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de morb. Voyez Sang. Galien, lib. V. de usu part. regarde aussi les fibres comme des filets déliés & subtils qui entrent dans la composition des nerfs, des ligamens, des muscles ; mais il n’avoit même point d’idée des filamens élémentaires, non plus que tous les auteurs qui l’ont suivi, jusqu’au siecle dernier, où l’Anatomie perfectionnée a poussé la décomposition du corps animal jusqu’à ses parties les plus simples par la pénétration de l’esprit, pour suppléer à la grossiereté à cet égard de tous les instrumens possibles.

On se représente donc aujourd’hui ces fibres animales comme des filamens d’une petitesse indéfinie par rapport à leur largeur & leur épaisseur, & d’une étendue différente, selon les différentes parties à qui elles appartiennent. On conçoit qu’elles sont comme un assemblage de particules élémentaires, unies l’une à l’autre selon la direction d’une ligne. C’est conséquemment ce que l’on ne peut savoir que par le raisonnement, l’expérience apprenant seulement que les chairs, les os, &c. peuvent être divisés plus ou moins aisément en parties linéaires extrèmement déliées, & qu’il n’est aucun organe qui n’en soit composé. L’insuffisance de nos instrumens, & même de nos sens, ne nous permet pas de parvenir à les diviser méchaniquement jusqu’à leurs élémens. Ce qui va être exposé sur les fibres élémentaires, ne peut par conséquent être présenté que comme une suite de conjectures ; mais outre que les conjectures deviennent des raisons, quand elles sont les plus probables qu’on puisse tirer de la nature des choses, & les seuls moyens qu’on puisse avoir de découvrir la vérité, les conséquences que l’on se propose de déduire de celles qui suivent, ne seront point pour cela conjecturales, puisque sur les principes qui seront établis, il ne paroît pas que l’on puisse former aucun autre système sur ce sujet, qui ne fournisse les mêmes résultats, & dont on ne puisse tirer les mêmes conclusions.

Généralités physiques : principes des fibres. Ce n’est donc aussi que par le raisonnement que l’on peut savoir que chaque partie élémentaire proprement dite des fibres, considérée séparément, est formée de particules de matiere unies entr’elles d’un lien indissoluble ; qu’elle est immuable ; qu’aucun agent dans la nature ne peut lui causer aucune altération, soit pour sa forme intrinseque, soit pour sa figure, soit pour la cohésion des particules dont elle est formée : c’est la conséquence qu’on peut tirer de la face constante de l’Univers, qui est toûjours la même, & qui ne présente jamais des corps essentiellement nouveaux, mais seulement des combinaisons variées de la matiere élémentaire, absolument toûjours la même en qualité, en quantité, & seulement différente respectivement aux différens aggrégats qui en sont formés par les puissances de la nature ou par celles de l’art.

Les atomes ou principes de la matiere qui constituent les corps, de quelque genre que ce soit, sont donc de vrais solides d’une dureté à toute épreuve, & vraissemblablement d’une densité égale entr’eux, qui ne different que par la forme extérieure & par le volume, ou seulement par les différentes manieres d’être unis & mêlés entr’eux. Ce sont les seuls solides parfaits qui résistent à la division de leurs parties avec une force insurmontable, puisqu’il n’est aucun corps composé qui oppose une pareille résistance. Ils sont véritablement tels, étant considérés séparément ; mais assemblés en masse, la différente maniere dont ils le sont, forme la différence qui constitue la solidité ou la fluidité dans les masses qui résultent de l’assemblage ; & ces deux qualités des corps composés varient même indéfiniment chacune en particulier, par les différentes combinaisons qui les déterminent : en-

sorte que le passage de la solidité à la fluidité se fait

pour ainsi dire par une infinité de nuances graduées imperceptiblement ; d’où résulte par conséquent une infinité, ou, pour parler plus exactement, une indéfinité de sortes de corps, tant solides que fluides. La différence essentielle de ces deux genres de corps ne consiste cependant qu’en ce que dans les solides la force de cohésion oppose une résistance toûjours bien sensible, quoique plus ou moins, à la division de leurs parties ; & dans les fluides cette résistance ne se fait point ou presque point sentir. Les contacts entre les élémens des corps, ou entre les petites masses de ces élémens, par des surfaces d’une étendue plus ou moins considérable, qualité à laquelle est attachée la force de cohésion (voyez Cohésion), forment la solidité. Les contacts par des points seulement, en plus ou moins petit nombre, mais toûjours si bornés qu’ils ne donnent presque point ou très-peu de prise à la force de cohésion, forment la fluidité : de-là toute la différence des corps entr’eux, c’est-à-dire des corps solides comparés aux fluides, des solides comparés entr’eux, & des fluides aussi comparés les uns aux autres.

Le solide le plus simple est donc celui que l’on peut se représenter composé d’un certain nombre d’élémens, c’est-à-dire de corpuscules séparément indivisibles assemblés, de maniere qu’après leur union ils résistent sensiblement, par quelque cause que ce soit, à la force qui tendoit à les séparer. Ces corpuscules, qui sont du genre des corps que l’on peut concevoir comme constituant chacun séparément un solide parfait, qui sont par conséquent, comme il a été dit, les seuls dans la nature qui résistent avec une force insurmontable à la division de leur matiere propre ; ces corpuscules ou atomes qui n’appartenoient auparavant ni à un aggrégé solide, ni à un aggrégé fluide, forment par l’assemblage qui vient d’être supposé, un aggrégé du premier genre. Cette connexion, quoique très-simple, fait toute la différence entre les solides & les fluides. Elle manque dans ceux-ci, parce que leurs parties élémentaires n’opposent point de résistance à celles du feu qui pénetrent tous les corps, & tendent à détruire toute consistence. On peut regarder l’état des fluides comme un état de fusion, au lieu que la force de cohésion entre les parties intégrantes des solides, est supérieure à la force desunissante du plus actif des élémens ; par conséquent la connexion subsiste tant qu’il n’y a pas excès de cette force-ci sur celle-là. C’est ainsi que la cire, qui a tous les caracteres de la solidité en hyver, devient presque fluide par l’augmentation de l’action du feu universel en été ; & au contraire l’eau, qui est presque toûjours sous forme fluide, devient un corps solide par une grande diminution de cette action. Voyez Glace.

Il est cependant à-propos d’observer ici qu’il y a quelque différence dans la signification des termes de solide & de fluide, par rapport à l’économie animale. Les Physiologistes ne les adoptent pas dans le sens absolu qui vient d’être établi ; ainsi, selon eux, pour qu’une partie du corps humain soit regardée comme solide, il suffit qu’elle ait assez de force de cohésion pour éprouver sans solution de continuité, les alongemens, les distensions, les efforts répetés qui résultent des différens mouvemens, tant ordinaires qu’extraordinaires, en quoi consistent les actions de la vie saine, & même lésée, proportionnées à la constitution naturelle du sujet dans lequel elles s’exercent, ensorte que cette cohésion soit supérieure à tout ce qui tend à la détruire par un effet nécessaire de ces actions. Les parties fluides propres au corps animal, sont composées de molécules qui n’ont presque point d’adhérence entr’elles, qui sont séparables & mobiles en tous sens, mais seulement par accident, c’est-à-