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rens, & tous autres libres ou esclaves, puissent rien prétendre par succession, disposition entre-vifs ou à cause de mort ; lesquelles dispositions sont nulles, ensemble toutes promesses & obligations qu’ils auroient faites, comme étant faites par gens incapables de disposer & de contracter de leur chef.

Les maîtres sont néanmoins tenus de ce que les esclaves ont fait par leur ordre, & de ce qu’ils ont géré & négocié dans la boutique, & pour le commerce auquel le maître les a préposés ; mais le maître n’est tenu que jusqu’à concurrence de ce qui a tourné à son profit. Le pécule que le maître a permis à son esclave, en est tenu après que le maître en a déduit par préférence ce qui peut lui en être dû, à moins que le pécule ne consistât en tout ou partie en marchandises, dont les esclaves auroient permission de faire trafic à part : le maître y viendroit par contribution avec les autres créanciers.

On ne peut pourvoir un esclave d’aucun office ni commission ayant quelque fonction publique, ni les constituer à gens pour autres que leur maître : ils ne peuvent être arbitres ; & si on les entend comme témoins, leur déposition ne sert que de mémoire, sans qu’on en puisse tirer aucune présomption, ni conjecture, ni adminicule de preuve : ils ne peuvent ester en jugement en matiere civile, soit en demandant ou défendant, ni être partie civile en matiere criminelle.

On peut les poursuivre criminellement sans qu’il soit besoin de rendre le maître partie, sinon en cas de complicité.

L’esclave qui frappe son maître, ou la femme de son maître, sa maîtresse, ou leurs enfans, avec contusion de sang, ou au visage, est puni de mort. Les autres excès commis sur des personnes libres, les vols, sont aussi punis séverement, même de mort s’il y échet.

En cas de vol ou autre dommage causé par l’esclave, outre la peine corporelle qu’il subit, le maître doit en son nom réparer le dommage, si mieux il n’aime abandonner l’esclave ; ce qu’il doit opter dans trois jours.

Un esclave qui a été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l’a dénoncé en justice, a les oreilles coupées & est marqué d’une fleur-de-lis sur l’épaule ; la seconde fois il est marqué de même, & on lui coupe le jarret ; la troisieme fois il est puni de mort.

Les affranchis qui donnent retraite aux esclaves fugitifs, sont condamnés par corps envers leur maître en l’amende de 300 livres de sucre pour chaque jour de retention.

L’esclave que l’on punit de mort sur la dénonciation de son maître, non complice du crime, est estimé avant l’exécution par deux personnes nommées par le juge, & le prix de l’estimation est payé au maître ; à l’effet dequoi il est imposé par l’intendant sur chaque tête de negre payant droit.

Il est permis aux maîtres, lorsque leurs esclaves l’ont mérité, de les faire enchaîner, de les faire battre de verges ou de cordes ; mais ils ne peuvent leur donner la torture, ni leur faire aucune mutilation de membre, à peine de confiscation des esclaves. Si un maître ou un commandeur tue un esclave à lui soûmis, il doit être poursuivi criminellement ; mais s’il y a lieu de l’absoudre, il n’est pas besoin pour cela de lettres de grace.

Les esclaves sont meubles, & comme tels entrent en communauté ; ils n’ont point de suite par hypotheque, se partagent également entre les héritiers, sans préciput ni droit d’aînesse ; ils ne sont point sujets au doüaire coûtumier, ni aux retraits féodal & lignager, aux droits seigneuriaux, aux formalités des decrets, ni au retranchement des quatre quints :

on peut cependant les stipuler propres à soi, & aux siens de son côté & ligne.

Dans la saisie des esclaves, on suit les mêmes regles que pour les autres saisies mobiliaires ; il faut seulement observer que l’on ne peut saisir & vendre le mari & la femme & leurs enfans impuberes, s’ils sont tous sous la puissance du même maître. On doit observer la même chose dans les ventes volontaires.

Les esclaves âgés de 14 ans & au-dessus jusqu’à 60, travaillant actuellement dans les sucreries, indigoteries, & habitations, ne peuvent être saisis pour dettes, sinon pour ce qui sera dû sur le prix de leur achat, ou que la sucrerie, indigoterie, ou habitation, soit saisie réellement, les esclaves de cette qualité étant compris dans la saisie réelle.

Les enfans nés des esclaves depuis le bail judiciaire, n’appartiennent point au fermier, mais à la partie saisie, & sont ajoûtés à la saisie réelle. On ne distingue point dans l’ordre le prix des esclaves de celui du fonds ; mais les droits seigneuriaux ne sont payés qu’à proportion du fonds.

Les lignagers & seigneurs féodaux ne peuvent retirer les fonds decretés, sans retirer les esclaves vendus avec le fonds.

Les gardiens nobles & bourgeois, usufruitiers, admodiateurs, & autres, joüissant des fonds auxquels sont attachés des esclaves qui travaillent, doivent gouverner ces esclaves comme bons peres de famille, sans qu’ils soient tenus après leur administration de rendre le prix de ceux qui sont décédés ou diminués par maladie, vieillesse ou autrement, sans leur faute. Ils ne peuvent aussi leur retenir comme fruits les enfans nés des esclaves durant leur administration, lesquels doivent être rendus au propriétaire.

L’édit de 1685 permettoit aux maîtres âgés de 20 ans, d’affranchir leurs esclaves par acte entre-vifs, ou à cause de mort, sans être obligés d’en rendre raison, & sans avis de parens. Mais la déclaration du 15 Décembre 1723 défend aux mineurs, quoiqu’émancipés, de disposer des negres qui servent à exploiter leurs habitations, jusqu’à ce qu’ils ayent atteint l’âge de 25 ans accomplis, sans néanmoins que les negres cessent d’être réputés meubles par rapport à tous autres effets.

Les enfans d’esclaves qui sont nommés légataires universels par leur maître, ou nommés exécuteurs de son testament, ou tuteurs de ses enfans, sont réputés affranchis.

Ceux qui sont affranchis sont réputés régnicoles, sans qu’ils ayent besoin de lettres de naturalité.

Les affranchis sont obligés de porter un respect singulier à leurs anciens maîtres, à leurs veuves, & à leurs enfans ; ensorte que l’injure qu’ils leur font est punie plus grievement que si elle étoit faite à une autre personne : du reste les anciens maîtres ne peuvent prétendre d’eux aucun service ni droit sur leurs personnes & biens, ni sur leur succession.

Enfin l’édit accorde aux affranchis les mêmes droits, priviléges, & immunités dont joüissent les personnes nées libres.

L’édit du mois d’Octobre 1716, en confirmant celui de 1685, ordonne que lorsqu’un maître voudra amener en France un esclave negre, soit pour le fortifier dans notre religion, soit pour lui faire apprendre quelque art ou métier, il en obtiendra la permission du gouverneur ou commandant, qu’il la fera enregistrer au greffe de la jurisdiction du lieu de sa résidence avant son départ, & en celui de l’amirauté du lieu du débarquement, huitaine après l’arrivée en France. La même chose doit être observée, lorsque les maîtres envoyent leurs esclaves en France ; & au moyen de ces formalités, les esclaves ne pourront prétendre avoir acquis leur liberté sous prétexte de