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neur qui est le plus simple aprês le précédent, vient de la progression de la basse fondamentale par tierces majeures, progression aussi indiquée par la nature, mais moins naturelle néanmoins que la progression par quintes. V. Harmonie. En effet, si on forme cette basse fondamentale ut mi, on pourra mettre au-dessus ce chant sol sol ♯, qu’on trouvera former un semi-ton mineur. 3°. enfin le genre enharmonique le moins naturel des trois, a son origine dans une basse ut mi sol ♯, dont les deux extrèmes ut, sol ♯, qui donnent le quart de ton enharmonique, forment une progression non naturelle. (O)

Diatonique enharmonique. On appelle ainsi un chant qui procede par une suite de semi-tons tous majeurs, qui se succedent immédiatement ; ce chant est diatonique parce que chaque semi-ton y est majeur (V. Diatonique & Chromatique) ; & il est enharmonique, parce que deux semi-tons majeurs de suite forment un ton trop fort d’un quart de ton enharmonique. Pour former cette espece de chant il faut faire une basse fondamentale qui monte alternativement de quinte & de tierce, comme fa ut mi si, & cette basse donnera le chant fa mi mi ré ♯, où tous les semi-tons sont majeurs. Une partie du trio des Parques de l’opéra d’Hyppolite est dans ce genre ; mais il n’a jamais pû être exécuté à l’opéra ; il l’avoit été ailleurs par des musiciens très-habiles & de bonne volonté, & M. Rameau assure que l’effet en est surprenant. (O)

Chromatique enharmonique. On appelle ainsi un chant qui procede par une suite de semi-tons mineurs, qui se succedent immédiatement. Ce chant est chromatique, parce que chaque semi-ton y est mineur (V. Chromatique) ; il est enharmonique, parce que les deux semi-tons mineurs consécutifs forment un ton trop foible d’un quart de ton enharmonique. Pour former cette espece de chant, il faut avoir une basse fondamentale composée de tierces mineures & majeures en cette sorte, ut ut la ut ♯ ut ♯, & mettre au-dessus ce chant mi ♭ mi mi mi mi ♯ ; on trouvera par le calcul que mi ♭ mi, mi, mi, mi ♯ forment des semi-tons mineurs. M. Rameau nous apprend qu’il avoit fait dans ce genre de musique un tremblement de terre au second acte des Indes galantes en 1735, mais qu’il fut si mal servi qu’il fut obligé de le changer en une musique commune. Voyez mes Elémens de Musique. p. 91. 92, 93, & 116. (O)

ENHARNACHER, HARNACHER, (Manege, Maréchall.) mettre les harnois sur le corps d’un cheval expressions synonymes. V. Harnacher. (e)

ENHENDÉ, adj. terme de Blason. On appelle croix enhendée celle dont le pié est enhendé, c’est-à-dire refendu, du mot espagnol enhendido, qui signifie la même chose. Ces croix à refente sont communes en Allemagne.

ENHUCHE. (Marine) Voyez Huche.

ENHYDRUS, s. m. (Hist. natur. Minéralogie) Ce mot est composé de ἐν, in, & de ὑδωρ, aqua : quelques naturalistes désignent par ce mot une ætite ou pierre d’aigle qui contient de l’eau. L’enhydrus est donc une pierre qui ressemble parfaitement aux autres pierres d’aigle qui sont ferrugineuses : elle est de différentes grandeurs & varie pour la figure, est composée de plusieurs couches ou enveloppes appliquées les unes sur les autres ; les couches extérieures sont d’un jaune d’ochre ; la couche qui tapisse l’intérieur est presque toujours noirâtre, & plus compacte que les couches extérieures. Lorsqu’on casse cette pierre, on trouve qu’elle a une cavité comme les autres ætites ; avec cette différence, qu’il en sort une liqueur qui est ordinairement épaisse, & quelquefois blanchâtre comme de la creme, dont elle a à peu-près la consistance : mais ce cas est rare ; elle est plus communément d’un blanc bleuâtre ou limpide, lorsqu’elle n’a

point été salie par la matiere ochracée dont la pierre est composée ; cette liqueur est souvent entierement insipide, cependant elle a quelquefois un goût ferrugineux & astringent, & même nauséeux. Il y a de ces pierres en Angleterre & ailleurs. (—)

ENJABLER, v. act. terme de Tonnellier. C’est enfoncer les futailles ou y mettre des fonds, en arrêtant les douves d’enfonçures dans la rainure qui regne tout autour du jable en-dedans. Voyez Jable.

ENJALER une ancre, (Marine.) c’est attacher à l’ancre deux pieces de bois qu’on appelle jas, & les empater ensemble vers l’organeau. Le jas sert à contrebalancer dans l’eau la patte de l’ancre pour la faire tomber sur le bon côté : quelques matelots disent enjauler une ancre. Voyez Jas. (Z)

ENJAMBEMENT, s. m. (Poésie.) construction vicieuse, principalement dans les vers alexandrins. On dit qu’un vers enjambe sur un autre, lorsque la pensée du poëte n’est point achevée dans le même vers, & ne finit qu’au commencement ou au milieu du vers suivant. Ainsi ce défaut existe toutes les fois qu’on ne peut point s’arrêter naturellement à la fin du vers alexandrin, pour en faire sentir la rime & la pensée, mais qu’on est obligé de lire de suite & promptement l’autre vers, à cause du sens qui est demeuré suspendu. Les exemples n’en sont pas rares : en voici un seul.

Craignons qu’un Dieu vangeur ne lance sur nos têtes
La foudre inévitable.

Il y a ici un enjambement, parce que le sens ne permet pas qu’on se repose à la fin du premier vers.

Ce n’est pas assez d’éviter l’enjambement d’un vers à l’autre, il faut de plus éviter d’enjamber du premier hémistiche au second ; c’est-à-dire, que si l’on porte un sens au-delà de la moitié du vers, il ne faut pas l’interrompre avant la fin, parce qu’alors le vers paroît avoir deux repos & deux césures, ce qui est très-desagréable. Il est encore bien moins permis d’enjamber d’une stance à l’autre. Voyez les auteurs sur la vérsification françoise.

Mais si l’enjambement est défendu dans les vers alexandrins, comme nous venons de le dire, il est autorisé dans les vers de dix syllabes, & il y produit même quelquefois un agrément, parce que cette espece de vers faite pour la poésie familiere souffre quelques licences, & ne veut pas être assujettie à une trop grande gêne.

Les poëtes du siecle passé ne s’embarrassoient guere de laisser enjamber leurs vers les uns sur les autres ; c’est à Malherbe le premier à qui l’on doit la correction de ce défaut de la versification. Par ce sage écrivain, par ce guide fidele, dit Despréaux,

Les Stances avec grace apprirent à marcher,
Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber.

Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ENIGME, s. m. & plus souvent f. (Littér. Poésie.) c’étoit chez les anciens une sentence mystérieuse, une proposition qu’on donnoit à deviner, mais qu’on cachoit sous des termes obscurs, & le plus souvent contradictoires en apparence. L’énigme parmi les modernes, est un petit ouvrage ordinairement en vers, où sans nommer une chose, on la décrit par ses causes, ses effets & ses propriétés, mais sous des termes & des idées équivoques pour exciter l’esprit à la découvrir.

Souvent l’énigme est une suite de comparaisons qui caractérisent une chose, par des noms tirés de plusieurs sujets différens entre eux qui ressemblent à celui de l’énigme chacun à sa maniere, & par des rapports particuliers. Quelquefois pour la rendre plus difficile à deviner, on l’embarrasse, en mêlant le style simple au style figuré, en empruntant des métaphores, ou en personnifiant exprès le sujet de l’énigme afin de donner le change.