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rois. Ce changement n’empêcha pas que l’on ne fût obligé de demander le consentement & l’approbation des souverains, avant que de sacrer ceux qui étoient élus ; on suivoit cette regle même par rapport aux papes, qui ont été long-tems obligés d’obtenir le consentement des successeurs de Charlemagne.

Pour ce qui est des évêchés de France, nos rois de la premiere race en disposoient, à l’exclusion du peuple & du clergé ; il est du moins certain que depuis Clovis jusqu’à l’an 590, il n’y eut aucun évêque installé, sinon par l’ordre ou du consentement du roi : on procédoit cependant à une élection, mais ce n’étoit que pour la forme.

Dans le septieme siecle nos rois disposoient pareillement des évêchés. Le moine Marculphe, qui vivoit en ce siecle, rapporte la formule d’un ordre ou précepte par lequel le roi déclaroit au métropolitain, qu’ayant appris la mort d’un tel évêque, il avoit résolu, de l’avis des évêques & des grands, de lui donner un tel pour successeur. Il rapporte aussi la formule d’une requête des citoyens de la ville épiscopale, par laquelle ils demandoient au roi de leur donner pour évêque un tel, dont ils connoissoient le mérite ; ce qui fait voir que l’on attendoit le choix, ou du moins le consentement du peuple.

Louis le Débonnaire rendit aux églises la liberté des élections ; mais par rapport aux évêchés, il paroît que ce prince y nommoit, comme avoit fait Charlemagne ; que Charles le Chauve en usa aussi de même, & que ce ne fut que sous les successeurs de celui-ci que le droit d’élire les évêques fut rétabli pendant quelque tems en faveur des villes épiscopales. Les chapitres des cathédrales étant devenus puissans, s’attribuerent l’élection des évêques ; mais il falloit toûjours l’agrément du roi.

Depuis l’an 1076 jusqu’en 1150, les papes avoient excommunié une infinité de personnes, & fait périr plusieurs millions d’hommes par les guerres qu’ils susciterent pour enlever aux souverains l’investiture des évêchés, & donner l’élection aux chapitres.

Il paroît que c’est à-peu-près dans le même tems que les évêques commencerent à se dire évêques par la grace de Dieu ou par la miséricorde de Dieu, divinâ miseratione. Ce fut un évêque de Coutances qui ajoûta le premier, en 1347 ou 1348, en tête de ses mandemens & autres lettres, ces mots, & par la grace du saint siége apostolique, en reconnoissance de ce qu’il avoit été confirmé par le pape.

Pour revenir aux nominations des évêchés, le pape Pie II. & cinq de ses successeurs combattirent pendant un demi-siecle pour les ôter aux chapitres & les donner au roi. Tel étoit le dernier état en France avant le concordat fait entre Léon X. & François I.

Par ce traité les élections pour les prélatures furent abrogées, & le droit d’y nommer a été transféré tout entier au roi, sur la nomination duquel le pape doit accorder des bulles, pourvû que celui qui est nommé ait les qualités requises.

Le roi doit nommer dans les six mois de la vacance : si la personne n’a pas les qualités requises par le concordat, & que le pape refuse des bulles, le roi doit en nommer une autre dans trois mois, à compter du jour que le refus qui a été fait des bulles dans le consistoire, a été signifié à celui qui les sollicitoit. Si dans ces trois mois le roi ne nommoit pas une personne capable, le pape, aux termes du concordat, pourroit y pourvoir, à la charge néanmoins d’en faire part au roi, & d’obtenir son agrément ; mais il n’y a pas d’exemple que le pape ait jamais usé de ce pouvoir.

Celui que le roi a nommé évêque, doit dans neuf mois, à compter de ses lettres de nomination, obtenir des bulles, ou justifier des diligences qu’il a faites pour les obtenir ; autrement il demeure déchû de

plein droit du droit qui lui étoit acquis en vertu de ses lettres.

Si le pape refusoit sans raison des bulles à celui qui est nommé par le roi, il pourroit se faire sacrer par le métropolitain, suivant l’ancien usage, ou se pourvoir au parlement, où il obtiendroit un arrêt en vertu duquel le nommé joüiroit du revenu, & conféreroit les bénéfices dépendans de son évêché.

Le nouvel évêque peut, avant d’être sacré, faire tout ce qui dépend de la jurisdiction spirituelle : il a la collation des bénéfices & l’émolument du sceau ; mais il ne peut faire aucune des choses quæ sunt ordinis, comme de donner les ordres, imposer les mains, faire le saint chrême.

Les conciles veulent que l’évêque se fasse sacrer ou consacrer, ce qui est la même chose, trois mois après son institution ; que s’il differe encore trois mois, il soit privé de son évêché. L’ordonnance de Blois veut aussi que les évêques se fassent sacrer dans le tems porté par les constitutions canoniques.

Anciennement tous les évêques de la province s’assembloient dans l’église vacante pour assister à l’élection, & pour sacrer celui qui avoit été élu. Lorsqu’ils étoient partagés sur ce sujet, on suivoit la pluralité des suffrages. Il y avoit des provinces où le métropolitain ne pouvoit consacrer ceux qui avoient été élus, sans le consentement du primat. Quand ils ne pouvoient tous s’assembler, il suffisoit qu’il y en eût trois qui consacrassent l’élu, du consentement du métropolitain qui avoit droit de confirmer l’élection. Ce réglement du concile de Nicée, renouvellé par plusieurs conciles postérieurs, a été observé pendant plusieurs siecles. Il est encore d’usage de faire sacrer le nouvel évêque par trois autres évêques ; mais il n’est pas nécessaire que le métropolitain du pourvû fasse la consécration. Cette cérémonie se fait par les évêques auxquels les bulles sont adressées par le pape.

Les métropolitains sont sacrés, comme les autres évêques, par ceux à qui les bulles sont adressées.

Voici les principales cérémonies qu’on observe dans l’Eglise latine pour la consécration d’un évêque. Cette consécration doit se faire un dimanche dans l’église propre de l’élu, ou du moins dans la province, autant qu’il se peut commodément. Le consécrateur doit être assisté au moins de deux autres évêques : il doit jeûner la veille, & l’élu aussi. Le consécrateur étant assis devant l’autel, le plus ancien des évêques assistans lui présente l’élu, disant : l’Eglise catholique demande que vous éleviez ce prêtre à la charge de l’épiscopat. Le consécrateur ne demande point s’il est digne, comme on faisoit du tems des élections, mais seulement s’il y a un mandat apostolique, c’est-à-dire la bulle principale qui répond du mérite de l’élu, & il la fait lire. Ensuite l’élu prête serment de fidélité au saint siége, suivant une formule dont il se trouve un exemple dès le tems de Grégoire VII. On y a depuis ajoûté plusieurs clauses, entr’autres celle d’aller à Rome rendre compte de sa conduite tous les quatre ans, ou du moins d’y envoyer un député ; ce qui ne s’observe point en France.

Alors le consécrateur commence à examiner l’élu sur sa foi & ses mœurs, c’est-à-dire sur ses intentions pour l’avenir ; car on suppose que l’on est assûré du passé. Cet examen fini, le consécrateur commence la messe : après l’épître & le graduel il revient à son siége ; & l’élu étant assis devant lui, il l’instruit de ses obligations, en disant : un évêque doit juger, interpréter, consacrer, ordonner, offrir, baptiser & confirmer. Puis l’élu s’étant prosterné, & les évêques à genoux, on dit les litanies, & le consécrateur prend le livre des évangiles, qu’il met tout ouvert sur le cou & sur les épaules de l’elu. Cette cérémonie étoit plus facile du tems que les livres étoient des rouleaux, volumina ; car l’évangile ainsi étendu, pendoit des deux