Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le champ la farine dans l’eau, elle se rassembleroit en une multitude de globules d’une grosseur plus ou moins considérable. Si nous l’y trempions comme le son, pour exprimer ensuite le fluide, il en résulteroit une masse que nous aurions ensuite une peine extrème à diviser ; il faut donc, à mesure que l’on ajoûte le froment en farine, le broyer sec avec les doigts, & le laisser tomber en poudre, après quoi on agite l’eau & on la met devant l’animal, qui s’en abreuve quand il le peut ou quand il le veut.

L’eau miellée forme encore une boisson très-adoucissante ; il ne s’agit que de mettre une plus ou moins forte dose de mies dans l’eau que l’on veut donner à boire au cheval, & de l’y délayer autant qu’il est possible. Il est néanmoins beaucoup de chevaux auxquels elle répugne, & qui n’en boivent point.

Souvent aussi la maladie & le dégoût sont tels, que nous sommes contraints de ne nourrir l’animal qu’en l’abreuvant. Alors nous donnons à la boisson encore plus de consistance, en y faisant cuire ou de la mie de pain, ou de l’orge mondé, ou de la farine d’orge tamisée ; nous passons ensuite ces especes de panades, & nous les donnons au cheval avec la corne.

Du reste nous employons les décoctions, les infusions, les eaux distillées, &c.

Je ne puis rapporter qu’un seul exemple de l’efficacité des eaux minérales données en boisson à l’animal ; mais je suis convaincu qu’elles lui seroient très-salutaires, si on les prescrivoit à-propos, & si on ajoûtoit ce secours à tous ceux que nous avons tirés de la Medecine du corps humain. Il étoit question d’un cheval poussif ; les eaux minérales du Montd’or, très-propres à la cure de l’asthme, le rétablirent entierement.

2°. Les avantages que l’animal retire de l’usage extérieur de l’eau sont sensibles.

On peut dire que ses effets relativement à l’homme & au cheval sont les mêmes. Si l’eau froide excite dans les fibres une véritable constriction, si elle contraint les pores de la peau à se resserrer, c’en est assez pour pénétrer les raisons de la prohibition des bains entiers, eu égard à tout animal en sueur, & pour être instruit du danger éminent qu’il y auroit de le tenir alors le corps plongé dans une riviere. Si en même tems ce fluide doit être envisagé toûjours à raison de sa froideur comme un repercussif, on ne doit point être étonné qu’on le prescrive dans les cas de fourbure, de crampes, d’entorses récentes, &c. & qu’on ordonne de l’employer en forme de bains pédilaves, lorsqu’à la suite d’un certain travail ou de trop de repos, ou d’autres causes quelconques, on veut prévenir ou dissiper l’engorgement des jambes en augmentant la force & la résistance des solides, & en les disposant à résister à l’affluence trop prompte & trop abondante des humeurs sur ces parties.

Ce seroit perdre un tems prétieux, que de rechercher ce que les anciens ont écrit sur cette matiere : quel fruit pourrions-nous en attendre ? d’une part nous verrions Buellius soûtenir gravement que dès les premiers cinq mois on doit mener le poulain à l’eau, & le faire souvent entrer entierement dans la riviere afin de lui enseigner à nager : de l’autre nous ne serions que surpris du ton dogmatique & imposant avec lequel Columelle & Camérarius énoncent tous les principes qu’ils ont affecté de répandre sur ce point ; l’un dans son traité sur les chevaux, chapitre v ; & l’autre dans son hippocom. Abandonnons donc ces auteurs ; les propriétés que nous avons assignées à l’eau froide suffiront pour indiquer les cas où elle nous conduira à la guérison de l’animal.

Je ne conçois pas pourquoi nous bannissons ou nous oublions les bains d’eau chaude. Il est constant

qu’ils ne peuvent que ramollir des fibres roides, tendues, & resserrées par les spasmes ; ils procurent un relâchement dans toute l’habitude du corps ; ils facilitent la circulation, ouvrent les pores, raréfient le sang, facilitent la dilatation du cœur & des arteres, & disposent enfin l’animal aux effets des médicamens qui doivent lui être administrés dans nombre de maladies. Je les ai employés très-souvent ; & les épreuves que j’en ai faites m’ont persuadé que les succès qui suivroient cette pratique, sont tels qu’ils doivent nous faire passer sur les difficultés que nous offrent d’abord l’appareil & les préparations de ces sortes de remedes. Les douches d’eau simple & commune, froide ou chaude, injectée de loin sur l’animal avec une longue & grande seringue, semblable à celle dont les Maréchaux se servent communément pour donner des lavemens, ou versée de haut par le moyen d’une forte éponge que l’on exprime, sont encore d’une ressource admirable dans une multitude d’occasions. Celles d’eau commune dans laquelle on a fait bouillir des plantes qui ont telles & telles qualités selon le genre des maux que l’on doit combattre, ne sont pas d’une moindre utilité ; & personne n’ignore les effets salutaires des fomentations & des bains artificiels résolutifs, astringens, anodins, fortifians, émolliens, &c. suivant les vertus communiquées à l’eau par les plantes médicinales auxquelles on l’associe. Plusieurs se servent de tems en tems du bouillon de tripe ou de l’eau dans laquelle on a lavé la vaisselle, mit harspuolen, pour laver les jambes des chevaux : ces especes de fomentations onctueuses ne sont pas à dédaigner ; elles maintiennent les fibres dans un degré de souplesse qui en facilitent le jeu, & elles préviennent ces retractions fréquentes des tendons qui arquent la jambe, & qui boutent ou boulletent presque tous les chevaux après un certain tems de service.

Les douches d’eaux minérales enfin, les applications des boues ou des sédimens épais de ces mêmes eaux, sont des remedes recommandables. J’ai vû deux chevaux de prix entierement délaissés à la suite d’un effort de reins, auquel on n’avoit pû radicalement remédier, & qui pouvoient à peine traîner leur derriere lorsqu’ils avoient cheminé l’espace d’une demi-lieue ; les douches des eaux d’Aix en Savoie leur rendirent toute leur force & toute leur vigueur.

Chevaux qui craignent l’eau ; chevaux qui s’y couchent. Rien n’est plus incommode que le vice dont sont atteints les premiers, & rien n’est en même tems plus dangereux que le défaut des seconds ; je suggérerai ici en peu de mots les moyens de corriger l’un & l’autre.

Les chevaux qui redoutent l’eau au point de se défendre vivement, lorsqu’on veut les faire entrer dans une riviere, soit pour les abreuver, soit pour les y baigner, ou pour la leur faire guéer dans une route, ne peuvent être la plûpart affectés de terreur que conséquemment au bruit ou à la vivacité de son cours. Il ne s’agiroit que d’y accoûtumer leurs oreilles & leurs yeux prudemment & avec patience : la dureté, les coups, la rigueur, la surprise, sont de vaines armes pour les vaincre ; & l’expérience nous apprend que l’effroi des châtimens est souvent plus préjudiciable, que celui du premier objet appréhendé. Tâchons donc toûjours de leur donner l’habitude de reconnoître & de sentir l’objet qu’ils craignent. Si nous n’imputons leur desobéissance qu’à l’étonnement que leur cause le bruit de l’eau lorsqu’ils en abordent, il est bon de les attacher pendant quelque tems dans le voisinage d’un moulin, insensiblement on les en approche, & enfin on les tient vis-à-vis la roue de ce même moulin, entre deux piliers, régulierement une heure ou deux dans la journée, ayant soin de les flater & de leur don-