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maigres & échauffés, ou qui ne font que très-peu d’exercice ; des alimens tels que le foin nouveau, l’avoine nouvelle, le foin rasé, une quantité considérable de grains, l’impression d’un air froid, humide, chargé de vapeurs nuisibles, l’obstruction, le resserrement des pores cutanés, &c. tout ce qui peut accumuler dans les premieres voies des crudités acides, salines, & visqueuses, changer l’état du sang, y porter de nouvelles particules hétérogenes peu propres à s’assimiler & à se dépurer dans les couloirs, & dont l’abord continuel & successif augmentera de plus en plus l’épaississement, l’acrimonie & la dépravation des humeurs, tout ce qui embarrassera la circulation, tout ce qui soûlevera la masse, tout ce qui influera sur le ton de la peau & s’opposera à l’excrétion de la matiere perspirable, sera donc capable de produire tous les phénomenes dont nous avons parlé.

Selon le degré d’épaississement & d’acrimonie, ils seront plus ou moins effrayans ; des boutons simplement épars çà & là, ou rassemblés sur une partie, des tumeurs prolongées qui ne s’étendront pas considérablement, une suppuration loüable, caractériseront le farcin bénin : mais des tumeurs suivies résultant du plus grand engorgement des canaux lymphatiques ; des duretés très-éminentes qui marqueront, pour ainsi dire, chacun des nœuds ou chacune des dilatations valvulaires de ces mêmes vaisseaux, & dont la terminaison annoncera des sucs extrèmement acres, plus ou moins difficiles à délayer, à corriger, à emporter, désigneront un farcin dont la malignité est redoutable, & qui provoquant, s’il n’est arrêté dans ses progrès, & si l’on ne remédie à la perversion primitive, la tenacité, la viscosité, la coagulation de toute la masse du sang & des humeurs, l’anéantissement du principe spiritueux des sucs vitaux, l’impossibilité des sécrétions & des excrétions salutaires, & conduira inévitablement l’animal à la mort.

La preuve de la corruption putride des liqueurs, se tire non-seulement de tous les ravages dont un farcin, sur-tout de ce genre & de ce caractere, nous rend les témoins, mais de sa fétidité & de la facilité avec laquelle il se répand & s’étend d’un corps à l’autre, de proche en proche, par l’attouchement immédiat, & même quelquefois à une certaine distance ; aussi le danger de cette communication nous engage-t-il à éloigner l’animal atteint d’un farcin qui a de la malignité, & à le séparer de ceux qui sont sains, & la crainte d’une réproduction continuelle du levain dans un cheval qui auroit la faculté de lécher lui-même la matiere ichoreuse, sordide, sanieuse, corrosive, qui échappe de ses ulceres, nous oblige-t-elle à profiter des moyens que nous offre le chapelet pour l’en priver. Nous appellons de ce nom l’assemblage de plusieurs bâtons taillés en forme d’échelon, à-peu-près également espacés ; paralleles entr’eux dans le sens de la longueur de l’encolure, & attachés à chacune de leurs extrémités au moyen d’une corde & des encoches faites pour affermir la ligature. Nous les plaçons & les fixons sur le cou de l’animal, de maniere qu’en contre-buttant du poitrail & des épaules à la mâchoire, ils s’opposent aux mouvemens de flexion de cette partie. Ne seroit-ce point trop hasarder que de supposer que l’origine de cette dénomination est dûe à la ressemblance de cette sorte particuliere de collier, avec la corde sans fin qui soûtient les godets ou les clapets d’un chapelet hydraulique ?

Quoi qu’il en soit, dans le traitement de cette maladie, dont je n’ai prétendu donner ici que des idées très-générales, on doit se proposer d’atténuer, d’inciser, de fondre les humeurs tenaces & visqueuses, de les délayer, de les évacuer, d’adoucir leurs

sels, de corriger leur acrimonie, de faciliter la circulation des fluides dans les vaisseaux les plus déliés, &c.

On débutera par la saignée ; on tiendra l’animal à un régime très-doux, au son, à l’eau blanche ; on lui administrera des lavemens émolliens, des breuvages purgatifs dans lesquels on n’oubliera point de faire entrer l’aquila alba ; quelques diaphorétiques à l’usage desquels on le mettra, acheveront de dissiper les boutons & les tumeurs qui se montrent dans le farcin benin, & d’amener à un desséchement total ceux qui auront suppuré.

Le farcin invétéré & malin est infiniment plus opiniâtre. Il importe alors de multiplier les saignées, les lavemens émolliens ; de mêler à la boisson ordinaire de l’animal quelques pintes d’une décoction de mauves, guimauves, pariétaires, &c. d’humecter le son qu’on lui donne avec une tisanne apéritive & rafraîchissante faite avec les racines de patience, d’aunée, de scorsonere, de bardane, de fraisier, & de chicorée sauvage ; de le maintenir long-tems à ce régime ; de ne pas recourir trop tôt à des évacuans capables d’irriter encore davantage les solides, d’agiter la masse & d’augmenter l’acreté ; de faire succéder aux purgatifs administrés, les délayans & les relâchans qui les auront précédés ; de ne pas réitérer coup sur coup ces purgatifs ; d’ordonner, avant de les prescrire de nouveau, une saignée selon le besoin. Ensuite de ces évacuations, dont le nombre doit être fixé par les circonstances, & après le régime humectant & rafraîchissant observé pendant un certain intervalle de tems, on prescrira la tisanne des bois, & on en mouillera tous les matins le son que l’on donnera à l’animal si les boutons ne s’éteignent point, si les tumeurs prolongées ont la même adhérence & la même immobilité, on recourra de nouveau à la saignée, aux lavemens, aux purgatifs, pour en revenir à-propos à la même tisanne, & pour passer de-là aux préparations mercurielles, telles que l’éthiops minéral, le cinnabre, &c. dont l’énergie & la vertu sont sensibles dans toutes les maladies cutanées.

Tous ces remedes intérieurs sont d’une merveilleuse efficacité, & operent le plus souvent la guérison de l’animal lorsqu’ils sont administrés selon l’art & avec méthode : on est néanmoins quelquefois obligé d’employer des médicamens externes. Les plus convenables dans le cas de la dureté & de l’immobilité des tumeurs, sont d’abord l’onguent d’althæa ; & s’il est des boutons qui ne viennent point à suppuration, & que l’animal ait été suffisamment évacué, on pourra, en usant de la plus grande circonspection, les froter légerement avec l’onguent napolitain.

Les lotions adoucissantes faites avec les décoctions de plantes mucilagineuses, sont indiquées dans les circonstances d’une suppuration que l’on aidera par des remedes onctueux & résineux, tels que les onguens de basilicum & d’althæa ; & l’on aura attention de s’abstenir de tous remedes dessicatifs lorsqu’il y aura dureté, inflammation, & que la suppuration sera considérable : on pourra, quand la partie sera exactement dégorgée, laver les ulceres avec du vin chaud dans lequel on délayera du miel commun.

Des ulceres du genre de ceux que nous nommons vermineux, demanderont un liniment fait avec l’onguent napolitain, à la dose d’une once ; le baume d’arceus, à la dose de demi-once ; le staphisaigre & l’aloès succotrin, à la dose d’une dragme ; la myrrhe, à la dose d’une demi-dragme ; le tout dans suffisante quantité d’huile d’absynthe : ce liniment est non-seulement capable de détruire les vers, mais de déterger & de fondre les callosités, & l’on y ajoûtera le baume de Fioraventi si l’ulcere est véritablement disposé à la corruption.

L’alun calciné mêlé avec de l’ægyptiac ou d’au-