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& du saint-esprit. Ainsi soit-il. Levez-vous, & venez par la vertu de votre roi, & par les sept couronnes de vos rois, & par les chaînes sulphurées, sous lesquelles tous les esprits & démons sont arrêtés dans les enfers. Venez, & hâtez-vous de venir devant ce cercle, pour répondre à mes volontés, faire & accomplir tout ce que je desire. Venez donc, tant de l’orient que de l’occident, du midi & du septentrion, & de quelque part que vous soyez. Je vous en conjure par la vertu & par la puissance de celui qui est trois & un, qui est éternel & co-égal, qui est un Dieu invisible, consubstanciel, qui a créé le ciel, la terre & la mer, & tout ce qu’ils contiennent, par sa parole ».

L’opinion commune, est que les exorcismes & les conjurations magiques sont conçûes en des termes barbares & inintelligibles ; celui-ci n’est pas du nombre, on n’y voit que trop clairement le mêlange des objets les plus respectables de notre religion avec les extravagances, pour ne rien dire de plus, de ces visionnaires. On attribue celui-ci à Arnaud de Villeneuve. Seulement pour en entendre les dernieres paroles, il est bon de la voir que les magiciens faisoient présider quatre de ces esprits aux quatre parties du monde : c’étoient comme les empereurs de l’univers. Celui qui présidoit à l’orient étoit nommé Lucifer, celui de l’occident Astharoth, celui du midi Leviathan, & celui du septentrion Amaimon ; & il y avoit pour chacun d’eux des exorcismes particuliers & un exorcisme général, que M. Blanchard n’a pas jugé à propos de rapporter.

Comme les esprits ne sont pas toûjours d’humeur à obéir, & sont rebelles aux ordres, on a tiré de la cabale un exorcisme plus absurde que tous les autres, qui donne des charges & des dignités aux démons ; qui les menace de les dépouiller de leurs emplois, & de les précipiter au fond des enfers, comme s’ils avoient une autre demeure. Il faut observer que, selon les magiciens, le pouvoir de chacun de ces esprits est borné ; qu’il seroit inutile de l’invoquer pour une chose qui ne seroit pas de sa portée ; & qu’il faut donner à chacun pour sa peine, une récompense qui lui soit agréable : par exemple, Lucifer qu’on évoque le lundi dans un cercle, au milieu duquel est son nom, se contente d’une souris ; Nembroth reçoit la pierre qu’on lui jette le mardi ; Astharoth est appellé le mercredi, pour procurer l’amitié des grands, & ainsi de suite.

Au reste ces exorcismes des magiciens modernes sont tous accompagnés de profanations des noms de Dieu & de J. C. excès que n’ont pas même connu les payens, qui dans leurs conjurations magiques n’abusoient pas des noms de la divinité, ni des mysteres de leur religion. Mém. de l’acad. des Inscript. tome XII. pag. 51. & suiv. (G)

EXORCISTE, s. m. (Théolog.) dans l’Eglise romaine, c’est un clerc tonsuré qui a reçû les quatre ordres mineurs, dont celui d’exorciste fait partie.

On donne aussi ce nom à l’évêque, ou au prêtre délégué par l’évêque, tandis qu’il est occupé à exorciser une personne possédée du démon. Voy. Exorcisme.

Les Grecs ne considéroient pas les exorcistes comme étant dans les ordres, mais simplement comme des ministres. S. Jerôme ne les met pas non plus au nombre des sept ordres. Cependant le pere Goar, dans ses notes sur l’euchologe, prétend prouver par divers passages de saint Denys & de saint Ignace martyr, que les Grecs ont reconnu cet ordre. Dans l’église latine, les exorcistes se trouvent au nombre des ordres mineurs après les acolythes : & la cérémonie de leur ordination est marquée, tant dans le jv. concile de Carthage, can. 7. que dans les anciens rituels. Ils recevoient le livre des exorcismes de la

main de l’évêque, qui leur disoit en même tems : Recevez ce livre, & l’apprenez par mémoire, & ayez le pouvoir d’imposer les mains aux énergumenes, soit baptisés, soit catéchumenes : formule qui est toûjours en usage.

M. Fleury parle d’une espece de gens chez les Juifs, qui couroient le pays, faisant profession de chasser les démons par des conjurations qu’ils attribuoient à Salomon : on leur donnoit aussi le nom d’exorcistes. Il en est fait mention dans l’évangile, dans les actes des apôtres, & dans Josephe. S. Justin martyr, dans son dialogue contre Tryphon, reproche aux Juifs que leurs exorcistes se servoient, comme les gentils, de pratiques superstitieuses dans leurs exorcismes, employant des parfums & des ligatures : ce qui fait voir qu’il y avoit aussi parmi les payens des gens qui se mêloient d’exorciser les démoniaques. Lucien en touche quelque chose.

Dans l’église catholique il n’y a plus que des prêtres qui fassent la fonction d’exorcistes, encore ce n’est que par commission particuliere de l’évêque. Cela vient, dit M. Fleury, de qui nous empruntons ceci, de ce qu’il est rare qu’il y ait des possédés, & qu’il se commet quelquefois des impostures, sous prétexte de possession du démon ; ainsi il est nécessaire de les examiner avec beaucoup de prudence. Dans les premiers tems, les possessions étoient fréquentes. sur-tout entre les payens ; & pour marquer un plus grand mépris de la puissance des démons, on donnoit la charge de les chasser à un des plus bas ministres de l’église : c’étoit eux aussi qui exorcisoient les catéchumenes. Leurs fonctions, suivant le pontifical, sont d’avertir le peuple, que ceux qui ne communioient point, fissent place aux autres ; de verser l’eau pour le ministere ; d’imposer les mains sur les possédés. Il leur attribue même la grace de guérir les maladies. Institution au droit ecclés. tom. I. chap. vj. pag. 62. (G)

EXORDE, exordium, s. m. (Belles-Lettres.) premiere partie du discours, qui sert à préparer l’auditoire & à l’instruire de l’état de la question, ou du moins à la lui faire envisager en général.

Ce mot est formé du latin ordiri, commencer, par une méthaphore tirée des Tisserands, dont on dit, ordiri telam, c’est-à-dire commencer la toile en la mettant sur le métier, & disposant la chaîne de maniere à pouvoir la travailler.

L’exorde dans l’art oratoire, est ce qu’on nomme dans une piece de théatre prologue, en musique prélude, & dans un traité dialectique préface, avant-propos, en latin proemium.

Cicéron définit l’exorde une partie du discours, dans laquelle on prépare doucement l’esprit des auditeurs aux choses qu’on doit leur annoncer par la suite. L’exorde est une partie importante, qui demande à être travaillée avec un extrème soin : aussi les orateurs l’appellent-ils difficillima pars orationis.

On distingue deux sortes d’exordes ; l’un modéré, où l’orateur prend, pour ainsi dire, son tour de loin ; l’autre véhément, où il entre brusquement & tout-à-coup en matiere : dans le premier on prépare & l’on conduit les auditeurs par degrés, & comme insensiblement, aux choses qu’on va leur proposer ; dans le second l’orateur étonne son auditoire, en paroissant lui-même transporté de quelque passion subite. Tel est ce début d’Isaïe, imité par Racine dans Athalie :

Cieux, écoutez ; terre, prête l’oreille.


ou celui-ci de Cicéron contre Catilina :

Quousque tandem abutere, Catilina, patientiâ nostrâ ?

Les exordes brusques sont plus convenables dans les cas d’une joie, d’une indignation extraordinai-