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de que l’impiété. Que prétendent les impies ? se délivrer d’un joug, au lieu que les fanatiques veulent étendre leurs fers sur toute la terre. Zélotypie infernale ! A-t-on vû des sectes d’incrédules s’attrouper, & marcher en armes contre la divinité ? Ce sont des ames trop foibles pour prodiguer le sang humain : cependant il faut quelque force pour pratiquer le bien sans motif, sans espoir, & sans intérêt. Il y a de la jalousie & de la méchanceté à troubler des ames en possession d’elles-mêmes, parce qu’elles n’ont ni les prétentions, ni les moyens que vous avez… On se garde bien au reste d’adopter de semblables raisonnemens, qui ont fait le tourment de tant d’hommes aussi célebres par leurs disgraces, que par les écrits qui les leur ont attirées.

Mais s’il étoit permis d’emprunter un moment, en faveur de l’humanité, le style enthousiaste, tant de fois employé contr’elle, voici l’unique priere qu’on opposeroit aux fanatiques :

« Toi qui veux le bien de tous les hommes, & qu’aucun ne périsse ; puisque tu ne prens aucun plaisir à la mort du méchant, délivre nous, non pas des ravages de la guerre & des tremblemens de terre, ce sont des maux passagers, limités, & d’ailleurs inévitables, mais de la fureur des persécuteurs qui invoquent ton saint nom. Enseigne-leur que tu hais le sang, que l’odeur des viandes immolées ne monte point jusqu’à toi, & qu’elle n’a point la vertu de dissiper la foudre dans les airs, ni de faire descendre la rosée du ciel. Éclaire tes zélateurs, afin qu’ils se gardent au-moins de confondre l’holocauste avec l’homicide. Remplis-les tellement de l’amour d’eux-mêmes, qu’ils puissent oublier leur prochain, puisque leur pitié n’est qu’une vertu destructive. Hé ! quel est l’homme que tu as chargé du soin de tes vengeances, qui ne les mérite cent fois plus que les victimes qu’il t’immole ? Fais entendre que ce n’est ni la raison ni la force, mais ta lumiere & ta bonté, qui conduisent les ames dans tes voies, & que c’est insulter à ton pouvoir, que d’y mêler le bras de l’homme. Quand tu voulus former l’Univers, l’appellas-tu à ton secours ? & s’il te plaît de m’introduire à ton banquet, n’es-tu pas infini dans tes merveilles ? mais tu ne veux pas nous sauver malgré nous. Pourquoi n’imite-t-on pas la douceur de ta grace, & prétend-t-on m’inviter par la crainte à t’aimer ? Répands l’esprit d’humanité sur la terre, & cette bienveillance universelle, qui nous remplit de vénération pour tous les êtres avec qui nous partageons le don précieux du sentiment, & qui fait que l’or & les émeraudes fondus ensemble ne sauroient jamais égaler devant toi le vœu d’un cœur tendre & compatissant, encore moins expier l’horreur d’un homicide ».

Fanatisme du patriote. Il y a une sorte de fanatisme dans l’amour de la patrie, qu’on peut appeller le culte des foyers. Il tient aux mœurs, aux lois, à la religion, & c’est par-là sur-tout qu’il mérite davantage ce nom. On ne peut rien produire de grand sans ce zele outré, qui grossissant les objets, enfle aussi les espérances, & met au jour des prodiges incroyables de valeur & de constance. Tel étoit le patriotisme des Romains. Ce fut ce principe d’héroïsme qui donna à tous les siecles le spectacle unique d’un peuple conquérant & vertueux. On peut regarder le vieux Brutus, Caton, les Decius pere & fils, & les trois cents Fabius dans l’histoire civile, comme les lions & les baleines dans l’histoire naturelle, & leurs actions prodigieuses, comme ces volcans inattendus, qui desolant en partie la surface du globe, affermissent ses fondemens, & causent l’admiration après l’effroi. Mais ne mettez pas au même rang les vains déclamateurs, qui s’enthousiasment indifféremment de tous les préjugés d’état, & qui pré-

ferent toûjours leur pays, uniquement parce qu’ils y

sont nés. Il est sans doute beau de mourir pour sa patrie ; & quelle est la chose pour laquelle on ne meurt pas ? Donc la nature n’a pas mis de bornes à ces maximes… Écoutez les plus beaux vers, ou l’idée la plus neuve & la plus sublime d’un de nos grands poëtes dans ces derniers jours. Voyez comme une mere parle à son époux, qui veut lui arracher son fils, pour le sacrifier au fils de ses rois.

Va, le nom de sujet n’est pas plus grand pour nous,
Que ces noms si sacrés & de pere & d’époux.
La nature & l’hymen, voilà les lois premieres,
Les devoirs, les liens des nations entieres :
Ces lois viennent des dieux, le reste est des humains.

Cet article est de M. Deleyre, auteur de l’analyse de la philosophie du chancelier Bacon.

Fanatisme, (maladie) voyez Démonomanie, Mélancolie, & l’article précédent.

FANEGOS, s. m. (Commerce.) mesure des grains dont on se sert en Portugal ; quinze fanegos font le muid ; quatre alquiers font le fanegos ; quatre muids de Lisbonne font le last d’Amsterdam. Voyez Muid, Alquier, Last. Dictionn. de Comm. de Trév. & de Chamb. (G)

FANEQUE, s. m. (Comm.) mesure des grains dont on se sert dans quelques villes d’Espagne, comme à Cadix, S. Sébastien, & Bilbao. Il faut vingt-trois à vingt-quatre faneques de S. Sébastien, pour le tonneau de Nantes, de la Rochelle & d’Avray, c’est-à-dire pour neuf septiers & demi de Paris. La mesure de Bilbao étant un peu plus grande, vingt à vingt-un faneques suffisent pour un tonneau de Nantes, Avray, & la Rochelle. Cinquante faneques de Cadix & de Séville, font le last d’Amsterdam ; chaque faneque pese livres de Marseille ; quatre chays font la faneque, & douze anegras le catus. Voyez Muid, Last, Anegras, &c. Dictionn. de Comm. de Trév. & de Chamb. (G)

* FANER, v. act. (Econ. rustiq.) c’est, lorsque le foin a été fauché, qu’il a reposé sur le pré, & que le dessus en est sec, le retourner avec des fourches & l’agiter un peu en l’air : cette façon se réitere plusieurs fois, & elle rend le foin meilleur. Voyez les articles Foin & Pré.

FANFARE, s. f. sorte d’air militaire, pour l’ordinaire court & brillant, qui s’exécute par des trompettes, & qu’on imite sur d’autres instrumens. La fanfare est communément à deux dessus de trompettes, accompagnées de tymballes ; & bien exécutée, elle a quelque chose de martial & de gai, qui convient fort à son usage. De toutes les troupes de l’Europe, les allemandes sont celles qui ont les meilleurs instrumens militaires ; aussi leurs marches & fanfares font-elles un effet admirable. C’est une chose à remarquer, que dans tout le royaume de France, il n’y a pas un seul trompette qui sonne juste, & que les meilleures troupes de l’Europe, sont celles qui ont le moins d’instrumens militaires & les plus discordans ; ce qui n’est pas sans inconvénient. Durant les dernieres guerres, les paysans de Baviere & d’Autriche, tous musiciens nés, ne pouvant croire que des troupes reglées eussent des instrumens si faux & si détestables, prirent tous ces vieux corps pour de nouvelles levées, qu’ils commencerent à mépriser, & l’on ne sauroit dire à combien de braves gens des tons faux ont coûté la vie. Tant il vrai que dans l’appareil de la guerre, il ne faut rien négliger de ce qui frappe les sens. (S)

* FANFARON, s. m. celui qui affecte une bravoure qu’il n’a point : un vrai fanfaron sait qu’il n’est qu’un lâche. L’usage a un peu étendu l’acception de ce mot ; on l’applique à celui même qui exagere ou qui montre avec trop d’affectation & de confiance la