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qu’elle reste ainsi isolée ; au lieu que si on la tient à la main tandis qu’elle pend à la barre par son crochet, elle se charge intérieurement de beaucoup de fluide électrique : or ce fluide éprouve moins de résistance pour s’échapper de la bouteille lorsqu’une personne la tient dans sa main, que lorsqu’elle est suspendue à la barre, ou posée sur un gâteau de cire ; car quand elle est électrisée par la barre lorsqu’elle est absolument isolée, elle prend au premier tour de roue toute la quantité de fluide qu’elle peut retenir, & sa surface extérieure attire les corps legers, mais bien plus foiblement que ne fait la barre ; & cette différence d’attraction ne change point, pour quelque tems qu’on tourne la roue : d’où il paroît que la matiere électrique sort plus librement de la bouteille que de la barre, & par conséquent que la résistance est moins grande à l’extérieur de la bouteille qu’à la surface de la barre.

Si on présente à la bouteille suspendue à la barre, une aiguille bien pointue à la distance d’un pié, la bouteille deviendra plus électrique que la barre ; mais elle le sera encore moins que lorsqu’on la tient dans la main : en approchant l’aiguille de plus près, elle le deviendra davantage ; enfin en la touchant avec la pointe de l’aiguille, elle devient peu-à-peu aussi électrique que lorsqu’on la tient dans la main : d’où il paroît qu’il entre plus de matiere électrique dans la bouteille, qu’il n’en sort dans un tems donné ; & que les trois différens degrés de condensation du fluide électrique répondent aux trois différens degrés de résistance que ce fluide éprouve à sortir de la bouteille, mais que la moindre résistance produit la plus grande condensation.

La même chose arrive dans des corps émoussés, ou terminés par de larges surfaces arrondies, avec cette différence, qu’étant approchés de la bouteille aux mêmes distances que l’aiguille, ils produisent dans cette bouteille différens degrés de condensation, d’autant moindre, que les surfaces sont plus larges & plus sphériques. Cependant lorsque tous ces corps viennent à toucher la bouteille, ils produisent tous un égal degré de condensation, c’est-à-dire le plus grand que la bouteille puisse acquérir : or puisqu’en présentant à une égale distance de la bouteille une aiguille bien pointue, un fer émoussé, ou une large surface bien polie & bien arrondie, on accumule dans cette bouteille le fluide électrique à différens degrés, l’air qui résiste dans tous ces cas par différentes épaisseurs à la sortie du fluide, ne seroit-il pas la cause de toutes ces différences ?

Lorsqu’une bouteille est suspendue à la barre par son crochet, tandis qu’une personne qui communique avec la terre la tient dans sa main, si l’on examine les mouvemens d’une balle de liége suspendue auprès de la barre, on verra qu’elle n’est attirée qu’au bout de cinq ou six tours de roue, c’est-à-dire quand la bouteille est chargée ; au lieu que si rien ne touche à la bouteille, la balle est attirée dès le premier tour de roue : d’où l’on voit que la résistance est moindre dans la barre vers la bouteille, que vers l’air qui environne la barre, jusqu’à ce que la bouteille soit pleinement chargée ; au lieu qu’elle est à-peu-près égale, quand une fois la bouteille est chargée.

Lorsque la bouteille est trop épaisse ou trop mince, elle ne se charge pas : dans le premier cas, la résistance que le fluide éprouve est trop grande, & trop petite dans le second. Il paroît donc que pour qu’il se fasse la plus grande condensation possible dans la bouteille, il faut que le fluide trouve un certain degré de résistance, & sur-tout qu’elle soit égale & uniforme.

Voici donc à quoi se réduisent toutes les vérités qui résultent des expériences précédentes, pour ce qui concerne la résistance qu’éprouve le fluide élec-

trique, soit en entrant, soit en sortant ; dans les

corps.

I. Le verre, l’ambre, la cire, la résine, le soufre, &c. s’opposent plus que tous les autres corps aux écoulemens du fluide électrique, & même plus que l’air, pourvû que ces corps ne soient pas trop minces.

II. Une couche d’air d’un pouce d’épaisseur, résiste moins qu’une autre d’un pié d’épaisseur, & celle-ci moins qu’une de trois piés, &c.

III. L’air en général résiste plus que les surfaces des corps non-électriques.

IV. De larges surfaces arrondies des substances métalliques, résistent plus que les pointes émoussées, & que les angles obtus.

V. Ces derniers résistent plus que les angles aigus, les tranchans & les pointes, & que celles-ci résistent le moins de toutes.

Les plus célebres physiciens, entr’autres l’illustre M. Newton, s’accordent à regarder l’éther comme un fluide très-subtil & très-élastique, qui pénetre promptement tous les corps, & qui par la force de son ressort remplit presque tout l’espace de l’Univers. Sa force élastique est immense en proportion de sa densité, & dans une bien plus grande proportion que celle de l’air : ce fluide est inégalement distribué dans les différens corps à proportion de leur densité : plus ils sont denses, moins ils ont de pores, & plus l’éther qu’ils contiennent est rare ; plus ils sont rares au contraire, plus il est condensé. Ensorte qu’il est le plus dense qu’il puisse être dans l’espace le plus approchant du vuide, & le plus rare dans l’or qui est le corps le plus dense que nous connoissions.

M. Newton a découvert qu’il existe autour de tous les corps une atmosphere très-dense, qui s’étend à une très-petite distance de leur surface : elle est formée par l’action réciproque de l’éther, répandu autour de ces corps sur celui qu’ils contiennent dans leurs pores, & sur la lumiere qui entre dans leur composition. La densité de cette atmosphere varie suivant la nature des corps ; elle dépend de la densité de ces mêmes corps, & de la quantité de lumiere qui entre dans leur composition : en général les corps qui ont le plus de densité sont ceux qui ont les atmospheres les plus denses. On excepte les corps résineux & sulphureux, & tous ceux qui contiennent beaucoup de lumiere, qui ont des atmospheres très denses, quoiqu’ils soient eux-mêmes la plûpart assez rares. C’est à ce milieu éthéré que M. Newton attribue les effets de réflexion, de réfraction, & de l’inflexion de la lumiere (Voyez les preuves de son existence à l’article Réfraction) & c’est ce même milieu qui paroît aussi opérer les effets de l’électricité.

A mesure donc qu’un corps se raréfie, l’éther qu’il contient dans ses pores doit devenir plus dense & plus rare à mesure que le corps se resserre : or le frotement & la chaleur raréfient les corps, tant que leur action continue ; & dès que ces actions cessent, les corps se remettent en leur premier état : donc par l’effet de la chaleur & du frotement, l’éther doit s’accumuler dans leur intérieur, y affluer des autres corps qui les environnent ; & le contraire doit arriver par le froid ou quand le frotement cesse. Ces propriétés de l’éther sont conformes à celles du fluide électrique ; rien n’empêche de croire que ce fluide ne soit l’éther lui-même, chargé quelquefois des particules grossieres des corps par lesquels il passe.

Tous les corps ayant autour d’eux des atmospheres de différente densité, il est facile de concevoir comment l’éther introduit dans leur intérieur, y est retenu plus ou moins fortement, suivant la densité de cette atmosphere : on conçoit aussi quelle disposition ces mêmes corps ont à admettre un éther