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crin, ce vil gladiateur & chasseur de bêtes sauvages, felicitas imperii ; à toute la terre gémissante, felicitas orbis ; mais sur-tout aux plus infâmes empereurs, depuis que Commode prince détestable, & détesté de tout l’Univers, se le fut approprié.

On donna même à ses successeurs le titre de felicissimus, dans le bas-empire ; la mode s’étoit alors introduite de porter au superlatif la plûpart des titres, à proportion qu’ils étoient le moins mérités, beatissimus, nobilissimus, piissimus.

A l’exemple de l’état romain & des empereurs, quantité de colonies se piquerent de se dire heureuses sur leurs monnoies, par adulation pour les princes regnans dont elles vouloient tâcher de gagner les bonnes graces, en se vantant de joüir d’une félicité qu’elles étoient bien éloignées de posséder. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeller qu’entre les colonies qui prirent le titre de felix, les médailles nomment Carthage & Jérusalem.

Les provinces, à l’imitation des villes, affecterent aussi sur leurs monumens publics, de se proclamer heureuses. La Dace publie qu’elle est heureuse sous Marc-Jules-Philippe : oui, Dacia felix se trouve sur les médailles frappées sous le regne de cet arabe, qui parvint au throne par le brigandage & le poison.

Enfin pour abréger, l’on poussa la bassesse sous Commode, jusqu’à faire graver sur les médailles de ce monstre dont j’ai déjà parlé, que le monde étoit heureux d’être sous son empire : Κομμόδου βασιλεύοντος ὁ κόσμος εὐτυχεῖ.

C’en est assez pour qu’on puisse apprécier dans l’occasion les monumens de ce genre à leur juste valeur ; car les excès de la flaterie sont & seront toûjours en raison de la servitude. Cicéron a si bien connu cette vérité, quand il nous peint les Asiatiques en ces mots ; diuturna servitute ad nimiam assentationem eruditi. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FELENIE, s. f. (Jurisp.) se disoit anciennement pour félonie ou infidélité. Voyez Beaumanoir, chap. j. Defontaines, tit. xvj. liv. IV. & ci-après Felonie. (A)

* FELLE, s. f. (Verrerie.) morceau de fer en forme de canne, creusée dans toute sa longueur, qui est d’environ quatre piés & demi ; elle est armée par un bout d’une poignée de bois, pour empêcher l’ouvrier de se brûler, ayant l’autre bout un peu plus gros. La fele sert à cueillir la matiere dans les pots pour en faire le verre à vitre.

FELON, s. m. (Jurisprudence.) signifie en général traître, cruel, & inhumain. En matiere féodale, il se dit du vassal qui a offensé grievement son seigneur, ou qui a été déloyal envers lui. Le seigneur peut aussi être felon envers son vassal, lorsqu’il commet contre lui quelque forfait & déloyauté notable. Voyez ci-après Félonie. (A)

FELONIE, s. f. (Jurisprud.) dans un sens étendu se prend pour toute sorte de crimes, autre que celui de lése-majesté, tels que l’incendie, le rapt, l’homicide, le vol, & autres délits par lesquels on attente à la personne d’autrui.

Mais dans le sens propre & le plus ordinaire, le terme de félonie est le crime que commet le vassal qui offense grievement son seigneur.

La distinction de ce crime d’avec les autres délits tire, comme on voit, son origine des lois des fiefs.

Le vassal se rend coupable de félonie lorsqu’il met la main sur son seigneur pour l’outrager, lorsqu’il le maltraite en effet lui, sa femme, ou ses enfans, soit de coups ou de paroles injurieuses ; lorsqu’il a deshonoré la femme ou la fille de son seigneur, ou qu’il a attenté à la vie de son seigneur, de sa femme, ou de ses enfans.

Boniface, tom. V. liv. III. tit. j. ch. xjx. rapporte

un arrêt du parlement de Provence du mois de Décembre 1675, qui condamna un vassal à une amende honorable, & déclara ses biens confisqués, pour avoir dépouillé son seigneur dans le cercueil, & lui avoir dérobé ses habits.

Le roi Henri II. déclara, en 1556, coupables de félonie tous les vassaux des seigneurs qui lui devoient apporter la foi & hommage, & ne le faisoient pas, tels que les vassaux de la Franche-Comté, de Flandres, Artois, Hainaut, &c.

Le démenti donné au seigneur est aussi réputé félonie ; il y a deux exemples de confiscation du fief prononcée dans ce cas contre le vassal, par arrêts des 31 Décembre 1556 & Mai 1574, rapportés par Papon, liv. XIII. tit. j. n. 11. & par Bouchel, bibliot. verbo félonie.

Le desaveu est différent de la félonie, quoique la commise ait lieu en l’un & l’autre cas.

Le crime de félonie ne se peut commettre qu’envers le propriétaire du fief dominant, & non envers l’usufruitier, si ce n’est à l’égard d’un bénéficier, lequel tient lieu de propriétaire, auquel cas le fief servant n’est pas confisqué au profit du bénéficier, mais de son église.

La peine ordinaire de la félonie est la confiscation du fief au profit du seigneur dominant ; un des plus anciens & des plus mémorables exemples de cet usage, est la confiscation qui fut prononcée pour félonie commise par le seigneur de Craon contre le roi de Sicile & de Jérusalem. Par arrêt du parlement de Paris, de l’an 1394, ses biens furent déclarés acquis & confisqués à la reine, avec tous les fiefs qu’il tenoit de ladite dame, tant en son nom que de ses enfans ; & comme traître à son seigneur & roi. il fut condamné en 100000 ducats & banni hors du royaume ; mais l’exécution de cet arrêt fut empêchée par le roi son oncle & par le duc d’Orléans. Papon, liv. XIII. tit. j. n. 11.

Les bénéficiers coupables de félonie ne confisquent pas la propriété du fief dépendant de leur bénéfice, mais seulement leur droit d’usufruit. Forget, ch. xxiij.

La félonie & rebellion de l’évêque donnent ouverture au droit de regale, ainsi qu’il fut jugé par un arrêt du parlement de Paris, du mois d’Août 1598. Filleau, part. IV. quest. 1.

Celui qui tient un héritage à cens, doit aussi être privé de ce fonds pour félonie. Lapeyrere, lett. f. n. 61. & 114.

Mais la confiscation pour félonie, soit contre le vassal ou contre le censitaire, n’a pas lieu de plein droit ; il faut qu’il soit intervenu un jugement qui l’ordonne sur les poursuites du seigneur dominant. Voyez Andr. Gail. lib. II. observ. 51.

Outre la peine de la commise, le vassal peut être condamné à mort naturelle, ou aux galeres, au bannissement, en l’amende honorable, ou en une simple amende, selon l’atrocité du délit qui dépend des circonstances.

Si le seigneur dominant ne s’est pas plaint de son vivant de la félonie commise envers lui par son vassal, il est censé lui avoir remis l’offense, & ne peut pas intenter d’action contre ses héritiers, à moins qu’elle n’eût été commencée du vivant du seigneur dominant & du vassal qui a commis l’offense. Voyez Balde sur la loi derniere, cod. de revoc. Donat ; Mynsinger, cent. iij. observ. 97. Wourmser, tit. lj. de feud. observ. 36. n. 2. & 3. Decianus, rep. 23. n. 15. vol. I. Wulteius, de feudis, c. xj. n. 13. Obrecht, de jure feudor. lib. IV. cap. viij. p. 57. Voyez aussi le manifeste fait en 1703, par le comte Paul Perroni pour le duc de Mantoue, cité au ban de l’Empire, qui forme un traité complet du droit féodal par rapport à la félonie. (A)

Félonie du seigneur envers son vassal, est lorsque