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qu’il fût béni par l’évêque du lieu ; d’ordonner que l’évêque ne pourroit punir les fautes commises dans le cloître par les religieux, que quand les abbés auroient négligé de le faire ; & de ne pas permettre que l’on exigeât de l’argent pour l’ordinaire, ou pour la consécration des autels.

On rapporte à la vérité quelques chartes des vij. viij. & jx. siecles, par lesquelles des monasteres paroissent avoir été entierement affranchis par les papes de la jurisdiction spirituelle de l’évêque ; mais les plus habiles critiques regardent ces concessions comme supposées, & ce ne fut guere que vers le xj. siecle que les papes commencerent à exempter quelques monasteres de la jurisdiction spirituelle des évêques.

Ces exemptions furent révoquées au concile de Lyon en 1025, & blâmées par saint Bernard, qui vivoit sur la fin du xj. siecle & au commencement du xij. & par saint François, qui vivoit peu de tems après ; ce qui suppose qu’elles n’étoient point ordinaires en France : il n’est même point parlé alors d’exemptions pour les chapitres séculiers ; & en effet ceux qui sont exempts ne rapportent pour la plûpart que des titres postérieurs au xij. siecle.

Quelque purs qu’ayent pû être les motifs qui ont donné lieu à ces exemptions, il est certain que les exemptions perpétuelles sont contraires à l’ordre naturel & au droit commun ; & que si on les a faites pour un bien, elles produisent aussi souvent de grands inconvéniens, sur-tout lorsque les exempts ne sont soûmis à aucune puissance dans le royaume, comme au métropolitain ou au primat, & qu’ils sont soûmis immédiatement au saint siége.

Les premiers fondateurs des ordres mendians firent gloire d’être soûmis à tous leurs supérieurs ecclésiastiques ; ceux qui sont venus ensuite, guidés par d’autres vûes, ont obtenu des exemptions.

Elles furent sur-tout multipliées pendant le schisme d’Avignon ; les papes & les antipapes en accordoient chacun de leur part, pour attirer ou conserver les monasteres ou les chapitres dans leur parti.

Toutes ces exemptions accordées depuis le commencement du schisme, furent révoquée, par Martin V. avec l’approbation du concile de Constance.

Les évêques tenterent inutilement au concile de Latran de faire réduire tous les moines au droit commun : on révoqua seulement quelques priviléges des mendians.

On demanda aussi la révocation des exemptions au concile de Trente ; mais le concile se contenta de réprimer quelques abus, sans abolir les exemptions.

L’ordonnance d’Orléans avoit déclaré tous les chapitres séculiers & réguliers soûmis à l’évêque, nonobstant toute exemption ou privilége ; mais l’ordonnance de Blois, & les édits postérieurs qui y sont conformes, paroissent avoir autorisé les exemptions, lorsqu’elles sont fondées sur des titres valables.

La possession seule, quoiqu’ancienne & paisible, est insuffisante pour établir une exemption. Cette maxime est fondée sur l’autorité des papes S. Grégoire le Grand, de Nicolas I. & Innocent III. sur celle des conciles, entr’autres du troisieme concile de Ravenne, en 1314 ; de ceux de Tours, en 1236 ; & de Vorcester, en 1240 ; sur les textes du droit canon & l’autorité des glossateurs. Elle a été aussi établie par Cujas & Dumolin. & par MM. les avocats généraux Capel, Servin, Bignon, Talon.

Mais quoique la possession ne suffise pas seule pour établir une exemption, elle suffit seule pour détruire une exemption, parce que le retour au droit commun est toûjours favorable.

Les actes énonciatifs du titre d’exemption, & ceux même qui paroissent le confirmer, sont pareillement insuffisans pour établir seuls l’exemption ; il faut rapporter le titre primordial.

Les conditions nécessaires pour la validité de ce titre, sont qu’il soit en forme authentique, selon l’usage du tems où il été fait ; que l’évêque y ait consenti, ou du moins qu’il y ait été appellé, & que le roi ait approuvé l’exemption : enfin qu’il n’y ait aucune clause abusive dans la bulle d’exemption.

Si les clauses abusives touchent la substance de l’acte, elles le rendent entierement nul : si au contraire la clause ne touche pas le fond, elle est nulle, sans vicier le reste de l’acte.

On distingue deux sortes d’exemptions, les unes personnelles, les autres réelles. Les premieres sont celles accordées à un particulier, ou aux inembres d’une communauté. Les exemptions réelles sont celles qui sont accordées en faveur d’une église séculiere ou réguliere. Ces deux sortes d’exemptions sont ordinairement réunies dans le même titre.

Toute exemption étant contraire au droit commun, doit être renfermée strictement dans les termes de l’acte, & ne peut recevoir aucune extension.

En France, lorsque les chapitres séculiers qui sont exempts de l’ordinaire, sont en possession d’exercer sur leurs membres une jurisdiction contentieuse, & d’avoir pour cet effet un official, on les maintient ordinairement dans leur droit & possession, & en ce cas l’appel de l’official du chapitre ressortit à l’officialité de l’évêque.

Du reste les chapitres exempts sont sujets à la jurisdiction de l’évêque, pour la visite & pour tout ce qui dépend de sa jurisdiction volontaire.

Ils ne peuvent aussi refuser à l’évêque les droits honorifiques qui sont dûs à sa dignité, comme d’avoir un siege élevé près de l’autel, de donner la bénédiction dans l’église, & d’obliger les chanoines à s’incliner pour recevoir la bénédiction.

Quelques chapitres ont été maintenus dans le droit de visiter les paroisses de leur dépendance, à la charge de faire porter à l’évêque leurs procès-verbaux de visite, pour ordonner sur ces procès-verbaux ce qu’il jugeroit à-propos.

Lorsque l’official de ces chapitres séculiers ne fait pas de poursuites contre les délinquans dans le tems prescrit par le titre du chapitre, la connoissance des délits est dévolue à l’official de l’évêque.

La jurisdiction des réguliers est toûjours bornée à l’étendue de leur cloître ; & ceux qui commettent quelque délit hors du cloître, sont sujets à la jurisdiction de l’ordinaire.

L’évêque peut contraindre les religieux vagabonds, même ceux qui se disent exempts, de rentrer dans leur couvent ; il peut même employer contr’eux à cet effet les censures ecclésiastiques, s’ils refusent de lui obéir.

Les cures qui se trouvent dans l’enclos des monasteres, chapitres ou autres églises exemptes, sont sujettes à la visite de l’ordinaire ; & le religieux ou prêtre commis à la desserte des sacremens, & chargé de faire les fonctions curiales, dépend de l’évêque en tout ce qui concerne ces fonctions & l’administration des sacremens.

Quelqu’exemption que puissent avoir les séculiers & réguliers, ils sont toûjours soûmis aux ordonnances de l’évêque pour tout ce qui regarde l’ordre général de la police ecclésiastique, comme l’observation des jeûnes & des fêtes, les processions publiques & autres choses semblables, que l’évêque peut ordonner ou retrancher dans son diocèse, suivant le pouvoir qu’il en a par les canons.

Les exempts séculiers ou réguliers ne peuvent confesser les séculiers sans la permission de l’évêque diocésain, qui peut limiter le lieu, les personnes, le tems & les cas, & révoquer les pouvoirs quand il le juge à-propos.

Les exempts ne peuvent aussi prêcher, même dans