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interprete infaillible des Ecritures ni aucun juge des controverses, soûtinrent que chacun pouvoit interpreter & porter son jugement des vérités revélées, en suivant ses propres lumieres assistées de la grace de Dieu ; & c’est ce qu’ils appellent esprit ou jugement particulier. C’étoit lâcher la bride au fanatisme : aussi sans parler des variations innombrables que cette opinion a introduites parmi les prétendus-reformés, elle a donné naissance au Socinianisme & à plusieurs sectes également dangereuses ausquelles les reformés ont fourni des armes dont ils ne peuvent eux-mêmes parer les coups. En effet, de quelle autorité Calvin faisoit-il brûler Servet à Geneve, si l’esprit particulier étoit le seul interprete des Ecritures ? quelle certitude avoit-il de les entendre mieux que cet anti-trinitaire ? Voyez Tolérance.

Les Catholiques au contraire prétendent que les vérités revélées étant unes & les mêmes pour tous les fideles, la regle que Dieu nous a donnée pour en juger doit nous les représenter d’une maniere uniforme, ce qui ne se peut faire que par la voie d’autorité qui réside dans l’Église ; au lieu que l’esprit particulier sur le même point de doctrine inspire Luther d’une façon, & Calvin d’une autre. Il divise Œcolampade, Bucer, Osiandre, &c. & la doctrine qu’il découvre aux partisans de la confession d’Augsbourg, est diamétralement opposée à celle qu’il enseigne aux Anabaptistes, aux Mennonites, &c. sur le même passage de l’écriture. C’est un argument ad hominem auquel les protestans n’ont jamais répondu rien de solide. (G)

Esprit, (Saint-) Ordre du Saint-Esprit, (Hist. mod.) est un ordre militaire établi en France sous le nom d’ordre & milice du Saint-Esprit, le 31 Décembre 1578, par Henri III. en mémoire de trois grands évenemens arrivés le jour de la Pentecôte & qui le touchoient personnellement ; savoir sa naissance, son élection à la couronne de Pologne, & son avenement à celle de France. L’ordre du Saint-Esprit doit n’être composé que de cent chevaliers, qui sont obligés pour y être admis de faire preuve de trois races.

Le roi est grand-maître de cet ordre, & prête en cette qualité serment le jour de son sacre, de maintenir toûjours l’ordre du Saint-Esprit ; de ne point souffrir, autant qu’il sera en son pouvoir, qu’il tombe, ou diminue, ou qu’il reçoive la moindre altération dans aucun de ses principaux statuts.

Tous les chevaliers portoient autrefois une croix d’or au cou, pendant à un ruban de couleur bleu céleste : maintenant elle est attachée sur la hanche au bas d’un large cordon bleu en baudrier. Tous les officiers & commandeurs portent toûjours la croix cousue sur le côté gauche de leurs manteaux, robes, & autres habillemens de dessus.

Avant que de recevoir l’ordre du S. Esprit, ils reçoivent celui de S. Michel ; ce qui fait que leurs armes sont entourées de deux colliers ; l’un de S. Michel, composé d’SS & de coquilles entrelacées ; l’autre du S. Esprit, qui est formé de fleurs-de-lis d’or, d’où naissent des flammes & des bouillons de feu, & d’HH couronnées avec des festons & des trophées d’armes.

Parmi les chevaliers sont compris neuf prélats, qui sont cardinaux, archevêques, évêques, ou abbés, du nombre desquels est toûjours le grand-aumônier, & ils sont nommés commandeurs de l’ordre du Saint-Esprit. Henri III. avoit aussi projetté d’attribuer à chacun des chevaliers des commanderies ; mais son dessein n’ayant pas eu d’exécution, il assigna à chacun d’eux une pension de mille écus d’or, réduite depuis à 3000 liv. qui sont payées sur le produit du droit du marc d’or affecté à l’ordre. (G)

Esprit, (Saint-) Ordre du Saint-Esprit du droit Desir, (Hist. mod.) ordre de chevalerie in-

stitué à Naples dans le château de l’Œuf en 1352, par Louis d’Anjou dit de Tarente, prince du sang de France, roi de Jérusalem & de Sicile, & époux de Jeanne Ire reine de Naples. Les constitutions de cet ordre étoient en vingt-cinq chapitres, dont voici le préambule dans le style de ce tems-là : « Nous Loys, par la grace de Dieu roi de Jérusalem & de Sicile, allonneur du Saint-Esprit ; lequel jour par la grace nous fumes couronnés de nos royaumes, en essaucement de chevalerie & accroissement d’onneur, avons ordonné de faire une compagnie de chevaliers qui seront appellés les chevaliers du Saint-Esprit du droit desir, & les dits chevaliers seront au nombre de trois cents, desquels nous, comme trouveur & fondeur de cette compagnie, serons princeps, & aussi doivent être tous nos successeurs, rois de Jérusalem & de Sicile, &c. »

Mais la mort de ce prince sans laisser d’enfans, & les révolutions qui la suivirent, firent périr cet ordre presque dès sa naissance. On ne sait comment les constitutions en tomberent entre les mains de la république de Venise, qui en fit présent à Henri III. lorsqu’il s’en retournoit de Pologne en France. On dit que ce prince en tira l’idée & les statuts de l’ordre, qu’il institua ensuite sous le nom du Saint-Esprit ; & que pour ne pas perdre le mérite de l’invention, il remit ces constitutions du roi Louis d’Anjou au sieur de Chiverni, avec ordre de les brûler ; ce que celui-ci ayant cru pouvoir négliger sans préjudice de l’obéissance dûe à son souverain, elles se sont conservées dans sa famille, d’où elles avoient passé dans le cabinet du président de Maisons, & M. le Laboureur les a données au public dans ses additions aux mémoires de Castelnau. Mais en comparant ces statuts avec ceux qu’Henri III. fit dresser pour son nouvel ordre du Saint-Esprit, on n’y trouve aucune conformité qui prouve que ceux-ci soient une copie des premiers. (G)

Esprit, (Saint-) terme de Blason : Croix du Saint-Esprit, est une croix d’or à huit raies émaillées, chaque rayon pommeté d’or, une fleur-de-lis dans chacun des angles de la croix, & dans le milieu un Saint-Esprit ou colombe d’argent d’un côté, & de l’autre un Saint-Michel. La croix des prélats-commandeurs porte la colombe des deux côtés ; parce qu’ils n’ont que l’ordre du Saint-Esprit, & non celui de Saint-Michel. (G)

Esprit, (Philos. & Belles-Lettr.) ce mot, en tant qu’il signifie une qualité de l’ame, est un de ces termes vagues, auxquels tous ceux qui les prononcent attachent presque toûjours des sens différens. Il exprime autre chose que jugement, génie, goût, talent, pénétration, étendue, grace, finesse ; & il doit tenir de tous ces mérites : on pourroit le définir, raison ingénieuse.

C’est un mot générique qui a toûjours besoin d’un autre mot qui le détermine ; & quand on dit, voilà un ouvrage plein d’esprit, un homme qui a de l’esprit, on a grande raison de demander duquel. L’esprit sublime de Corneille n’est ni l’esprit exact de Boileau, ni l’esprit naïf de Lafontaine ; & l’esprit de la Bruyere, qui est l’art de peindre singulierement, n’est point celui de Malebranche, qui est de l’imagination avec de la profondeur.

Quand on dit qu’un homme a un esprit judicieux, on entend moins qu’il a ce qu’on appelle de l’esprit, qu’une raison épurée. Un esprit ferme, mâle, courageux, grand, petit, foible, leger, doux, emporté, &c. signifie le caractere & la trempe de l’ame, & n’a point de rapport à ce qu’on entend dans la société par cette expression, avoir de l’esprit.

L’esprit, dans l’acception ordinaire de ce mot, tient beaucoup du bel-esprit, & cependant ne signifie pas précisément la même chose : car jamais ce terme