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ne, ou par leurs députés, munis de pleins pouvoirs, & alors ils se mettent à dresser les articles de la capitulation impériale. Si un électeur dûment invité à l’élection refusoit d’y comparoître, ou prenoit le parti de se retirer après y avoir comparu, cela n’empêcheroit point les autres d’aller en avant, & l’élection n’en seroit pas moins légitime pour cela. Le jour étant fixé pour l’élection, on fait sortir de la ville tous les étrangers ; les électeurs assistent à la messe pour implorer les lumieres du S. Esprit, & pretent un serment, dont la formule est marquée par la bulle d’or, d’être impartiaux dans le choix qu’ils vont faire : après quoi ils entrent dans le conclave, & procedent à l’élection qui se fait à l’unanimité, ou à la pluralité des voix ; elles sont recueillies par l’électeur de Mayence.

Quand l’élection est achevée, on fait entrer dans le lieu de l’assemblée des notaires & témoins ; on passe un acte qui est signé & muni du sceau de chacun des électeurs. Suivant la bulle d’or, si l’élection n’étoit point faite dans l’espace de 30 jours, les électeurs devroient être au pain & à l’eau. Quand l’élection est finie, on la fait annoncer dans la principale église de la ville. Les électeurs font notifier à celui qui a été élû, s’il est absent, le choix qu’on a fait de sa personne pour remplir la dignité impériale, avec priere de l’accepter ; s’il est présent, on lui présente la capitulation, qu’il jure d’observer, & les électeurs le conduisent en cérémonie du conclave vers le grand autel ; il se met à genoux sur la marche la plus élevée, & fait sa priere ayant les électeurs à ses côtés ; ils l’élevent ensuite sur l’autel ; on chante le Te Deum ; après quoi il sort du chœur, monte dans une tribune, & c’est pour lors qu’il est proclamé empereur.

La cérémonie de l’élection est suivie de celle du couronnement ; suivant la bulle d’or elle devroit toûjours se faire à Aix-la-Chapelle : mais il y a déjà long-tems que l’on a négligé de se conformer à cet usage, & depuis Charles-Quint aucun empereur ne s’est fait couronner en cette ville. Cependant l’empereur adresse toûjours à la ville d’Aix-la-Chapelle des reversales, pour lui déclarer que le couronnement s’est fait ailleurs sans préjudice de ses droits. Les archevêques de Cologne & de Mayence se sont long-tems disputé le droit de couronner l’empereur ; mais ce différend est terminé depuis 1658 : c’est celui de Mayence qui a droit de couronner, lorsque la cérémonie se fait dans son diocèse, & celui de Cologne en cas qu’elle se fasse dans le sien. Les marques de la dignité impériale, telles que la couronne, l’épée, le sceptre, le globe d’or surmonté d’une croix, le manteau impérial, l’anneau, &c. sont conservées à Aix-la-Chapelle & à Nuremberg, d’où on les porte à l’endroit où le couronnement doit se faire.

Cette cérémonie se fait avec tout l’éclat imaginable ; les électeurs y assistent en habits de cérémonie, & l’empereur y prete un serment conçû à-peu près en ces termes : Je promets devant Dieu & ses anges d’observer les lois, de rendre la justice, de conserver les droits de ma couronne, de rendre l’honneur convenable au pontife romain, aux autres prélats, & à mes vassaux, de conserver à l’Eglise les biens qui lui ont été donnés ; ainsi Dieu me soit en aide, &c. L’archevêque chargé de la cérémonie avant de couronner l’empereur lui demande, S’il veut conserver & pratiquer la Religion catholique & apostolique ; être le défenseur & le protecteur de l’Eglise & de ses ministres ; gouverner suivant les lois de la justice le royaume que Dieu lui a confié, & le défendre efficacement ; tacher de récupérer les biens de l’Empire qui ont été démembrés ou envahis ; enfin s’il veut être le défenseur & le juge du pauvre comme du riche, de la veuve & de l’orphelin. A toutes ces demandes l’empereur répond volo, je le veux. Quand

le couronnement est achevé, l’empereur fait un repas solennel ; il est assis seul à une table, ayant à sa gauche l’impératrice à une table moins élevée que la sienne. Les électeurs eux-mêmes, ou par leurs substituts, servent l’empereur au commencement du repas, chacun selon son office ; ensuite dequoi ils se mettent chacun à une table séparée qui est moins élevée que celle de l’empereur & de l’impératrice. Voyez Vitriarii instit. juris publici, lib. I. tit. viij.

Autrefois les empereurs, après avoir été couronnés en Allemagne, alloient encore se faire couronner à Rome comme rois des Romains ; c’est ce qu’on appelloit l’expédition romaine : & à Milan, à Monza, à Pavie, ou à Modene, comme rois de Lombardie. Mais depuis long-tems ils se sont dispensés de ces deux cérémonies au grand regret des papes, qui prétendent toûjours avoir le droit de confirmer l’élection des empereurs. Il est vrai que souvent leur foiblesse & la nécessité des tems les ont forcés à demander aux papes la confirmation de leurs élections. Boniface VIII. la refusa à Albert d’Autriche, parce que celle de ce prince s’étoit faite sans son consentement : mais ces prétentions imaginaires ne sont plus d’aucun poids aujourd’hui ; & même dès l’an 1338, les états de l’Empire irrités du refus que le pape Jean XXII. faisoit de donner l’absolution à Louis de Baviere, déciderent qu’un prince élû empereur à la pluralité des voix, seroit en droit d’exercer les actes de la souveraineté, quand même le pape refuseroit de le reconnoître, & ils déclarerent criminel de lese-majesté quiconque oseroit soûtenir le contraire, & attribuer au pape aucune supériorité sur l’empereur. Voyez l’abrégé de l’histoire d’Allemagne, par M. Pseffel, pag. 286. & suiv. Cependant le pape, pour mettre ses prétendus droits à couvert, ne laisse pas que d’envoyer toûjours un nonce pour assister de sa part à l’élection des empereurs : mais ce ministre n’y est regardé que sur le même pié que ceux des puissances de l’Europe, qui ne sont pour rien dans l’affaire de l’élection. Charles-Quint est le dernier empereur qui ait été couronné en Italie par le pape. L’empereur, avant & après son couronnement, se qualifie d’élû empereur des Romains, pour faire voir qu’il ne doit point sa dignité à cette cérémonie, mais aux suffrages des électeurs.

L’empereur est bien éloigné de pouvoir exercer une autorité arbitraire & illimitée dans l’Empire, il n’est pas en droit d’y faire des lois : mais le pouvoir législatif réside dans tout l’Empire dont il n’est que le représentant, & au nom duquel il exerce les droits de la souveraineté, jura majestatica ; cependant pour qu’une résolution de l’Empire ait force de loi, il faut que le consentement de l’empereur y mette le sceau. Voyez Diete. L’empereur comme tel n’a aucun domaine ni revenu fixes ; & le casuel, qui consiste en quelques contributions gratuites, est très-peu de chose. L’empereur ne peut point créer de nouveaux électeurs, ni de nouveaux états de l’Empire ; il n’a point le droit de priver aucun des états de ses prérogatives, ni de disposer d’aucun des fiefs de l’Empire sans le consentement de tous les autres états. Les états ne payent aucun tribut à l’empereur ; dans le cas d’une guerre qui intéresse tout l’Empire & qui a été entreprise de son aveu, on lui accorde les sommes nécessaires : c’est ce qu’on appelle mois romains. L’empereur comme tel ne peut faire ni guerre, ni paix, ni contracter aucune alliance, sans le consentement de l’Empire : d’où l’on voit que l’autorité d’un empereur est très petite. Cependant quand ils ont eu en propre de vastes états patrimoniaux qui leur mettoient la force en main, ils ont souvent méprisé les lois qu’ils avoient juré d’observer : mais ces exemples sont de fait, & non pas de droit.

Les droits particuliers de l’empereur se nomment