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les firent même traduire en espagnol. Ferdinand V roi d’Arragon, & Isabelle de Castille ayant chassé les Sarrasins & les Maures en 1492, depuis ce tems on abandonna le droit gothique ; & les rois d’Espagne se formerent un droit particulier, composé tant de leurs ordonnances que du droit romain & des anciennes coûtumes, ce qui fut appellé droit royal. Quelques auteurs ont révoqué en doute que le droit romain fût le droit commun d’Espagne, y ayant, disent-ils, une loi qui défend sous peine de la vie de le citer. Mais cette loi, qui apparemment avoit été faite par Alaric I. roi des Goths, n’étant plus d’aucune autorité, on ne voit rien qui empêche de regarder le droit romain comme le droit commun. Les lois faites à Madrid en 1502, ordonnent même d’interpreter le droit d’Espagne par le droit romain. On suit les mêmes lois dans la partie des Indes qui appartient aux Espagnols. Voyez las siete partidas del rey D. Alfonso & nono, por Greg. Lopez, imprimé à Madrid en 1611, 3. vol. in-fol. le même con la glossa del dottor Diet de Montalvo, Lyon, 1658, in-fol. Hyeronim. de Coevallos, hispani j. c. speculum opinionum communium. L’Espagne a produit depuis le xvj. siecle un grand nombre d’autres jurisconsultes, dont M. Terrasson fait mention en son histoire de la jurisprudence romaine, p. 432. & suiv. (A)

Droit Étranger, est celui qui est suivi par d’autres nations ; ainsi le droit allemand, le droit espagnol, sont un droit étranger par rapport à la France, de même que le droit françois est étranger par rapport aux autres états. Voy. Droit Allemand, Anglois, Belgique, Espagnol, &c. (A)

Droit Étroit, signifie la lettre de la loi prise dans la plus grande rigueur ; au lieu que dans certains cas où la loi paroît trop dure, on juge des choses selon la bonne foi & l’équité. La loi 90, au ff. de regulis juris, ordonne qu’en toutes affaires, & surtout en jugement, on ait principalement égard à l’équité. La loi 3, au code de judiciis, s’explique encore plus nettement au sujet du droit étroit, auquel elle veut que l’on préfere la justice & l’équité : placuit in omnibus rebus præcipuam esse justitiæ requitatisque, quam stricti juris rationem.

Il y avoit chez les Romains des contrats de bonne foi, & des contrats de droit étroit, stricti juris. Les premiers étoient les actes obligatoires de part & d’autre, & qui à cause de cette obligation réciproque, demandoient plus de bonne foi que les autres, comme la société : les contrats de droit étroit étoient ceux qui n’obligeoient que d’un côté, & dans lesquels on n’étoit tenu que de remplir strictement la convention, tels que le prêt, la stipulation, & les contrats innommés.

Il y avoit aussi plusieurs sortes d’actions, les unes appellées de bonne foi, d’autres arbitraires, d’autres de droit étroit. Les actions de bonne foi étoient celles qui dérivoient de contrats où la clause de bonne foi étoit apposée, au moyen de quoi l’interprétation s’en devoit faire équitablement. Les actions arbitraires dépendoient pour leur estimation de l’arbitrage du juge ; au lieu que dans les actions de droit étroit, du nombre desquelles étoient toutes les actions qui n’étoient ni de bonne foi ni arbitraires, le juge devoit se régler précisément sur la demande du demandeur ; il falloit lui adjuger tout ou rien, comme dans l’action de prêt ; celui qui avoit prêté cent écus les demandoit, il n’y avoit point de plus ni de moins à arbitrer.

En France tous les contrats & les actions sont censés de bonne foi ; il y a néanmoins certaines regles que l’on peut encore regarder comme de droit étroit, telles que les lois pénales, qui ne s’étendent point d’un cas à un autre, & les lois qui gênent la liberté du commerce, telles que celles qui admettent le re-

trait lignager, que l’on doit renfermer dans ses justes

bornes, sans lui donner aucune extension. (A)

Droit Flavien : on donna ce nom, chez les Romains, à un ouvrage de Cnæus Flavien, qui contenoit l’explication des formules & des fastes.

Pour bien entendre quel étoit l’objet de cet ouvrage, il faut observer qu’après la rédaction de la loi des douze tables, Appius Claudius l’un des décemvirs fut chargé par les patriciens & par les pontifes, de rédiger des formules qui servissent à diriger les actions résultantes de la loi. Ces formules étoient fort embarrassantes, elles ressembloient beaucoup à notre procédure, & furent nommées legis actiones.

Outre ces formules il y avoit aussi les fastes, c’est-à-dire un livre dans lequel étoit marquée la destination de tous les jours de l’année, & singulierement de ceux qu’on appelloit dies fasti, dies nefasti, dies intercisi, &c. Il contenoit aussi la liste des fêtes, les cérémonies des sacrifices, les formules des prieres, les lois concernant le culte des dieux, les jeux publics, & les victoires, le tems des semences, de la récolte, des vendanges, & beaucoup d’autres cérémonies & usages.

Les pontifes & les patriciens, qui étoient les dépositaires des formules & des fastes, en faisoient un mystere pour le peuple : mais Cnæus Flavius, qui étoit secrétaire d’Appius, ayant eu par son moyen communication des fastes & des formules, il les rendit publiques ; ce qui fut si agréable au peuple, que Flavius fut fait tribun, sénateur, & édile curule, & que l’on appella son livre le droit civil Flavien ; il en est parlé dans Tite-Live, décad. 1. lib. IX. & au digeste, de origine juris, leg. 2. § 7. (A)

Droit François, signifie les lois, coûtumes, & usages que l’on observe en France.

On distingue ce droit en ancien & nouveau. L’ancien droit est composé des lois antiques, des capitulaires, & anciennes coûtumes. Le droit nouveau est composé d’une partie de l’ancien droit, c’est-à-dire de ce qui en est encore observé ; de partie du droit canonique & civil romain ; des ordonnances, édits, déclarations, & lettres patentes de nos rois ; des coûtumes, des arrêts de reglement, & de la jurisprudence des arrêts ; enfin des usages non écrits, qui ont insensiblement acquis force de loi.

Le plus ancien droit qui ait été observé dans les Gaules, est sans contredit celui des Gaulois, lesquels n’avoient point de lois écrites. M. Argou, en son hist. du droit françois, a touché quelque chose de leurs mœurs comme par simple curiosité, & a paru douter qu’il nous restât encore quelque droit qui vînt immédiatement des Gaulois.

Il est néanmoins certain que nous avons encore plusieurs coûtumes ou usages qui viennent d’eux : tels que la communauté de biens, l’usage des propres & du retrait lignager. César, en ses commentaires de bello gallico, fait mention de la communauté ; Tacite parle du doüaire : le retrait lignager, qui suppose l’usage des propres, vient aussi des Gaulois, comme le remarquent Pithou sur l’article 144 de la coûtume de Troyes. & l’auteur des recherches sur l’origine du droit françois.

Lorsque Jules César eut fait la conquête des Gaules, il ne contraignit point les peuples qu’il avoit soûmis à suivre les lois romaines : mais le mêlange qui se fit des Romains avec les Gaulois, fut cause que ces derniers s’accoûtumerent insensiblement à suivre les lois romaines, lesquelles devinrent enfin la loi municipale des provinces les plus voisines de l’Italie, tellement qu’elles ne conserverent presque rien de leurs anciens usages.

Le premier droit romain observé dans les Gaules, fut le code théodosien avec les institutes de Caïus, les fragmens d’Ulpien, & les sentences de Paul.