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rien qui vaille dans son chemin, on ne devient rien qui vaille soi-même. Il faut un grand courage pour se soûtenir seul dans les sentiers de la vertu, quand on est entouré de gens qui ne les suivent point. D’ailleurs dans les états où les mœurs sont corrompues, la plûpart des hommes ne tirent point de fruit du petit nombre de bons exemples qu’ils voyent ; & dans l’éloignement ils se contentent de rendre avec froideur quelque justice au mérite.

Dans les divers gouvernemens, les principes de leur constitution étant entierement différens, non seulement les exemples de bien & de mal ne sont pas les mêmes, mais les souverains ne sauroient se modeler les uns sur les autres d’une maniere utile, fixe & durable ; c’est ce que Corneille fait si bien dire à Auguste :

Les exemples d’autrui suffiroient pour m’instruire,
Si par l’exemple seul on pouvoit se conduire ;
Mais souvent l’un se perd où l’autre s’est sauvé,
Et par où l’un périt, un autre est conservé.

Enfin dans toutes les conjonctures de la vie, avant que de prendre les exemples pour modeles, il faut toûjours les examiner sur la loi, c’est-à-dire sur la droite raison : c’est aux actions à se former sur elle, & non pas à elle à se plier pour être conforme aux actions. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Exemple, (Belles-Lettr.) argument propre à la Rhétorique, par lequel on montre qu’une chose arrivera ou se fera d’une telle maniere, en apportant pour preuve un ou plusieurs évenemens semblables arrivés en pareille occasion.

Si je voulois montrer, dit Aristote, livre II. de la Rhétorique, que Denis de Syracuse ne demande des gardes que pour devenir le tyran de sa patrie, je dirois que Pisistrate demanda des gardes ; & que dès qu’on lui en eut accordé, il s’empara du gouvernement d’Athenes ; j’ajoûterois que Théagene fit la même chose à Mégare : j’alléguerois ensuite les autres exemples de ceux qui sont parvenus à la tyrannie par cette voie, & j’en conclurois que quiconque demande des gardes, en veut à la liberté de sa patrie.

On résout cet argument en montrant la disparité qui se rencontre entre les exemples & la chose à laquelle on veut les appliquer. (G)

* EXEMPT, adj. (Gramm.) terme relatif à quelque loi commune, qui n’oblige point celui qu’on en dit exempt.

Exempt de l’Ordinaire, (Jurispr.) se dit de certains monasteres, chapitres & autres ecclésiastiques, soit séculiers ou réguliers, qui ne sont pas soûmis à la jurisdiction de l’évêque diocésain, & relevent de quelqu’autre supérieur ecclésiastique, tel que le métropolitain ou le pape. Voyez ci-après Exemption. (A)

Exempt, (Jurispr.) est aussi un officier dans certains corps de cavalerie, qui commande en l’absence du capitaine & des lieutenans. Ces officiers ont sans doute été appellés exempts, parce qu’étant au-dessus des simples cavaliers, ils sont dispensés de faire le même service. Les exempts, pour marque de leur autorité, portent un bâton de commandement qui est d’ébene, garni d’yvoire par les deux bouts ; c’est ce que l’on appelle le bâton d’exempt. Quelquefois par ce terme, bâton d’exempt, on entend la place même d’exempt.

Il y a des exempts dans les compagnies des gardes du corps, qui sont des places considérables.

Il y a aussi des exempts dans la compagnie de la connétablie, lesquels sont chargés, avec les autres officiers de cette compagnie, de notifier les ordres de MM. les maréchaux de France pour les affaires du point d’honneur, & d’arrêter ceux qui sont dans le cas de l’être, en vertu des ordres qui leur sont donnés pour cet effet.

Il y a pareillement des exempts dans le corps des maréchaussées, dans la compagnie de robe-courte, dans la compagnie du guet à cheval, & même dans celle du guet à pié. Ces exempts sont ordinairement chargés de notifier les ordres du roi & de faire les captures, soit en exécution d’ordres du roi directement, ou en vertu de quelque decret ou contrainte par corps. Les exempts de maréchaussée n’ont pas le pouvoir d’informer, comme il fut jugé par arrêt du grand-conseil du 2 Avril 1616. (A)

EXEMPTION, (Jurisprud.) est un privilége qui dispense de la regle générale.

Exemption de Tailles, c’est le privilége de ne point payer de tailles, qui appartient aux ecclésiastiques, aux nobles & autres privilégiés. Voyez Tailles.

Exemption de Tutelle, c’est la décharge de la fonction de tuteur. (A)

Exemption de l’Ordinaire, est le droit que quelques monasteres, chapitres & autres ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers, ont de n’être point soûmis à la jurisdiction spirituelle de l’ordinaire, c’est-à-dire de leur évêque diocésain.

Dans les premiers siecles de l’Eglise tous les ecclésiastiques de chaque diocèse étoient soûmis à leur évêque diocésain, comme ils le sont encore de droit commun. Personne alors n’étoit exempt de la jurisdiction spirituelle de l’évêque ; monasteres, religieux, abbés, chanoines réguliers & autres, tout étoit soûmis à l’évêque.

On trouve dès le v. siecle plusieurs priviléges accordés aux grands monasteres, qui ont quelque rapport avec les exemptions proprement dites. Ces monasteres étoient la plûpart fondés, ou du moins gouvernés par des abbés d’une grande réputation, qui s’attiroient la vénération des fideles ; les évêques en devinrent jaloux, ce qui donna lieu aux abbés de se soustraire à l’autorité de leur évêque : les uns ne voulurent reconnoître pour supérieur que le métropolitain, patriarche ou primat ; d’autres eurent recours au pape, qui les prit sous sa protection.

Les chapitres, qui étoient pour la plûpart composés dè réguliers, voulurent aussi avoir part à ces exemptions ; ce qui eut lieu beaucoup plus tard par rapport aux chapitres séculiers.

La plus ancienne exemption connue en France, est celle du monastere de Lerins, qui fut faite par le concile d’Arles en 455.

Les évèques eux-mêmes ont accordé quelques exemptions ; témoin celle de l’abbaye de S. Denis en 657, qui fut faite par Landry, évêque de Paris, du consentement de son chapitre & des évêques de la province. Il paroît néanmoins que l’usage ne fut pas toûjours uniforme sur ce point en France ; car les, exemptions, tant des chapitres que des monasteres, étoient inconnues sous le regne de Pepin, comme il paroît par le concile de Vernon, tenu en 755.

En Orient les exemptions de l’ordinaire, avec soûmission au patriarche ou au métropolitain, furent très-communes : on en trouve des exemples dès le vj. siecle.

Les priviléges ou exemptions ainsi accordés à quelques monasteres, étoient confirmés en France par les rois ; on en trouve les formules dans Marculphe, où l’on voit que ces exemptions n’avoient pas alors pour but de soustraire les monasteres à la jurisdiction spirituelle de l’évêque, mais seulement d’empêcher que l’évêque allant trop souvent dans le monastere avec une suite nombreuse, ne troublât le silence & la solitude qui y doivent regner, ut quieta sint monasteria : c’est le motif ordinaire des anciennes chartes d’exemptions. C’est aussi pour empêcher les évêques de se mêler du temporel du monastere, & afin de permettre aux religieux de se choisir un abbé, pourvû