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la complexion plus forte dans les hommes dépend principalement du recrément séminal. Mais sur toutes ces particularités, voyez Poil.

Nous finirons ces recherches sur la nature de la cause qui vient d’être établie, concernant les suites de la séparation de la liqueur spermatique, à l’égard de la voix sur-tout, en appuyant la théorie qui a été donnée de ces effets, par les observations suivantes. Les adultes à qui les testicules ont été emportés, par accident ou de toute autre maniere, deviennent efféminés, perdent peu-à-peu les forces du corps, la barbe ; en un mot leur tempérament dégénere entierement : mais le changement est sur-tout sensible par rapport à la voix, qui de mâle, de grave qu’elle étoit, devient grêle, aiguë, comme celle des femmes. Boerhaave, Comment. in propr. instit. §. 658. fait mention d’un soldat qui avoit éprouvé tous ces effets, après avoir perdu les testicules par un coup de feu. Les jeunes gens qui contractent la criminelle habitude d’abuser d’eux-mêmes par la mastupration, ou qui se livrent trop tôt & immodérément à l’exercice vénérien, en s’énervant par ces excés d’évacuation de semence dont ils frustrent la masse des humeurs, perdent souvent la voix, ou au moins discontinuent de la prendre grave ; & si elle n’avoit pas encore eu le tems de devenir telle, elle reste grêle & aiguë comme celle des femmes, plus long-tems qu’il n’est naturel ; ce qui ne se répare quelquefois jamais bien, si la cause de ce desordre est devenue habituelle, parce que toutes les autres parties du corps restent foibles à proportion, &c. Voyez Mastupration.

Les grandes maladies, qui causent un amaigrissement considérable, qui jettent dans le marasme, produisent aussi des changemens dans la voix, la rendent aiguë, grêle, dans ceux-mêmes qui l’avoient le plus grave ; changement qu’il faut bien distinguer, & qui est réellement bien différent de la foiblesse de la voix, qui est aussi très-souvent un autre effet des mêmes causes alléguées. Ces changemens du ton habituel de la voix, qui viennent d’être rapportés, ne pouvant être attribués qu’au défaut de réparation dans les parties solides, dans les fibres en général, & en particulier dans celles qui composent les bords de la glotte, dans lesquels la diminution de volume est proportionnée à celle qui se fait dans toutes les autres parties, ne laissent, ce semble, presqu’aucun doute sur la vérité de l’explication que l’on vient de proposer, qui paroît d’ailleurs être susceptible de quelque utilité, sans aucun inconvénient dans la pratique médicinale, par les conséquences ultérieures qu’elle peut fournir, concernant les différens effets des mêmes maladies comparées dans les deux sexes, dans les mâles enfans & adultes, dans les eunuques, concernant la disposition à certaines maladies, qui se trouve plus dans un de ces états que dans un autre : on se bornera ici à en citer un exemple, d’où on peut tirer la conséquence pour bien d’autres. Selon Pison, tome II. page 384. les eunuques & les femmes ne sont pas sujets à la goutte, non plus que les jeunes gens, avant de s’être livrés à l’exercice vénérien. En effet, les observations contraires sont très-rares, &c. Voyez Semence, Voix, & Goutte. (d)

Eunuques, eunuchi, s. m. pl. (Hist. ecclés.) est aussi le nom qu’on donnoit à une secte d’hérétiques qui avoient la manie de se mutiler non-seulement eux-mêmes & ceux qui adhéroient à leurs sentimens, mais encore tous ceux qui tomboient entre leurs mains.

Quelques-uns croyent que le zele inconsidéré d’Origene donna occasion à cette secte. Il est probable aussi qu’une fausse idée de la perfection chrétienne, prise d’un texte de S. Matthieu mal entendu, contribua à accréditer cette extravagance. On donna

aussi à ces hérétiques le nom de Valésiens. Voyez Valésiens. Chambers. (G)

EUNOMIENS, s. m. pl. (Hist. eccl.) secte d’hérétiques qui parurent dans le jv. siecle. C’étoit une branche des Ariens, ainsi nommée d’Eunome leur chef, qui ajoûta plusieurs hérésies à celles d’Arius. Cet homme fut fait évêque de Cyzique vers l’an 360, & enseigna d’abord ses erreurs en secret, puis ouvertement, ce qui le fit chasser de son siége. Les Ariens tenterent inutilement de le placer sur celui de Samosate : Valens le rétablit sur celui de Cyzique ; mais après la mort de cet empereur il fut condamné à l’exil, & mourut en Cappadoce.

Eunome soûtenoit entr’autres choses, qu’il connoissoit Dieu aussi parfaitement que Dieu se connoissoit lui-même ; que le Fils de Dieu n’étoit Dieu que de nom ; qu’il ne s’étoit pas uni substantiellement à l’humanité, mais seulement par sa vertu & par ses opérations ; que la foi toute seule pouvoit sauver, quoique l’on commit les plus grands crimes, & qu’on y perséverât. Il rebaptisoit ceux qui avoient été déjà baptisés au nom de la Trinité ; haïssant si fort ce mystere, qu’il condamnoit la triple immersion dans le baptême. Il se déchaîna aussi contre le culte des martyrs, & l’honneur rendu aux reliques des saints. Les Eunomiens soûtinrent aussi les mêmes erreurs : on les appelloit autrement Troglodytes. Voyez Troglodytes. Dictionn. de Trévoux & Chambers. (G)

EUNOMIO-EUPSYCHIENS, s. m. pl. (Hist. eccl.) secte d’hérétiques du jv. siecle, qui se séparerent des Eunomiens pour une question de la connoissance ou science de Jesus-Christ, quoiqu’ils en conservassent d’ailleurs les principales erreurs. Voyez Eunomiens.

Nicéphore parle des Eunomio-Eupsychiens, liv. XII. ch. xxx. comme étant les mêmes que Sozomene appelle Entychiens, liv. VII. ch. xvij. Suivant ce dernier historien, le chef de cette secte étoit un eunomien appellé Eutyche, & non pas Eupsyche, comme le prétend Nicéphore : cependant ce dernier auteur copie Sozomene dans le passage où il s’agit de ces hérétiques, ce qui prouve que tous deux parlent de la même secte ; mais il n’est pas facile de décider lequel des deux se trompe. M. de Valois, dans ses notes sur Sozomene, s’est contenté de remarquer cette différence, sans rien prononcer ; & Fronton du Duc en a fait autant dans ses notes sur Nicéphore. Voyez le dictionn. de Trévoux & Chambers. (G)

EVOCATION, (Littér.) opération religieuse du paganisme, qu’on pratiquoit au sujet des manes des morts. Ce mot désigne aussi la formule qu’on employoit pour inviter les dieux tutélaires des pays où l’on portoit la guerre, à daigner les abandonner & à venir s’établir chez les vainqueurs, qui leur promettoient en reconnoissance des temples nouveaux, des autels & des sacrifices. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Evocation des dieux tutélaires, (Littérat. Hist. anc.) Les Romains, entr’autres peuples, ne manquerent pas de pratiquer cette opération religieuse & politique, avant la prise des villes, & lorsqu’ils les voyoient réduites à l’extrémité : ne croyant pas qu’il fût possible de s’en rendre les maîtres tant que leurs dieux tutélaires leur seroient favorables, & regardant comme une impiété dangereuse de les prendre pour ainsi dire prisonniers, en s’emparant par force de leurs temples, de leurs statues, & des lieux qui leur étoient consacrés, ils évoquoient ces dieux de leurs ennemis ; c’est-à-dire qu’ils les invitoient par une formule religieuse à venir s’établir à Rome, où ils trouveroient des serviteurs plus zélés à leur rendre les honneurs qui leur étoient dûs.

Tite-Live, livre V. décad. j. rapporte l’évocation que fit Camille des dieux Véïens, en ces mots : « C’est