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tie moyenne ; & que conséquemment le suc nourricier suintant dans cette partie, & y transsudant par les porosités que forment les extrémités de ces canaux, s’y distribue, sans que cette humeur puisse être repompée & rentrer dans la masse. Enfin nous avons envisagé la partie inférieure, comme une partie absolument morte ; or si la partie supérieure est la seule dans laquelle nous admettions des vaisseaux, elle est aussi sans contestation la seule qui soit exposée à l’impulsion des liquides, & c’est conséquemment en elle que s’exécutera l’œuvre de la nutrition & de l’accroissement.

L’ongle ne s’accroît & ne se prolonge pas en effet par son extrémité ; elle ne tire son accroissement que depuis la couronne, de même que dans la végétation la tige ne se prolonge qu’à commencer par la racine. Cette partie & la portion supérieure du sabot, sont, ainsi que je viens de le remarquer, les seules exposées à l’impulsion des liquides. Cette impulsion n’a lieu que par la contraction du cœur, & par le battement continuel des arteres ; la force de l’un & l’action constante des autres, suffisent pour opérer non-seulement la nutrition, mais encore l’accroissement : car le fluide qu’ils y poussent sans cesse, y aborde avec assez de vélocité pour surmonter & pour vaincre insensiblement l’obstacle que lui présentent & la portion moyenne & la portion inférieure de l’ongle, de maniere que l’une & l’autre sont chassées par la portion supérieure. A mesure que celle-ci descend, & qu’elle s’éloigne du centre de la circulation, il se fait une régénération ; & cette même portion étant alors hors du jeu des vaisseaux, & n’étant plus entretenue que par la transsudation dont j’ai parlé, elle devient portion moyenne & demi-vive : est-elle pressée & chassée encore plus loin ? elle cesse d’être portion demi-vive, & elle devient portion morte.

Ce n’est pas que la portion demi-vive chasse la portion morte. Dès que la portion supérieure, en se régénérant, pousse, au moyen de l’effort des liqueurs qui y abordent, la portion moyenne, elle chasse conséquemment la partie inférieure, qui en est une suite, & de-là le prolongement du sabot ; car la portion demi-vive n’étant plus soûmise aux lois du mouvement circulaire, on ne peut supposer en elle la faculté & la puissance d’exercer aucune action : ce n’est donc qu’autant qu’elle est un corps continu à la partie inférieure, qu’elle paroît le chasser devant elle, tandis qu’elle est elle-même chassée par la portion supérieure, à laquelle on doit attribuer tout l’ouvrage de la nutrition & de l’accroissement.

J’avoue que peut-être on sera surpris que la force du cœur & celle du jeu des arteres soient telles, qu’elles puissent pousser les liquides avec une véhémence capable de forcer la résistance de deux corps aussi solides que ceux de la portion moyenne & de la portion inférieure ; mais il faut ajoûter à ces causes motrices, la puissance qui résulte de l’action des muscles & de la pression de l’air, qui sont autant d’agens auxiliaires qui poussent les fluides.

Une simple observation vient à l’appui de toutes ces vérités. Si l’on demeure un long intervalle de tems sans parer le pié d’un cheval, l’ongle croît peu, & croît moins vîte : pourquoi ? parce que la partie morte ou la partie inférieure ayant acquis dès-lors une étendue & un volume plus considérable, opposera une plus grande résistance, & contre-balancera en quelque façon la force par le moyen de laquelle les liqueurs sont portées à la partie vive ou à la partie supérieure. Si au contraire le pié de l’animal est souvent paré, l’accroissement sera moins difficile, parce qu’une portion de l’ongle mort étant enlevée, l’obstacle sera moindre, & pourra être plus aisément

surmonté par l’abord, l’impulsion & le choc de ces mêmes liqueurs.

Un autre fait non moins certain nous prouve que l’ongle ne se prolonge point par son extrémité. Lorsque, par exemple, dans l’intention de resserrer une seyme (voyez Seyme), & de réunir les parties divisées du sabot, nous avons appliqué à la naissance de la fente & de la division, c’est-à-dire très-près de la couronne, S de feu (voyez Feu), cette lettre formée par l’application du cautere actuel sur lequel elle étoit imprimée, descendra peu-à-peu & plus ou moins promptement, selon que le pié sera plus ou moins souvent paré, & s’évanoüira enfin promptement. Il est donc parfaitement démontré que l’accroissement ne se fait & ne peut avoir lieu que dans la couronne & dans la partie vive.

Dès que cette portion change, pour ainsi dire, & qu’elle devient demi-vive, il est incontestable qu’il se fait une régénération. Tâchons donc de développer, s’il est possible, les moyens dont la nature se sert pour renouveller cette partie.

Il ne s’agit pas ici, comme dans les plaies, de la réparation d’une substance absolument détruite & perdue ; elle est néanmoins produite selon les lois du même méchanisme : elle est en effet opérée & par le suc nourricier, & par le prolongement des vaisseaux qui y ont une part considérable. J’ai dit que la circulation s’exécute dans la couronne & dès l’origine de l’ongle ; il est par conséquent dans l’une & dans l’autre de ces parties, des tuyaux destinés à apporter & à rapporter les liqueurs : mais comme nous sommes forcés d’avoüer que ceux qui sont à la couronne, sont, à raison de leur union plus intime, d’une plus grande exilité que ceux qui sont au-dessus & à la peau, nous sommes aussi contraints de conclure que le diametre de ceux qui seront au-dessous & à l’origine du sabot, sera encore bien moindre, & qu’il admettra moins de liquide. Disons encore que la solidité de cette partie ne permet pas de penser que la plus grande quantité des fibres dont elle est formée, soit vasculeuse, principalement celles qui sont les plus extérieures, & que le contact de l’air tend toûjours à dessécher ; ou si nous leur supposons une cavité, elles ne seront que l’extrémité d’une partie des vaisseaux qui se distribuent à la couronne : or le suc nourricier étant parvenu dans ces extrémités, s’y arrête ; & étant continuellement poussé par la liqueur qui le suit, il s’engage dans les porosités, & prend lui-même une consistance solide qui commence à avoir moins de sentiment. Cette substance compacte est toûjours chassée devant elle par le nouvel abord des liqueurs ; les vaisseaux eux-mêmes se prolongent, & c’est ainsi qu’elle est régénérée.

En parlant de l’extrémité de l’ongle, je n’ai encore entendu parler que de la partie inférieure de ses parois, & non de la sole.

Celle-ci de même que la fourchette qui en est le milieu, est une suite & une continuation des fibres & des vaisseaux d’une portion de la peau qui se propage autour du petit pié, & qui est tellement adhérente à l’intérieur des parois du sabot, qu’elle y est intimement unie par des crénelures, de maniere qu’elle est comme enclavée dans des sillons formés à l’ongle même. Son milieu, c’est-à-dire, la fourchette que l’on nomme ainsi, attendu la bifurcation que l’on y remarque, tire sa forme d’une espece de corps charnu d’une substance spongieuse, lequel est directement situé au-dessous de l’aponévrose du muscle profond qui tapisse & qui revêt la portion inférieure de l’os du petit pié. Il est à-peu près semblable à celui que l’on apperçoit à l’extrémité des doigts de l’homme lorsqu’on en a enlevé la peau, excepté qu’il est plus compacte & plus solide. Sa figure est