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fer fixées perpendiculairement sur chacune, comme en n. Les feuilles sont placées sur les barres de fer paralleles qui les soûtiennent, & entre les barres verticales qui les conservent verticales.

Une petite fille o prend chaque feuille de dessus l’égouttoir ; & s’il y a de petites places qui n’ayent pas pris l’étain, elle les racle fortement avec une espece de gratoir, & les remet à côté de l’attelier, d’où elles retourneront à l’étamage. Quant à celles qui sont parfaites, elles sont distribuées à des filles qui avec de la siûre de bois & de la mousse, les frotent long-tems pour les dégraisser ; après quoi il ne s’agit plus que d’emporter une espece de lisiere ou reborde qui s’est formé à l’un des côtés de la feuille tandis qu’on les mettoit à égoutter. Pour cet effet on trempe exactement ce rebord dans l’étain fondu, en q. Il y a un point à observer, c’est qu’il ne faut tremper ni trop ni trop peu long-tems, sans quoi un des étains, en coulant, feroit couler l’autre, & la plaque resteroit noire & imparfaite. Les défauts principaux de cette lisiere sont de se calciner, ronger, détruire, sur-tout dans les ouvrages qui doivent souffrir le feu, où elle ne devroit jamais se trouver. Après cette immersion, un ouvrier frote fortement des deux côtés l’endroit trempé, avec de la mousse, emporte l’étain superflu, & les feuilles sont faites.

On fait des plaques de différentes largeur, longueur & épaisseur : les ouvriers disent que le profit est immense. La fabrique est à Mansvaux, en Alsace.

p, chaudiere où l’on fait fondre le suif. q, fourneau d’étain fondu pour les rebords.

Fer a cheval, ferrum equinum, genre de plante à fleurs papilionacées. Il sort du calice un pistil qui devient dans la suite une silique applatie, composée de plusieurs pieces courbées en forme de croissant, ou de fer à cheval. Cette silique renferme des semences qui ont la même forme. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Les Botanistes comptent trois especes générales de fer à cheval, & la plus commune, ou la germanique, qui se trouve dans les boutiques, est mise au rang des plantes astringentes ; elle vient dans les terres à marne, fleurit en Juin & Juillet, & perfectionne sa semence en Août & Septembre.

Il seroit aisé de multiplier le fer à cheval, en semant ses graines au mois de Mars dans un terrein sec, sans les porter ailleurs ; car elles ne souffrent pas la transplantation : alors il faudroit les espacer à un grand pié de distance, parce que cette plante trace sur le terrein, & couvre cet espace en s’étendant. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fer, (Age de) Myth. L’âge de fer est le dernier des quatre âges que les Poëtes ont imaginé. Je m’exprime mal, cet âge n’est point le fruit de leur imagination, c’est le tableau du spectacle de la nature humaine. Voici comme Dryden le dépeint.

Hard steel succeeded then,
And stubborn as the metal, were the men.
Truth, modesty, and shame, the world forsook ;
Fraud, avarice, and force, their places took ;
Then land-marks limited to cach his right,
For all before was common as the light :
Nor was the ground alone requir’d to bear
Her annual income to the crooked share :
But greedy mortals, rummaging her store,
Dig’d from her entrails first the precious ore ;
Which next to hell the prudent gods had laid,
And that alluring ill to sight display’d :
And double death did wretched men invade
By steel assaulted, and by gold betray’d.
Now brandish’d weapons glitt, ring in their hands,
Mankind is broken loose from mortal bands.
No rights of hospitality remain ;

The guest, by him that harbour’d him, is slain :
The son-in laws pursues the father’s life ;
The wife her husband murthers, he the wife ;
The stepdame poison for the son prepares ;
The son enquires into his father’s years :
Faith flies, and Piety in exile mourns :
And justice, here oppress’d, to heav’n returns.

« L’âge de fer, digne de la race des mortels, vint à succéder ; alors la bonne-foi & la vérité bannies du monde, firent place à la violence, à la trahison, à l’insatiable avarice : rien ne resta de commun parmi les hommes que l’usage de la lumiere, qu’ils ne purent se ravir les uns aux autres. On fouilla dans les mines pour en tirer ces métaux, que la sagesse des dieux avoit enfoüis près du Tartare : l’or servit à trahir, & le fer à porter la mort & le carnage. L’hospitalité ne fut plus un asile assuré ; la paix ne régna que rarement entre les freres ; les enfans compterent les années de leur pere ; la cruelle marâtre employa le poison ; le mari attenta sur la vie de sa femme, la femme sur celle de son mari ; Astrée tout en larmes abandonna le séjour de la terre, qu’elle vit couverte de sang ; & la Piété desolée se retira dans le ciel ».

Je sens bien que j’affoiblis les images du poëte anglois, mais j’ai donné l’original. Voulez-vous, peut-être, quelque chose de mieux encore ? voyez la peinture qu’Hésiode a faite de cet âge de fer dans son poeme intitulé, Opera & Dies. Je ne dis rien de la peinture d’Ovide (Métamorph. lib. I.) ; elle est connue de tout le monde, & il semble s’y être surpassé lui-même. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fer d’or, (Chevalier du) Hist. mod. Les chevaliers du fer d’or & écuyers du fer d’argent (car ils réunissoient ces deux titres), étoient une société de seize gentilshommes, en partie chevaliers, & en partie écuyers.

Cette société fut établie dans l’église de Notre-Dame de Paris en 1414, par Jean duc de Bourbon, qui s’y proposa, comme il le dit lui-même, d’acquérir de la gloire & les bonnes graces d’une dame qu’il servoit. Ceux qui entrerent dans cette société, se proposerent aussi de se rendre par-là recommandables à leurs maîtresses. On ne sauroit concevoir un plan plus extravagant d’actions de piété & de fureur romanesque, que celui qui fut imaginé par le duc de Bourbon.

Les chevaliers de sa société devoient porter, aussi bien que lui, à la jambe gauche, un fer d’or de prisonnier pendant à une chaîne ; les écuyers en devoient porter un semblable d’argent. Le duc de Bourbon eut soin d’unir étroitement tous les membres de son ordre ; & pour cet effet il leur fit promettre de l’accompagner, dans deux ans au plûtard, en Angleterre, pour s’y battre en l’honneur de leurs dames, armés de haches, de lances, d’épées, de poignards, ou même de bâtons, au choix des adversaires. Ils s’obligerent pareillement de faire peindre leurs armes dans la chapelle où ils firent ce vœu, qui est la chapelle de Notre-Dame de Grace, & d’y mettre un fer d’or semblable à celui qu’ils portoient, avec la seule différence qu’il seroit fait en chandelier, pour y brûler continuellement un cierge allumé jusqu’au jour du combat.

Ils réglerent encore qu’il y auroit tous les jours une messe en l’honneur de la Vierge, & que s’ils revenoient victorieux, chacun d’eux fonderoit une seconde messe, feroit brûler un cierge à perpetuité, & de plus se feroit représenter revêtu de sa cotte d’armes, avec toutes ses armes de combattant ; que si par malheur quelqu’un d’eux étoit tué, chacun des survivans, outre un service digne du mort, lui feroit dire dix-sept messes, où il assisteroit en habit de deuil.