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code que l’on tira, tant des trois autres codes qui avoient été faits avant lui, que des novelles de Théodose & de ses successeurs ; il confia l’exécution de ce projet à Tribonien qui avoit été questeur & consul, & lui associa neuf autres jurisconsultes nommés Jean, Leontius, Phocas, Basilides, Thomas, Constantin le thrésorier, Theophile, Dioscore, & Prœsentinus.

Cette premiere édition du code parut au mois d’Avril 529 : l’année suivante, Justinien fit une ordonnance adressée à Tribonien, qu’il chargea de rassembler de même en un seul corps d’ouvrage les plus belles décisions qui étoient répandues dans les ouvrages des anciens jurisconsultes ; d’en faire une collection & compilation distribuée suivant l’ordre de l’édit perpétuel, ou suivant celui du code qui avoit été publié l’année précédente ; de diviser cette collection en cinquante livres, & chaque livre en plusieurs titres : il y avoit, comme on l’a déjà dit, plus de deux mille volumes, & plus de trois cents mille vers, outre le choix qu’il avoit à faire, il falloit concilier les différentes opinions des Sabiniens & des Proculeiens, c’est pourquoi Justinien permit à Tribonien de se choisir quelques-uns de ceux qui excelloient alors dans la science du droit pour l’aider dans ce travail ; il ordonna que cette nouvelle compilation seroit appellée digeste ou pandectes.

Le terme de digeste n’étoit pas nouveau ; plusieurs jurisconsultes avoient déjà mis ce titre à leurs ouvrages ; il y avoit dès-lors les digestes de Julien, ceux d’Alphenus Varus, de Juventius, Celsus, Dulpius, Marcellus, de Cerbidius Scévola, & de plusieurs autres. On appelloit digestes tous les livres qui renfermoient des matieres de droit digérées, & mises par ordre quasi digestæ.

A l’égard du nom de pandectes, que Justinien donna aussi à cette compilation, ce terme est dérivé du grec & composé de πᾶν, qui signifie omne, & de δέχομαι, complector ; de sorte que pandectes signifie un recueil qui comprend tout. Ce nom de pandectes n’étoit pas non plus nouveau. Gellius rapporte (liv. XIII. de ses nuits attiques, cap. jx.) que Tullius Tiro, éleve de Cicéron, avoit composé certains livres qu’il intitula en grec pandectæ, comme contenant un précis de toutes sortes de choses & de sciences. Et Pline en sa préface de son histoire naturelle, dit que ce titre avoit paru à quelques-uns trop fastueux. Ulpien, Modestinus, & autres, intitulerent aussi quelques-uns de leurs ouvrages pandectes.

Justinien ordonna aussi que les mots seroient écrits tout au long dans le digeste, & défendit d’y employer les notes & abbréviations qui avoient jetté tant de doutes & d’obscurités dans les livres des anciens jurisconsultes. Enfin il défendit à tous jurisconsultes de faire des commentaires sur le digeste, pour ne pas retomber dans la même confusion où l’on étoit auparavant ; il permit seulement de faire des paratitles ou sommaires du digeste.

Tribonien s’associa seize jurisconsultes, du nombre desquels furent la plûpart de ceux qui avoient été employés à la compilation du code. Ces seize jurisconsultes sont les deux Constantins, Théophile, Dorothée, Anatolius, Cratinus, Estienne, Menna, Prosdocius, Eutolmius, Timothée, Léonides, Léontius, Platon, Jacques, & Jean.

Le digeste fut parfait en moins de trois années, ayant été publié le 17 des calendes de Janvier 533.

Justinien loue Tribonien & ses collégues de leur diligence, & parle du digeste comme d’un ouvrage dont il n’espéroit pas de voir la fin avant dix années ; ce qui apparemment a fait croire à quelques modernes que Justinien avoit donné dix ans à Tribonien pour travailler à cet ouvrage, quoique le tems ne fût point fixé ; quelques-uns ont même pris

de-là occasion d’accuser Tribonien & ses collegues de précipitation ; mais trois années étoient bien suffisantes à dix-sept jurisconsultes des plus habiles, pour faire une simple compilation.

Il faut encore observer par rapport à la compilation du digeste.

1°. Que l’on n’y a fait entrer des fragmens des livres des jurisconsultes, que de ceux qui avoient eu permission de répondre publiquement sur le droit, & que les ouvrages des autres jurisconsultes furent totalement laissés à l’écart. Mais on ne se servit pas seulement des écrits de ceux qui avoient été autorisés par Valentinien III. on y a fait aussi entrer des fragmens de plusieurs autres qui avoient été approuvés, pour répondre sur le droit.

2°. Que les rédacteurs du digeste ont évité avec soin toutes les contradictions des Sabiniens & des Proculéïens, & autres jurisconsultes.

3°. Quoique les notes d’Ulpien, de Paulus, & de Marcien, sur les ouvrages de Papinien, n’eussent point la même autorité que leurs autres ouvrages, à cause de la haute considération que l’on avoit pour Papinien ; cependant Justinien permit aux rédacteurs du digeste d’en prendre ce qui seroit nécessaire : & la prérogative que Valentinien III. avoit accordé à Papinien, que son avis prévaloit sur celui des autres, étant en nombre égal, n’a plus lieu dans le digeste, soit parce que l’on n’y a point admis de diverses opinions, soit parce que tout ce qui y est compris ayant été adopté par Justinien, est censé émané de lui, & a la même autorité.

Enfin il fut permis aux rédacteurs de corriger & de réformer ce qu’ils jugeroient à-propos dans les écrits des jurisconsultes ; comme ils le firent en effet en plusieurs endroits, où il s’agissoit de concilier l’ancien droit avec le nouveau.

Le digeste, quoique fait à Constantinople, a été rédigé en latin tel que nous l’avons. Dans la suite, l’empereur Phocas le fit traduire en grec par Thalæleus ; Haloander dit avoir vû cette traduction manuscrite, mais elle n’a point encore été publiée.

A l’égard de l’ordre que Tribonien a suivi dans l’arrangement du digeste, on conçoit assez celui des livres & des titres, quoiqu’il eût été facile d’en faire un meilleur ; mais pour ce qui est des lois qui sont placées sous chaque titre, il semble qu’elles ayent été jettées toutes à la fois sans aucun choix ni arrangement : en effet elles n’ont nulle liaison entr’elles ; celle qui précéde devroit souvent être la derniere, & plusieurs conviendroient beaucoup mieux sous d’autres titres.

Il y a deux divisions différentes du digeste, qui sont l’une & l’autre de Justinien.

La premiere est en cinquante livres, & chaque livre contient plusieurs titres, qui sont divisés en plusieurs lois. On a mis en tête de chaque loi le nom du jurisconsulte, & de l’ouvrage dont elle a été tirée, afin que le nom de tous ces savans personnages ne demeurât point dans l’oubli. Les lois sont la plûpart divisées en plusieurs parties ; la premiere appellée principium, & les autres nommées paragraphes.

Le premier livre composé de vingt-deux titres, dont le premier est de justitiâ & jure, traite de la justice en général du droit & de ses différentes parties ; de la division des personnes & de celle des choses ; des sénateurs, & autres magistrats ; de leurs délégués & assesseurs.

Le second livre divisé en quinze titres, traite du pouvoir des magistrats, & de leur jurisdiction ; de la maniere de traduire quelqu’un en jugement ; des conventions & transactions.

Dans le troisieme livre, qui ne contient que six titres, on explique ceux qui peuvent postuler ; on traite des infames qui sont exclus de cette fonction ;