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étranger, qui doit traverser leurs atmospheres : ainsi les corps les plus denses, & qui ont le plus de lumiere dans leur composition, ayant des atmospheres de la plus grande densité, tels que les diamans, le verre, l’ambre, la cire, &c. doivent retenir bien plus fortement l’éther admis dans leur intérieur, le laisser échapper avec plus de résistance, enfin l’admettre plus difficilement que les métaux, les animaux & les autres corps non électriques qui n’ont pas tant de densité. Ainsi donc, le verre, l’ambre, la cire, la résine, &c. étant une fois remplis d’éther électrique, agissent bien plus long-tems sur les corps legers, que le fer & les autres métaux, rendus électriques par communication ; & par la même raison, ceux-ci, dont les atmospheres résistent peu, reçoivent mieux l’électricité par communication, que le verre, la cire, la résine, l’ambre, &c. Or, voici comment l’éther extérieur pénetre l’atmosphere très-dense d’un corps électrique, par exemple d’un cylindre de verre, pour se condenser dans son intérieur.

Quand les parties de sa surface sont raréfiées par le frotement, les particules d’éther qui les environnent sont aussi raréfiées : la résistance de cette atmosphere diminue donc sur la partie frotée ; & si l’éther extérieur tend à s’introduire dans le cylindre par cet endroit, il est évident que son passage en sera plus facile. Voyons maintenant ce qui cause ce flux d’éther qui arrive des corps du voisinage, comment il s’échappe du globe pour passer dans les corps qu’on électrise par communication, & pourquoi le frotement seul peut produire tous ces effets. Supposons que la machine & tout ce qui tient au coussin soient d’une densité uniforme, d’une grandeur déterminée, & que l’éther s’y trouve répandu uniformément ; enfin que ces corps soient parfaitement isolés sur des gâteaux de résine : lorsqu’on raréfie par le frotement une partie du coussin & du verre, l’éther doit devenir plus dense dans ces parties qui viennent d’être raréfiées : il doit donc se faire un flux d’éther des parties qui ne sont pas raréfiées, vers celles qui l’ont été ; & la machine contenant beaucoup plus de matiere que le cylindre de verre, doit fournir plus d’éther que ce cylindre, pour que ce fluide reste également raréfié dans la machine & dans le cylindre après l’opération : par conséquent il y aura un flux du coussin & de la machine ensemble vers le verre. Quoique l’éther soit plus dense dans les parties rarefiées du cylindre & du coussin, qu’il n’étoit dans ces parties avant le frotement ; cependant la résistance que lui oppose l’atmosphere qui environne ces parties raréfiées, est diminuée par la raréfaction qu’elle éprouve aussi par le frotement ; c’est pourquoi l’éther peut s’échapper par cette voie, & passer dans une barre de fer isolée, qui sera proche du cylindre, & diminue d’autant la quantité du fluide éthéré qui étoit contenu d’abord dans tout l’appareil. Cette diminution au reste est bornée ; & quand la machine est sur de la cire, on ne peut faire passer qu’une très-petite quantité d’éther dans la barre, quelque long-tems que l’on continue le frotement.

En faisant communiquer à la machine d’autres corps non électriques aussi posés sur des gâteaux de cire, la quantité d’éther contenue dans tout ce rassemblage de la machine & du coussin sera augmentée ; il en coulera donc vers le globe une plus grande quantité, qui sera transmise à la barre : c’est aussi ce que l’expérience confirme.

De-là on voit pourquoi quand la machine communique avec la terre, vû l’immensité de cette masse, nous ne saurions parvenir à raréfier sensiblement l’éther dans la machine : c’est aussi le cas où il en passe davantage dans la barre, où les effets d’électricité sont les plus sensibles, & dans lequel le frotement

continué, aussi long-tems qu’on voudra, produira toûjours les mêmes effets.

Le flux d’éther doit continuer aussi long-tems que le frotement ; car la surface du verre en l’éloignant à chaque instant du coussin, se refroidit & se resserre, de sorte que l’éther qui a passé du coussin dans les parties raréfiées du verre, y trouvant maintenant de la résistance, sortira par la barre où il en rencontre moins : car l’intérieur du cylindre avec l’air qu’il renferme, résiste plus à la sortie de l’éther, que la barre qui touche à sa surface extérieure : le fluide ne sauroit retourner par le coussin, parce que les parties du verre les plus proches du coussin sont toûjours plus raréfiées que celles qui en sont les plus éloignées ; enfin une infinité d’expériences prouvent que ce fluide a plus de facilité à passer dans les corps métalliques posés proche du cylindre, qu’à s’échapper dans l’air extérieur. D’où l’on voit qu’il n’y a que le frotement qui puisse produire ces effets, la chaleur du feu ni celle du soleil ne produisant point cette alternative de raréfaction & de condensation dans les mêmes parties : on voit encore pourquoi le flux d’éther diminue sensiblement, & cesse enfin quand on a fini de froter ; pourquoi les effets électriques du verre s’affoiblissent à mesure qu’il se refroidit & qu’il reprend son premier état ; pourquoi deux corps électriques épais & frotés l’un contre l’autre, ne produisent que de foibles effets ; pourquoi quand la machine est posée sur des corps non électriques, & le coussin couvert d’un cuir doré, le cylindre produit les plus grands effets ; pourquoi le verre, l’ambre, la résine, la soie, &c. qui s’opposent à l’entrée ou à la sortie de l’éther plus que ne font les métaux, les animaux & les autres corps non électriques, sont absolument nécessaires pour supporter ceux que nous voulons électriser par communication ; enfin pourquoi ces corps doivent être exempts de toute vapeur & de toute humidité.

M. l’abbé Nollet pense que la matiere électrique est la même que celle du feu élementaire, qu’elle est très-subtile, capable de se mettre en mouvement avec la plus grande facilité : qu’elle est répandue partout, dans l’air qui nous environne, dans nous-mêmes, & dans tous les corps liquides & solides quelque durs qu’ils soient, qu’elle les pénetre en tous sens, la plûpart avec une grande facilité, les autres plus difficilement : enfin, qu’elle entraîne avec elle des particules des corps au-travers desquels elle passe.

Electriser un corps, c’est, selon lui, mettre en mouvement le fluide électrique qui en remplit les pores, ce fluide reçoit le mouvement des parties propres, qui sont agitées par l’effet du frotement ; & les parties propres des corps, que nous nommons électriques, sont plus susceptibles que les autres de ce mouvement de vibration qu’inspire le frotement, & par conséquent plus capables d’agiter le fluide électrique. Ce fluide une fois mis en mouvement dans les corps électriques peut agiter de même un pareil fluide lorsqu’il se rencontrera, nommément celui qui se trouve dans les pores des corps métalliques ; qui ne s’électrisent que par cette communication. Or, comme cette matiere, toute subtile qu’elle est, ne pénetre pas tous les corps indistinctement avec la même facilité, il en résulte qu’il y en a quelques-uns qui doivent s’électriser plus facilement que les autres.

Les corps gras, résineux, sulphureux, & en général ceux qui peuvent acquérir de l’electricité par. le simple frotement, contiennent dans leurs pores moins de matiere électrique, que les métaux, les animaux, &c ; mais leurs parties propres sont plus susceptibles du mouvement central pour agiter le fluide electrique, que celles des métaux, des ani-