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comprimée par quelque moyen que ce soit, & rendue un peu compacte, a souvent été prise pour de la vraie chair fibreuse, comme il arrive sur-tout à l’égard des concrétions qui se forment dans le cœur, dans la matrice, que l’on prend pour des polybes, pour des moles, & qui en ont souvent imposé, même à des medecins éclairés, mais trop peu sur leur garde. 5°. Dans les premiers tems de la génération, les rudimens qui forment l’embryon, tout organisé qu’il est, se présentent sous forme de gelée ; ils ne prennent de la consistance que par les suites de l’accroissement ; & cependant peu de tems avant l’exclusion naturelle du fœtus, les os même ressemblent encore à une substance gélatineuse, sur-tout entre la partie la plus solide & le périoste, comme l’a observé dans son ostéologie, l’auteur déjà cité.

Ces dernieres considérations sur la nature de la fibre, conduisent à traiter de ses propriétés.

Propriétés de la fibre en général. Toute fibre, telle même que nous pouvons l’avoir par une division grossiere (qui est bien éloignée de parvenir à nous donner la fibre élémentaire, la fibre simple), par une division qui ne peut nous fournir rien de plus fin, de plus menu, qu’un fascicule de fibres simples, dont le nombre est aussi petit qu’il est possible, en conservant un volume suffisant, pour tomber sous les sens ; toute fibre est transparente, c’est-à-dire qu’elle transmet en tous sens les rayons de lumiere, comme tous les corps homogenes réduits en filets bien subtils ou en lames très-minces. Lorsqu’une fibre est seche, qu’elle est par conséquent dépouillée des parties hétérogenes des fluides dont elle étoit pénétrée, elle a encore cette propriété plus marquée ; elle peut produire alors les effets d’un prisme, c’est-à-dire qu’elle peut décomposer un rayon de lumiere, & en exhiber les couleurs primitives, en les séparant ; c’est une propriété que l’on peut aussi observer dans un cheveu, dans un poil.

Toutes les fibres du corps humain ont de la flexibilité ; cette propriété est sensible dans toutes les parties molles, sans qu’elles soient décomposées ; elle n’est pas moins dans les parties les plus dures, lorsqu’elles sont divisées en petites lames, qui sont alors susceptibles d’être pliées, courbées aisément, sans qu’il s’y fasse de solution de continuité. Les parties élémentaires qui forment les fibres ainsi flexibles, ne sont donc pas unies entr’elles par des surfaces si étendues & si pleines, qu’elles se touchent exactement dans tous leurs points ; parce qu’il résulteroit d’un tel arrangement des corps aussi solides que leurs élémens même, qui n’auroient ni flexibilité ni divisibilité : les fibres étant susceptibles de l’une & de l’autre de ces propriétés, sont par conséquent composées de parties qui ne se touchent que par des portions de surfaces interrompues ; c’est-à-dire, que les élémens des fibres & les fibres elles-mêmes unies pour former les organes, laissent des points, des espaces entr’eux, c’est-à-dire des pores, selon l’étendue desquels il n’y a point de contact ; qui sont plus ou moins petits, à proportion de la densité propre à ces organes ; & ceux-ci sont conséquemment plus ou moins compressibles, ce qui contribue beaucoup à déterminer les différens degrés de dureté & de mollesse qui les différencie.

Toute fibre, dans quelque partie du corps humain que ce soit, est doüée plus ou moins d’une force élastique : c’est ce qui est prouvé, par ce que l’on voit constamment arriver dans les parties molles coupées, dont chaque portion se retire sur elle-même, se raccourcit sensiblement vers la partie fixe : en quelque sens que soient coupées des chairs, des membranes, des vaisseaux, des fibres de toutes ces sortes d’organes, la même retraction des portions séparées se fait toûjours, & elles restent dans cet état jusqu’à ce

qu’on les rapproche de force l’une de l’autre ; ce qui ne se fait qu’avec beaucoup de peine dans les muscles, les tendons. Ce raccourcissement n’a pas lieu d’une maniere sensible dans les nerfs ; mais s’ils sont susceptibles de vibratilité, ils doivent avoir de l’élasticité : cette force contractile ne se montre pas non plus dans les fibres osseuses coupées ; cependant le son qui résulte des os lorsqu’on les frappe, dénote assez que la substance osseuse est élastique ; mais il n’y a guere lieu à ce qu’elle s’exerce dans le corps humain, parce qu’il ne s’y fait naturellement aucun effort suffisant pour mettre les os dans un état d’élongation : cependant les os des enfans résistent plus à être cassés, rompus, que ceux des vieillards : c’est parce qu’il y a plus de flexibilité dans ceux-là que dans ceux-ci. Mais alors même les os sont absolument moins élastiques, quoiqu’ils soient en disposition de paroître tels moins difficilement : l’élasticité, dans toutes les parties du corps humain comparées entr’elles à cet égard, paroît être en raison inverse de leur flexibilité : car les substances nerveuses qui sont les plus flexibles, semblent, comme on a dit ci-devant, n’être point du tout élastiques : mais par opposition, quelle n’est pas l’élasticité des os, à en juger (proportion gardée de leur plus ou moins grande dureté) par l’élasticité de l’yvoire ? on ne peut cependant en tirer aucune conséquence pour le corps vivant ; ainsi l’élasticité de ses fibres ne regarde presque que les parties molles, attendu que ces seules parties sont véritablement susceptibles d’être alongées, pliées, fléchies : cette force, en vertu de laquelle les fibres de ces parties tendent à se raccourcir, leur est tellement inhérente, que non-seulement pendant la vie, de quelque maniere qu’elles soient tirées, elles font effort pour se raccourcir, en se contractant en effet dès qu’elles cessent d’être tendues & qu’elles sont livrées à elles-mêmes par solution de continuité ou autrement ; mais encore après la mort, elles ne sont pas privées de cette force élastique, comme on peut en juger par les peaux des animaux & par les cordes que l’on fait de leurs boyaux & de différentes autres de leurs parties, qui conservent toutes beaucoup d’élasticité.

Mais cette propriété suppose dans la fibre une autre propriété, qui, bien qu’elle consiste dans un effet opposé, en est cependant une disposition nécessaire ; c’est la faculté de pouvoir être alongée, c’est la distractilité : car puisque l’élasticité consiste dans la faculté qu’a un corps qui a souffert un changement dans la situation intrinseque de ses parties intégrantes sans solution de continuité, de les remettre dans leur premier état (par une force qui lui est propre) ; dès que la cause de ce changement cesse, il faut absolument que ce corps soit susceptible de ce premier effet dans ses parties ; qu’elles soient mises dans une sorte d’éloignement, les unes par rapport aux autres ; en un mot, que le contact cesse entr’elles (sans qu’elles se séparent les unes des autres, au point de faire solution de continuité pour le tout qu’elles composent) avant de leur faire recouvrer leur précédente situation respective, & de les ramener à leur premier état : c’est donc, ce me semble, fort à propos que l’on distingue deux effets bien différens, qui s’operent toutes les fois que la faculté élastique est réduite en acte dans les corps qui en sont susceptibles, d’autant plus que ces deux effets dépendent l’un & l’autre d’une puissance réellement aussi active pour l’un que pour l’autre : l’une sert autant à retenir les parties qui tendent à être écartées les unes des autres, & entierement desunies, que l’autre sert à les rapprocher & rétablir entr’elles le contact d’union, au point où il étoit ; l’élasticité tend à raccourcir les fibres plus alongées que ne le comporte leur tendance naturelle ; cet effet s’opere de la même maniere