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leur, joüissant de toute l’activité du feu, & se manifestant par les mêmes troubles & par les mêmes effets.

Les vésicatoires, de la classe de ceux que l’on distingue par la dénomination de rubéfians ou de phénigmes, n’excitant qu’une legere inflammation dans les tégumens du corps humain, seroient totalement impuissans sur le cuir du cheval ; mais l’impression des épispastiques, auxquels on accorderoit un certain intervalle de tems pour agir, seroit très-sensible. Les particules acres & salines de ceux-ci sont doüées d’une telle subtilité, qu’elles enfilent sans peine les pores, quelle que soit leur ténuité : elles s’insinuent dans les vaisseaux sudorifiques, elles y fermentent avec la sérosité qu’ils contiennent ; & les tuniques de ces canaux cedant enfin à leurs efforts, & à un engorgement qui augmente sans cesse par la raréfaction & par le nouvel abord des liqueurs, laissent échapper une humeur lymphatique qui soûleve l’épiderme, & forme un plus ou moins grand nombre de vessies qui se montrent à la superficie de la peau. Les alongemens par lesquels cette membrane déliée se trouvoit unie aux vaisseaux qui ont été dilacérés, demeurent flottans, & s’opposent à la sortie de la sérosité dans laquelle ils nagent ; mais cette humeur triomphe néanmoins de ces obstacles après un certain tems, puisqu’elle se fait jour, & qu’elle suinte sous la forme d’une eau rousse & plus ou moins limpide.

A la vûe de l’inertie des cathérétiques appliqués sur les tégumens, & de leur activité sur les chairs vives, on ne sauroit douter de la difficulté que leurs principes salins ont de se dégager, puisqu’il ne faut pas moins qu’une humidité aussi considérable que celle dont les chairs sont abreuvées, pour les mettre en fonte, pour briser leurs entraves, pour les extraire, & pour les faire joüir de cette liberté sans laquelle ils ne peuvent consumer & détruire toutes les fangosités qui leur sont offertes.

Ceux qui composent une partie de la substance des ruptoires, sont sans doute moins enveloppés, plus acres, plus greffiers, plus divisés & plus susceptibles de dissolution, dès qu’ils corrodent la peau même, & que de concert avec les particules ignées qu’ils renferment, ils privent de la vie la partie sur laquelle leur action est imprimée ; ce que nous observons aussi dans les cathérétiques, qui, de même que les ruptoires, ne peuvent jamais être envisagés comme des caustiques simples, & qui brûlent plus ou moins vivement toutes celles que la peau ne garantit pas de leurs atteintes.

Les ouvrages qui ont eu pour objet la medecine des chevaux, contiennent plusieurs formules des médicamens rétoires : celui qui a été le plus usité, est un onguent décrit par M. de Soleysel. L’insecte qui en fait la base, est le méloé ; il est désigné dans le système de la Nature, par ces mots, antennæ filiformes, elytra dimidiata, alæ nullæ. Linnæus, Fauna suecica, n°. 596. l’appelle encore scarabœus majalis unctuosus. Quelques auteurs le nomment proscarabœus, cantharus unctuosus ; le scarabé des Maréchaux. Il est mou, & d’un noir-foncé ; il a les piés, les antennes, le ventre, un peu violets, & les fourreaux coriaces. On le trouve dans les mois d’Avril & de Mai, dans les terreins humides & labourés, ou dans les blés. On en prend un certain nombre que l’on broye dans suffisante quantité d’huile de laurier, & au bout de trois mois on fait fondre le tout : on coule, on jette le marc, & on garde le reste comme un remede très-précieux, & qui doit, selon Soleysel, dissiper des suros, des molettes, des vessigons, &c. mais qui est très-inutile & très-impuissant, selon moi, dans de pareilles circonstances.

Il est encore d’autres rétoires faits avec le soufre en poudre, du beurre vieux, de l’huile de laurier,

des poudres d’euphorbe & de cantharides. J’ai reconnu que la qualité drastique de ces insectes n’est pas moins nuisible à l’animal qu’à l’homme, & qu’ils ne font pas en lui des impressions moins fâcheuses sur la vessie & sur les conduits urinaires ; mais quoique ces vésicatoires m’ayent réussi dans une paralysie subite de la cuisse, il faut convenir que dans la pratique nous pouvons nous dispenser en général d’en faire usage ; le séton brûlant opérant avec beaucoup plus de succès dans les cas où ils semblent indiqués, c’est-à-dire dans l’épilepsie, l’apoplexie, la léthargie, la paralysie, les affections soporeuses, les maladies des yeux, en un mot dans toutes celles où il s’agit d’ébranler fortement le genre nerveux, d’exciter des secousses favorables, & de produire des révulsions salutaires.

Les cathérétiques que nous employons le plus communément, sont l’alun brûlé, le cuivre brûlé, le verdet, l’iris de Florence, la sabine, l’arsenic blanc, le sublimé corrosif, l’arsenic caustique, le précipité blanc, l’onguent brun, l’onguent égyptiac, le baume d’acier ou le baume d’aiguille, &c.

Les ruptoires, que nous ne mettons presque toûjours en œuvre que comme cathérétiques, sont l’eau ou la dissolution mercurielle, l’esprit de vitriol, l’esprit de sel, l’esprit de nitre, le beurre d’antimoine, l’huile de vitriol, l’eau-forte, la pierre infernale. Je dis que nous ne les appliquons communément que sur les chairs découvertes de la peau : il est rare en effet que dans les cas où il est question d’ouvrir des tumeurs, nous ne préférions pas le cautere actuel, dont les opérations sont toûjours plus promptes, & dont les malades que nous traitons ne font point effrayés, à ces médicamens potentiels, qui peuvent d’ailleurs porter le poison dans le sang par l’introduction de leurs corpuscules, & qui demandent, eu égard à ce danger, beaucoup de circonspection & de sagacité dans le choix, dans les préparations, & dans l’application que l’on en fait. (e)

Feu, (Manége.) cheval qui a du feu, cheval qui a de la vivacité, expressions synonymes. Il y a une très-grande différence entre le feu ou la vivacité du cheval, & ce que nous nommons en lui proprement ardeur. Le feu ou la vivacité s’appaisent, l’ardeur ne s’éteint point. Trop de feu, trop de vivacité formeront, si on le veut, ce que l’on doit entendre par le mot ardeur, & conséquemment ce terme présentera toûjours à l’esprit l’idée de quelque chose de plus que celle que nous attachons à ceux de vivacité & de feu. Le cheval qui a de l’ardeur, quelque vigoureux, quelque nerveux qu’il puisse être, doit être peu estimé. Le desir violent & immodéré qu’il a d’aller en-avant, & de devancer les chevaux qui marchent ou qui galopent devant lui ; son inquiétude continuelle, son action toûjours turbulente, son trépignement, les différens mouvemens auxquels il se livre en se traversant sans cesse, & en se jettant indistinctement tantôt sur un talon, tantôt sur un autre ; sa disposition à forcer la main, sont autant de raisons de le rejetter. Non-seulement il est très-incommode & très-fatigant pour le cavalier qui le monte, mais il se lasse & s’épuise lui-même ; la sueur dont il est couvert dans le moment, en est une preuve. Ces chevaux, dont le naturel est à-jamais invincible, sont d’ailleurs bientôt ruinés ; s’ils manquent de corps, la nourriture la meilleure & la plus abondante, l’appétit le plus fort, ne peuvent en réparer les flancs : ils demeurent toûjours étroits de boyau, & très-souvent la pousse termine leur vie. Tous ces vices ne se rencontrent point dans le cheval qui n’a que du feu : si son éducation est confiée à des mains habiles, sa vivacité ne le soustraira point à l’obéissance ; elle sera le garant de sa sensibilité & de son courage, elle ne se montrera que lorsque l’animal sera recherché,