Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/520

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ferme à moisson, & ci-après Ferme au tiers franc. (A)

Ferme particuliere, est celle qui ne comprend qu’un seul objet, comme une seule métairie, ou les droits d’une seule seigneurie, ou même quelquefois seulement les droits d’une seule espece, comme les amendes, &c. elle est opposée à ferme générale, qui comprend ordinairement l’exploitation de tous les héritages ou droits de quelqu’un, du moins dans une certaine étendue de pays. (A)

Ferme, (sous-) est un bail que le fermier fait à une autre personne, soit de la totalité de ce qui est compris au premier bail, ou de quelqu’un des objets qui en font partie. Voy. ci-apr. Fermes du Roi. (A)

Ferme au tiers franc, est celle pour laquelle le fermier rend au propriétaire, au lieu de loyer en argent, le tiers des fruits en nature franc de tous frais de labour, semence, récolte, & autres frais d’exploitation. Voyez ci-dev. Ferme à moitié Fruits (A)

Fermes générales des Postes & Messageries de France. Voyez au mot Postes.

Ferme, (Economie rustiq.) Ce mot désigne un assemblage de terres labourables, de prés, &c. unis à une maison composée de tous les bâtimens nécessaires pour le labourage. On donne aussi le nom de ferme à la maison des champs, indépendamment des terres qui y sont attachées.

C’est le dégoût des soins pénibles de l’Agriculture qui a rendu ce mot synonyme avec celui de maison rustique. Presque toutes nos terres sont affermées ; & cette sorte d’abandon vaut encore mieux que les soins peu suivis, & les demi-connoissances que pourroient y apporter la plûpart des propriétaires. Les détails de la culture doivent être réservés à ceux qui en font leur unique occupation. L’habitude seule apprend à sentir toutes les convenances particulieres ; mais il y en a de générales dont il est également honnête & avantageux au propriétaire d’être instruit. Qui peut avec plus d’intérêt décider de la proportion qui doit être entre les bâtimens & les terres de la ferme, rassembler ou séparer ces terres, choisir un fermier, mesurer le degré de confiance & les égards qu’il mérite ? L’ignorance sur tous ces points expose à être grossierement trompé, ou même à devenir injuste. Voyez Fermier.

On n’est que très-rarement dans le cas de bâtir une ferme entiere ; les terres que l’on acquiert sont presque toûjours attachées à quelques bâtimens déjà faits. Cependant il peut arriver qu’il n’y en ait point, ou qu’ils tombent en ruine, & que l’on soit contraint à une nouvelle construction. Alors la place naturelle de la maison est au milieu des terres qui en dépendent ; leur éloignement augmente les dépenses de la culture ; il y a plus de fatigue & de tems perdu. Cette position n’est cependant à rechercher que dans une plaine où il y a peu d’inégalités. Si les terres sont disposées en côteaux, la maison doit être placée au bas, afin que les voitures chargées de la récolte n’ayent qu’à descendre pour arriver aux granges.

Il faut proscrire tout ce qui est inutile dans les bâtimens d’une ferme, mais se garder encore plus de rien retrancher qui soit nécessaire. Si les granges ne peuvent pas contenir toute la récolte ; s’il n’y a pas assez d’étables pour la quantité de bétail que les terres peuvent nourrir ; si l’on manque de greniers où l’on puisse conserver le grain, lorsqu’il est à vil prix, un bon laboureur ne se chargera pas d’une ferme dans laquelle son industrie seroit contrainte. On n’établira cette proportion entre les bâtimens & les terres, qu’en s’instruisant parfaitement de la nature & de la quantité des récoltes qui varient dans les différens pays. Ce qui est nécessaire par-tout, c’est une cour spacieuse, & dans cette cour un lieu destiné au dé-

pôt des fumiers. C’est-là que se prépare la fécondité

des terres & la richesse du laboureur.

Il est essentiel que la cour d’une ferme soit défendue des brigands & enfermée de murs ; mais il ne l’est pas moins que les différens bâtimens dont elle est composée soient isolés entr’eux, pour empêcher la communication du feu, en cas d’accident. Cette crainte de l’incendie, & beaucoup d’autres raisons d’utilité doivent engager à placer une maison rustique dans un lieu voisin de l’eau. Il y a même peu d’autres avantages, qui ne doivent être sacrifiés à celui-là.

Choisir un fermier, seroit une chose assez difficile, s’il falloit entrer dans le détail des connoissances qui lui sont nécessaires ; mais il y a des traits marqués auxquels on peut reconnoître celui qui est bon : par exemple, la richesse. Elle dépose en faveur des talens d’un laboureur, & elle répond d’une culture, qui sans elle ne peut être qu’imparfaite.

On regarde assez généralement l’Agriculture comme un art seulement pénible, qui peut être exercé par quiconque a du courage & des forces. On feroit plus de cas des laboureurs, vû le respect qu’on a pour l’opulence, si l’on savoit qu’ils ne peuvent rien sans elle. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à regarder ce qu’un homme qui se charge d’une ferme est contraint de dépenser avant de recueillir.

Qu’on prenne pour exemple une ferme de cinq cents arpens de terres labourables. Il faut d’abord monter la ferme en chevaux, en bestiaux, en instrumens, & en équipages ; & voici ce qu’il en doit coûter.

Pour quatorze chevaux au moins 4500 liv.
Pour six cents moutons 5000
Pour vingt vaches 1800
Pour monter le ménage en ustensiles & en instrumens 3000
Pour la dépense du maréchal, du bourrelier, du cordier, &c. 2000

16300 liv.

Nous ne parlons ici que du nécessaire le plus exact. Sans ce préalable la culture seroit impossible, ou tout-à fait infructueuse. Après cela, voici le détail des frais annuels. Il s’en faut de beaucoup que nous ne les portions au prix auquel on fixe ordinairement les labours, les fumiers, &c. Nous les évaluons sur les facilités qu’a un fermier de nourrir ses chevaux & son bétail. On sait que les terres se divisent en trois soles égales. Voyez Agriculture.

Pour quatre labours donnés à 133 arpens de terre destinés à être semés en blé, chaque labour à 5 liv 2660 liv.
Pour fumer cette même quantité d’arpens, à 15 liv. pour chacun 2000
Pour 120 septiers de blé à semer 1800
Pour sarcler le blé 200
Pour frais de récolte, de transport, & d’entrée dans la grange 1200
Pour labourer deux fois 133 arpens destinés aux menus grains 1330
Pour la semence 800
Pour sarcler 300
Pour frais de récolte, &c. 700

10990 liv.

Il faut donc au moins 27000 liv. d’argent dépensé dans une ferme, telle que nous l’avons dite, avant la premiere récolte, & elle n’arrive que dix-huit mois après le premier labour ; souvent même elle ne répond pas aux soins du fermier. Quelque habileté qu’ait un laboureur, il n’apprend à exciter toute la fécondité de ses terres, qu’en se familiarisant avec elles. Ainsi il ne doit pas attendre d’abord un dédommagement proportionné à ses avances ; & il ne