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vitables font décroître la grandeur des vibrations ; comme de plus l’échappement ne peut être parfaitement juste, & qu’il se fait toûjours un peu de chûte sur les palettes, quand le balancier commence à réagir, les Horlogers diminuent le levier par lequel la roue opere quand elle vient d’échapper : ce qu’ils ne peuvent faire sans augmenter celui qui se forme à la fin de la réaction. Ces deux leviers deviennent à très-peu près égaux, quand la montre a marché pendant un certain tems, le branle allant toûjours en diminuant.

L’expérience a encore montré aux Horlogers que le régulateur des montres doit avoir avec la force motrice un certain rapport, sans lequel ou il n’est pas assez puissant pour corriger les variations de cette force, ou il lui apporte une trop grande résistance à surmonter, ce qui rend la montre sujette à s’arrêter. La méthode que la pratique a enseignée pour donner au régulateur une puissance également éloignée de l’un & l’autre inconvénient, c’est de faire marcher les montres sans ressort spiral, comme elles le faisoient avant l’invention de ce ressort, & de donner au balancier une masse telle, que sa résistance laisse parcourir à l’aiguille sur le cadran 27 minutes par heure, & que le ressort spiral étant ajoûté, accélere dans un même tems d’une heure le mouvement de cette aiguille de 33 minutes. Il est bon de remarquer cependant que ce nombre de 27 minutes que doit aller une montre par heure sans ressort spiral, est conditionnel à la bonté de la montre ; car ces différentes imperfections du roüage rendant la force motrice, tantôt plus grande, tantôt plus petite, obligent de faire aller les montres médiocres plus de 27, comme 28 & même 30, pendant qu’on peut ne faire aller que 26, & même moins, celles qui sont très bien faites.

Ayant apporté tous ses soins pour la disposition de l’échappement ordinaire, on y reconnoît trois propriétés considérables, la simplicité, la facilité d’exécution, & le peu de frottement qui se rencontre dans toutes les parties qui le composent. Il est fâcheux qu’avec tous ces avantages il ne puisse procurer une compensation suffisante des inégalités du roüage ; inconvénient qui vient de ce que les montres, comme nous venons de le dire, vont 27 minutes par heure sans le secours du ressort spiral & par la seule puissance de la force motrice. En doublant la force motrice d’une montre, on la fait avancer d’environ une heure en 24.

L’échappement à verge a encore plusieurs défauts. Le pivot qui porte la roue de rencontre est chargé de toute la pression d’un engrenage, de toute l’action & la réaction des palettes ; réaction d’autant plus grande, qu’elle se passe au-delà de ce pivot. D’ailleurs pour des raisons qu’on rapportera plus bas, on ne peut en faire usage dans les pendules ; c’est pourquoi on leur applique ordinairement ou l’échappement à deux verges, ou celui que l’on doit à la sagacité du docteur Hook.

Un autre échappement à recul qui ne differe réellement que de nom du précédent, c’est l’échappement à piroüette. Voici en peu de mots en quoi il consiste. 1°. Les dents de la derniere roue formées comme celles d’une roue de champ, engrenent dans un pignon fixé sur l’axe du balancier. 2°. L’axe de la derniere roue (dans le cas précédent roue de rencontre), est ici une verge avec des palettes, lesquelles sont alternativement poussées par les dents de la roue de champ formées comme celles d’une roue de rencontre.

Sur ce simple exposé, il est aisé de voir que cet échappement ne differe point du précédent, si ce n’est qu’au lieu de se faire entre la derniere roue & le balancier, il se fait entre la roue de champ & la der-

niere roue, qui par le moyen de son engrenage avec

le pignon du balancier, fait faire à ce régulateur plusieurs tours à chaque vibration.

Le but qu’on se proposa dans cette construction fut de rendre les vibrations du balancier fort lentes comme d’une seconde, en lui laissant toûjours le même mouvement. M. Sulli dit (regle artificielle du tems, page 241.) qu’il a vû de ces sortes de montres qui n’avoient point de ressort spiral, & qui employoient deux secondes de tems dans chaque vibration. Il semble, dit le même auteur, « qu’on ait imaginé cette construction pour mieux imiter les vibrations d’une pendule à seconde, qui étoit alors une invention nouvelle & peu connue. Il se peut, ajoûte-t-il, aussi que les premieres montres à ressort spiral de M. Huyghens, ayant leur échappement de cette maniere, certains artistes antagonistes de cette nouveauté, dont ils ne comprenoient point la propriété, s’imaginerent que ces montres à piroüette devoient leur régularité plûtôt à la lenteur de leurs vibrations qu’à l’application de ce ressort dont ils essayerent de se passer ».

Description de l’échappement du docteur Hook, ou de l’échappement à ancre.

Dans cet échappement, sur l’axe du mouvement du pendule sont deux branches ou bras (fig. 25) qui embrassent une partie du rochet : l’un se terminant par une courbe, dont la convexité est tournée extérieurement ; & l’autre aussi par une courbe dont la concavité est tournée intérieurement. Quand le rochet chasse le premier, le second situé de l’autre côté de l’axe est contraint de s’engager dans les dents qui lui sont correspondantes ; d’où étant bien-tôt chassé, il oblige à son tour l’autre de se représenter à l’action du rochet, &c. C’est ainsi que sont restituées les pertes de mouvement du pendule ; on va le voir plus amplement par le précis de la dissertation de M. Saurin (mémoires de l’acad. ann. 1720.) que nous allons rapporter.

« Tout le monde dit bien en général que c’est le poids moteur qui entretient les vibrations du pendule ; mais comment les entretient-il ? c’est une demande qu’on ne s’est pas même avisé de se faire. L’experience a conduit les Horlogers à donner à l’échappement la construction nécessaire pour cet effet ; cependant il y en a très-peu à qui tout l’art de cette construction soit connu, & qui ne fussent embarrassés du problème que je propose, trouver la raison de la durée des vibrations : il sera résolu par l’exposition que je vais donner.

» La figure 25 représente une roue de rencontre & une ancre avec son pendule dans l’état où ce régulateur est en repos. Il est alors vertical & l’ancre horisontal ; c’est-à-dire qu’une droite AA qui joindroit les deux extrémités des faces de l’échappement, seroit perpendiculaire à la verticale CB. D’un côté, une dent de la roue s’appuie sur le point B de l’une des courbes, dont une partie AB est engagée dans la dent ; de l’autre, une même partie AB s’avance entre deux dents, & est éloignée de l’une & de l’autre à peu-près de la même quantité.

» Le poids moteur étant remonté, il s’en faut de beaucoup qu’il ait par lui-même la force de mettre le pendule en mouvement. Pour l’y mettre, il faut l’élever & le lâcher ensuite ; tombant alors par sa propre pesanteur, & accéléré dans sa chûte par la dent H qui par supposition le pousse jusqu’en A, il remonte de l’autre côté. Pour lors la dent N rencontrant l’ancre en F, elle est contrainte de reculer un peu par le mouvement acquis du pendule ; celui-ci retombant de nouveau par l’effort de la pesanteur, est encore accéléré dans sa chûte par la dent qui avoit reculé, & remonte