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un lieu où s’assemblent des hommes choisis pour leur savoir & leur expérience, pour concourir ensemble au progrès des Sciences & des Arts (voyez Académie) ; au lieu qu’une école est le lieu où s’enseignent ces mêmes sciences & ces mêmes arts, par des hommes reconnus capables chacun en son genre. C’est ainsi qu’en 1740, fut établie celle de M. Blondel, rue des Cordeliers, à-présent rue de la Harpe à Paris ; établissement qui fut approuvé le 6 Mai 1743, par l’académie royale d’Architecture, & autorisé par le ministere en 1750.

L’étude de l’Architecture étant l’objet principal de cette école, M. Blondel y enseigne tout ce qui regarde l’art de bâtir relativement à la théorie & à la pratique, & de plus, toutes les parties des arts & des sciences qui ont rapport à l’Architecture. Il fait choix des professeurs les plus habiles, pour montrer les mathématiques, la coupe des pierres, la perspective, le dessein, tant pour la figure, que pour le paysage & l’ornement ; de sorte que chaque éleve intelligent peut marcher à pas égal, de la connoissance des Sciences à celle des beaux Arts, de la partie du goût à celle des principes élémentaires, & de la spéculation à l’expérience.

Par ce moyen, ceux qui se destinent en entrant dans cette école à un genre particulier, se trouvent munis, lorsqu’ils en sortent, des connoissances générales des autres parties ; connoissances qui leur assûrent de plus grands succès dans la profession qu’ils ont choisie.

Quant à la méthode que l’on suit dans les leçons d’Architecture, l’on commence par développer les élémens de l’art ; puis on les fait appliquer à des compositions faciles, qui excitent à de plus grands efforts dans la théorie ; & lorsque les éleves sont en état de découvrir, par l’aspect de nos monumens, la source des beautés ou des licences qu’on y remarque, ils travaillent à des productions plus importantes, qu’on leur facilite en les aidant des meilleures leçons, de démonstrations convaincantes, & de manuscrits ; par-là on leur applanit les difficultés qu’entraîne la nécessité de concilier la construction, la distribution, & la décoration, & qui se rencontrent infailliblement, lorsqu’on veut marcher avec sûreté dans la carriere d’un art si vaste & si étendu. Après être entré dans la discussion des opinions des anciens & des modernes, chacun des éleves est envoyé pendant la belle saison dans les bâtimens que l’on construit dans les différens quartiers de cette capitale, pour qu’il acquerre les connoissances de pratique, la partie du détail, & l’œconomie du bâtiment.

Pour approcher de plus en plus leurs études du point de perfection où l’on voudroit les porter ; au retour des atteliers, ils concourent tour-à-tour plusieurs ensemble, à qui remplira le mieux divers programmes qui leur sont donnés ; les uns pour l’architecture, les autres pour les mathématiques ; ceux-ci pour le dessein, ceux-là pour la coupe des pierres ; & on décerne un prix à ceux qui ont réussi avec le plus de succès dans chaque genre. Ce prix consiste en une médaille, qui leur est distribuée en présence de nombre d’amateurs, d’académiciens, & d’artistes du premier ordre, lesquels se font un plaisir de seconder l’émulation qu’on voit regner dans cette école, en décidant du mérite des ouvrages qui ont concouru, & en adjugeant eux-mêmes les prix qui sont distribués en leur présence, & d’après leur suffrage.

Un établissement si intéressant a paru encore insuffisant à son auteur. Pour le rendre plus utile, & les connoissances de l’Architecture plus universelles, il a fondé dans cette école douze places gratuites pour autant de jeunes citoyens qui, favorisés de la nature plus que de la fortune, annoncent d’heureuses dispositions, & des talens décidés pour for-

mer des sujets à l’état ; & il a ouvert plusieurs cours

publics, qu’il donne régulierement ; & pour que ses leçons devinssent utiles à tous, il a envisagé cet art sous trois points de vûe, savoir les élémens, la théorie, & la pratique ; & en conséquence tous les jeudis & samedis de chaque semaine, depuis trois heures après midi jusqu’à cinq, il donne un cours élémentaire d’Architecture spéculative, composé de quarante leçons, destinées pour les personnes du premier ordre, qui ont nécessairement besoin de faire entrer les connoissances de cet art dans le plan de leur éducation. Après ces quarante leçons, ils sont conduits par l’auteur dans les édifices de réputation, pour apprendre à discerner l’excellent, le bon, le médiocre, & le défectueux. Ce cours est renouvellé successivement, & il est toûjours ouvert par un discours, qui a pour objet quelque dissertation importante sur l’Architecture, ou sur les Arts en général.

Tous les dimanches de l’année, après midi & à la même heure, il donne un cours de théorie sur l’Architecture, dans lequel il explique & démontre avec soin, & dicte avec une sorte d’étendue les principes fondamentaux de l’art à l’usage des jeunes architectes, peintres, sculpteurs, graveurs, décorateurs, & généralement de tous les entrepreneurs de bâtimens, qui étant fort occupés pendant toute la semaine dans leurs atteliers, se trouveroient privés de ces leçons utiles, s’ils ne pouvoient les prendre le jour de leur loisir.

Enfin tous les dimanches matin, il donne un cours de Géométrie pratique, de principes d’Architecture & de dessein, aux artisans, qui reçoivent tous les leçons dont ils ont besoin relativement à leur profession, soit pour la Maçonnerie, la Charpenterie, la Serrurerie, la Menuiserie, &c.

Ces différens exercices sont aussi ouverts en faveur de ceux qui ont besoin du dessein en particulier ; tels que les Horlogers, Ciseleurs, Fondeurs, Orfévres, &c. qui y trouvent les instructions convenables & nécessaires pour perfectionner leur goût & leurs talens. (P)

Ecole, (Peint.) ce terme est ordinairement employé pour signifier la classe, ou la suite des Peintres qui se sont rendus célebres dans un pays, & en ont suivi le goût ; cependant on se sert aussi quelquefois du mot d’école, pour désigner les éleves d’un grand peintre, ou ceux qui ont travaillé dans sa maniere : c’est pourquoi on dit dans ce dernier sens, l’école de Raphael, des Carraches, de Rubens, &c. Mais en prenant le mot d’école dans sa signification la plus étendue, on compte huit écoles en Europe ; savoir, l’école romaine, l’école florentine, l’école lombarde, l’école vénitienne, l’école allemande, l’école flamande, l’école hollandoise, & l’école françoise.

Rassemblons sous chacune les principaux artistes qu’elles ont produit ; leur histoire tient à celle de l’art même, & n’en peut être détachée. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Ecole Allemande, (Peint.) les ouvrages de cette école se caractérisent à une représentation fidele de la nature, telle qu’on la voit avec ses défauts. & non comme elle pourroit être dans sa pureté. Il semble de-là que les peintures de l’école allemande ne doivent pas différer de celles des Hollandois & des Flamands, à qui l’on reproche également de représenter la nature sans l’annoblir ; cependant il regne encore à cet égard une grande distance pour le mérite entre les ouvrages des uns & des autres. Les scenes champêtres, les fêtes de village, les bambochades, & autres petits sujets de ce genre, traités par les peintres allemands, n’ont point généralement cette touche, cette expression, cette élégance, cet esprit, ce caractere de vérité, cette naïveté pleine de charmes, enfin ce fini précieux, qu’on trouve dans les ouvra-