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vû Eve, dit que c’étoit l’os de ses os & la chair de sa chair ; & l’Ecriture ajoûte que l’homme quittera son pere & sa mere pour demeurer avec sa femme, & qu’ils ne seront plus qu’une même chair.

Adam interrogé par le Créateur, qualifioit Eve de sa compagne, mulier quam dedisti mihi sociam. Dieu dit à Eve, que pour peine de son péché elle seroit sous la puissance de son mari, qui domineroit sur elle : & sub viri potestate eris, & ipse dominabitur tui.

Les autres textes de l’ancien Testament ont tous sur ce point le même esprit.

S. Paul s’explique aussi à-peu-près de même dans son épître aux Ephésiens, ch. v. il veut que les femmes soient soûmises à leur mari comme à leur seigneur & maître, parce que, dit-il, le mari est le chef de la femme, de même que J. C. est le chef de l’Eglise ; & que comme l’Eglise est soûmise à J. C. de même les femmes doivent l’être en toutes choses à leurs maris : il ordonne aux maris d’aimer leurs femmes, & aux femmes de craindre leurs maris.

Ainsi, suivant les lois anciennes & nouvelles, la femme mariée est soûmise à son mari ; elle est in sacris mariti, c’est-à-dire en sa puissance, de sorte qu’elle doit lui obéir ; & si elle manque aux devoirs de son état, il peut la corriger modérément.

Ce droit de correction étoit déjà bien restreint par les lois du code, qui ne veulent pas qu’un mari puisse frapper sa femme.

Les anciennes lois des Francs rendoient les maris beaucoup plus absolus ; mais les femmes obtinrent des priviléges pour n’être point battues : c’est ainsi que les ducs de Bourgogne en ordonnerent dans leur pays ; les statuts de Ville-Franche en Beaujolois font la même défense de battre les femmes.

Présentement en France un mari ne peut guere impunément châtier sa femme, vû que les sévices & les mauvais traitemens forment pour la femme un moyen de séparation.

Le principal effet de la puissance que le mari a sur sa femme, est qu’elle ne peut s’obliger, elle ni ses biens, sans le consentement & l’autorisation de son mari, si ce n’est pour ses biens paraphernaux dont elle est maîtresse.

Elle ne peut aussi ester en jugement en matiere civile, sans être autorisée de son mari, ou par justice à son refus.

Mais elle peut tester sans autorisation, parce que le testament ne doit avoir son effet que dans un tems où la femme cesse d’être en la puissance de son mari.

La femme doit garder fidélité à son mari ; celle qui commet adultere, encourt les peines de l’authentique sed hodie. Voyez Adultere, Authentique, & .

Chez les Romains, une femme mariée qui se livroit à un esclave, devenoit elle-même esclave, & leurs enfans étoient réputés affranchis, suivant un édit de l’empereur Claude ; cette loi fut renouvellée par Vespasien, & subsista long-tems dans les Gaules.

Une femme dont le mari est absent, ne doit pas se remarier qu’il n’y ait nouvelle certaine de la mort de son mari. Il y a cependant une bulle d’un pape, pour la Pologne, qui permet aux femmes de ce royaume de se remarier en cas de longue absence de leur mari, quoiqu’on n’ait point de certitude de leur mort, ce qui est regardé comme un privilége particulier à la Pologne.

Un homme ne peut avoir à la fois qu’une seule femme légitime, le mariage ayant été ainsi reglé d’institution divine, masculum & fæminam creavit eos, à quoi les lois de l’Eglise sont conformes.

La pluralité des femmes qui étoit autrefois tolérée chez les Juifs, n’avoit pas lieu de la même maniere chez les Romains & dans les Gaules. Un homme pouvoit avoir à la fois plusieurs concubines, mais il ne

pouvoit avoir qu’une femme ; ces concubines étoient cependant différentes des maîtresses, c’étoient des femmes épousées moins solennellement.

Quant à la communauté des femmes, qui avoit lieu à Rome, cette coûtume barbare commença long-tems après Numa : elle n’étoit pas générale. Caton d’Utique prêta sa femme Martia à Hortensius pour en avoir des enfans ; il en eut en effet d’elle plusieurs ; & après sa mort, Martia, qu’il avoit fait son héritiere, retourna avec Caton qui la reprit pour femme : ce qui donna occasion à César de reprocher à Caton qu’il l’avoit donnée pauvre, avec dessein de la reprendre quand elle seroit devenue riche.

Parmi nous les femmes mariées portent le nom de leurs maris ; elles ne perdent pourtant pas absolument le leur, il sert toûjours à les désigner dans tous les actes qu’elles passent, en y ajoûtant leur qualité de femme d’un tel ; & elles signent leurs noms de bapteme & de famille auxquels elles ajoûtent ordinairement celui de leur mari.

La femme suit la condition de son mari, tant pour la qualité que pour le rang & les honneurs & priviléges ; c’est ce que la loi 21. au code de donat. inter vir. & ux. exprime par ces mots, uxor radiis maritalibus coruscat.

Celle qui étant roturiere épouse un noble, participe au titre & aux priviléges de noblesse, non-seulement tant que le mariage subsiste, mais même après la mort de son mari tant qu’elle reste en viduité.

Les titres de dignité du mari se communiquent à la femme : on appelle duchesse, marquise, comtesse, la femme d’un duc, d’un marquis, d’un comte ; la femme d’un maréchal de France prend le titre de maréchale ; la femme de chancelier, premier président, présidens, avocats, & procureurs généraux, & autres principaux officiers de judicature, prennent de même les titres de chanceliere, première présidente, &c.

Au contraire celle qui étant noble épouse un roturier, est déchue des priviléges de noblesse tant que ce mariage subsiste ; mais si elle devient veuve, elle rentre dans ses priviléges, pourvû qu’elle vive noblement.

La femme du patron & du seigneur haut-justicier participe aux droits honorifiques dont ils joüissent ; elle est recommandée aux prieres nominales, & reçoit après eux l’encens, l’eau-benite, le pain-beni ; elle suit son mari à la procession, elle a droit d’être inhumée au chœur.

Le mari étant le chef de sa femme, & le maître de toutes les affaires, c’est à lui à choisir le domicile : on dit néanmoins communément que le domicile de la femme est celui du mari ; ce qui ne signifie pas que la femme soit la maîtresse de choisir son domicile, mais que le lieu où la femme demeure du consentement de son mari est réputé le domicile de l’un & de l’autre ; ce qui a lieu principalement lorsque le mari, par son état, n’a pas de résidence fixe.

Au reste la femme est obligée de suivre son mari partout où il juge à-propos d’aller. On trouve dans le code Frédéric, part. I. liv. I. tit. viij. §. 3. trois exceptions à cette regle : la premiere est pour le cas où l’on auroit stipulé par contrat de mariage, que la femme ne seroit pas tenue de suivre son mari s’il vouloit s’établir ailleurs ; mais cette exception n’est pas de notre usage : les deux autres sont, si c’étoit pour crime que le mari fût obligé de changer de domicile, ou qu’il fût banni du pays.

Chez les Romains, les femmes mariées avoient trois sortes de biens ; savoir, les biens dotaux, les paraphernaux, & un troisieme genre de bien que l’on appelloit res receptitias ; c’étoient les choses que la femme avoit apportées dans la maison de son mari pour son usage particulier, la femme en tenoit un petit registre sur lequel le mari reconnoissoit que sa