Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

FAUSSETÉ, s. f. (Morale.) le contraire de la vérité. Ce n’est pas proprement le mensonge, dans lequel il entre toûjours du dessein. On dit qu’il y a eu cent mille hommes écrasés dans le tremblement de terre de Lisbonne, ce n’est pas un mensonge, c’est une fausseté. La fausseté est presque toûjours encore plus qu’erreur. La fausseté tombe plus sur les faits ; l’erreur sur les opinions. C’est une erreur de croire que le soleil tourne autour de la terre ; c’est une fausseté d’avancer que Louis XIV. dicta le testament de Charles II. La fausseté d’un acte est un crime plus grand que le simple mensonge ; elle designe une imposture juridique, un larcin fait avec la plume.

Un homme a de la fausseté dans l’esprit, quand il prend presque toûjours à gauche ; quand ne considérant pas l’objet entier, il attribue à un côté de l’objet ce qui appartient à l’autre, & que ce vice de jugement est tourné chez lui en habitude. Il a de la fausseté dans le cœur, quand il s’est accoûtumé à flater & à se parer des sentimens qu’il n’a pas ; cette fausseté est pire que la dissimulation, & c’est ce que les Latins appelloient simulatio. Il y a beaucoup de fausseté dans les Historiens, des erreurs chez les Philosophes, des mensonges dans presque tous les écrits polémiques, & encore plus dans les satyriques. Voy. Critique. Les esprits faux sont insupportables, & les cœurs faux sont en horreur. Article de M. de Voltaire.

* FAUSSURES, s. f. terme de Fondeur ; c’est ainsi qu’on appelle l’endroit de la surface extérieure & inférieure d’une cloche où elle cesse de suivre la même convexité. Les faussures d’une cloche ont ordinairement un corps d’épaisseur, ou le tiers du bord de la cloche.

On les appelle faussures, parce que c’est sur cette circonférence de la cloche que se réunissent les arcs de différens cercles dont la courbure extérieure de la cloche est formée ; courbure qui par cette raison n’est pas une ligne homogene & continue.

FAUTE, (Jurisprud.) en Droit, est une action ou omission faite mal-à-propos, soit par ignorance, ou par impéritie, ou par négligence.

La faute differe du dol, en ce que celui-ci est une action commise de mauvaise foi, au lieu que la faute consiste le plus souvent dans quelqu’omission & peut être commise sans dol : il y a cependant des actions qui sont considérées comme des fautes ; & il y a telle faute qui est si grossiere qu’elle approche du dol, comme on le dira dans un moment.

Il y a des contrats où les parties sont seulement responsables de leur dol, comme dans le déport volontaire & dans le précaire : il y en a d’autres où les contractans sont aussi responsables de leurs fautes, comme dans le mandat, dans le commodat ou prêt à usage, dans le prêt appellé mutuum, la vente, le gage, le loüage, la dotation, la tutelle, l’administration des affaires d’autrui.

C’est une faute de ne pas apporter dans une affaire tout le soin & la diligence qu’on devoit, de faire une chose qui ne convenoit pas, ou de n’en pas faire une qui étoit nécessaire, ou de ne la pas faire en tems & lieu ; c’est pareillement une faute d’ignorer ce que tout le monde sait ou que l’on doit savoir, de sorte qu’une ignorance de cette espece, & une impéritie caractérisée, est mise au nombre des fautes.

Mais ce n’est pas par le bon ou le mauvais succès d’une affaire, que l’on juge s’il y a faute de la part des contractans ; & l’on ne doit pas imputer à faute ce qui n’est arrivé que par cas fortuit, pourvû néanmoins que la faute n’ait pas précédé le cas fortuit.

On ne peut pareillement taxer de faute, celui qui n’a fait que ce que l’on a coûtume de faire, & qui a apporté tout le soin qu’auroit eu le pere de famille le plus diligent.

L’omission de ce que l’on pouvoit faire n’est pas toûjours réputée une faute, mais seulement l’omission de ce que la loi ordonne de faire, & que l’on a négligé volontairement ; de sorte que si l’on a été empêché de faire quelque chose, soit par force majeure ou par cas fortuit, on ne peut être accusé de faute.

On divise les fautes, en faute grossiere, legere, & très-legere, lata, levis, & levissima culpa.

La faute grossiere, lata culpa, consiste à ne pas observer à l’égard d’autrui, ce que l’homme le moins attentif a coûtume d’observer dans ses propres affaires, comme de ne pas prévoir les évenemens naturels qui arrivent communément, de s’embarquer par un vent contraire, de surcharger un cheval de loüage ou de lui faire faire une course forcée, de serrer ou moissonner en tems non opportun. Cette faute ou négligence grossiere est comparée au dol, parce qu’elle est dolo proxima, c’est-à-dire qu’elle contient en soi une présomption de fraude, parce que celui qui ne fait pas ce qu’il peut faire, est reputé agir par un esprit de dol.

Cependant celui qui commet une faute grossiere n’est pas toûjours de mauvaise foi ; car il peut agir ainsi par une erreur de droit croyant bien faire ; c’est pourquoi on fait prêter serment en justice sur le dol, & non pas sur la faute.

Dans les matieres civiles, on applique communément à la faute grossiere la même peine qu’au dol ; mais il n’en est pas de même en matiere criminelle, sur-tout lorsqu’il s’agit de peine corporelle.

La faute legere qu’on appelle aussi quelquefois faute simplement, est l’omission des choses qu’un pere de famille diligent a coûtume d’observer dans ses affaires.

La faute très-legere, est l’omission du soin le plus exact, tel que l’auroit eu le pere de famille le plus diligent.

La peine de la faute legere & de la faute très-legere ne consiste qu’en dommages & intérêts ; encore y a-t-il des cas où ces sortes de fautes ne sont pas punies, par exemple, dans le prêt à usage appellé commodatum, lorsqu’il n’est fait que pour faire plaisir à celui qui prête : on ne les considere pas non plus dans le précaire, & dans le gage on n’est pas tenu de la faute très-legere.

On impute néanmoins la faute très-legere à celui qui a été diligent pour ses propres affaires, & qui pouvoit apporter le même soin pour celles d’autrui.

En matiere de dépôt on distingue. S’il a été fait en faveur de celui auquel appartient le dépôt, alors par l’action de dépôt appellée contraire, le déposant est tenu de la faute la plus legere ; & si le dépositaire s’est offert volontairement de se charger du dépôt, il est pareillement tenu de la faute la plus legere : mais s’il ne s’est pas offert, il est seulement tenu de la faute grossiere & de la faute legere : si le dépôt a été fait en faveur du dépositaire seulement, alors le dépositaire contre lequel il y a action directe est tenu de la faute la plus legere ; s’il n’y a contre lui que l’action appellée contraire, il est seulement tenu de la faute grossiere ; si le dépôt a été fait en faveur des deux parties, le dépositaire n’est tenu que de la faute legere.

Dans le mandat qui est fait en faveur du mandant, lorsqu’il s’agit de l’action directe, & que le mandat n’exigeoit aucune industrie, ou du moins fort peu, en ce cas on n’impute au mandataire que le dol & la faute grossiere, de même qu’au dépositaire. Si le mandat demande quelqu’industrie, comme d’acheter ou vendre, &c. alors le mandataire est tenu non-seulement du dol & de la faute grossiere, mais aussi de la faute legere. Enfin si le mandat exige le soin le plus diligent, le mandataire étant censé s’y être engagé est tenu de la faute la plus legere, comme cela s’observe pour un procureur ad lites ; & par l’action con-