms de ce dieu que sur son origine. Les trois noms qu’on lui donnoit le plus communément, étoient ceux de Sancus, de Fidius, & de Semi-pater.

C’est encore un nouveau sujet de dispute entre les Savans, que de déterminer la maniere dont on doit lire ces trois noms, car ils ne s’accordent que touchant fidius, & sont très-divisés au sujet de sancus & de semi-pater. En effet, à l’égard du premier nom, les uns tiennent pour sancas, les autres pour sangus, d’autres pour sanctus, & ceux-ci concluent que ce dieu étoit le même qu’Hercule. Quant au dernier nom, les uns lisent semi-pater, & par ce mot n’entendent autre chose que demi-dieu ; les autres semicaper, dans la persuasion où ils sont que dius fidius étoit le même que Sylvanus, qui comme toutes les divinités champêtres, avoit des piés de chevre : enfin la plûpart lisent semo-pater, c’est-à-dire dieu mitoyen, dieu qui faisoit son séjour dans l’air, n’étant