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re dans un lieu entouré de murs : alors ils arrosent ce sable pour le laver, ils le vannent, & enfin ils cherchent les diamans comme on le fait dans la mine de Coulour.

On ne connoît presque que le nom d’une riviere de l’île de Borneo, où on trouve des diamans : elle est appellée Succadan ; on sait seulement que les endroits de cette riviere où est la mine de diamans, sont plus avancés dans les terres que Sambas & Succadana, qui sont les lieux où les habitans du pays apportent les diamans pour les vendre. Ces habitans sont féroces & cruels ; les Portugais n’ont jamais pû établir un commerce stable & assûré avec eux : d’ailleurs les souverains du pays ne veulent pas laisser sortir les diamans de chez eux ; ceux que l’on en tire sont vendus en fraude par les ouvriers, qui les volent dans la mine malgré toute la vigilance des surveillans. Tavernier, voyage des Ind. liv. II. ch. xvij. Voyez le dictionn. du Comm. au mot Diamant.

On a trouvé au Bresil dans ce siecle des diamans & d’autres pierres précieuses, comme des rubis, des topases, des péridots, &c. Ces pierres du Bresil sont belles ; on les vend assez cher ; mais on craint qu’elles ne baissent de prix, parce que la mine est fort abondante.

Le diamant au sortir de la mine est revêtu d’une croûte obscure & grossiere, qui laisse à peine appercevoir quelque transparence dans l’intérieur de la pierre ; de sorte que les meilleurs connoisseurs ne peuvent pas juger de sa valeur : ainsi encrouté, on l’appelle diamant brut. Dans cet état il a naturellement une figure déterminée comme le crystal de Spath. Mais cette figure n’est pas la même dans tous les diamans, & nous avons peu de descriptions satisfaisantes sur ce sujet. M. Wallérius, dans sa minéralogie, distingue quatre especes de diamans, qu’il caractérise par la figure. 1°. Le diamant octahedre en pointe ; sa figure ne differe de celle du crystal exagone, qu’en ce qu’il est terminé en pointe à huit côtés. 2°. Les diamans plats : ceux-ci ne sont pas terminés en pointe ; au contraire, ils sont absolument plats ; il y en a de différentes figures & de différentes épaisseurs. 3°. Le diamant cubique : il paroît être composé de plusieurs cubes ; il s’en trouve qui sont sphériques, quoiqu’on y distingue des cubes brillans. La quatrieme espece ne mérite en aucune façon le nom de diamant, parce que ce n’est que du crystal ; de même que les pierres qui passent sous le nom de diamans d’Alençon, de diamans de Canada, &c. ce ne sont que de faux diamans.

La premiere opération de la taille du diamant, est celle par laquelle on le décroûte : mais cette matiere est si dure, que l’on n’en connoît aucune autre qui puisse la diviser par le frottement, c’est-à-dire en terme d’art, qui puisse mordre dessus ; en effet lorsqu’on frotte un diamant avec la meilleure lime, on use la lime, tandis que le diamant reste dans son entier ; la poussiere du grès, du caillou, du crystal, &c. est réduite sous le diamant en poudre impalpable sans y laisser la moindre impression : il a donc fallu opposer le diamant au diamant même pour le travailler. On les frotte les uns contre les autres pour les user, c’est ce qu’on appelle égriser les diamans. On les mastique chacun au bout d’un petit bâton en forme de manche, que l’on peut aisément tenir à la main pour les frotter avec plus de facilité ; par ce moyen les diamans mordent l’un sur l’autre, & il s’en détache une poussiere que l’on reçoit dans une petite boîte nommée égrisoir ; cette poussiere sert ensuite à les tailler & à les polir. Pour leur donner le poli, il faut suivre le fil de la pierre, sans cette précaution on n’y réussiroit pas, au contraire le diamant s’échaufferoit sans prendre aucun poli, comme il arrive dans ceux qui n’ont pas le fil dirigé uniformément : on les ap-

pelle diamans de nature : les Diamantaires les comparent

à des nœuds de bois, dont les fibres sont pélotonnées de façon qu’elles se croisent en différens sens.

Lorsque le diamant est décroûté, on peut juger de sa transparence & de sa netteté. Dans le commerce on entend par eau, la transparence du diamant. Un diamant d’une eau seche & d’une eau crystalline, est un diamant d’une belle transparence. Les défauts qui se trouvent dans la netteté des diamans, sont les couleurs sales & noirâtres, les glaces, les points rouges ou noirs, les filandres, les veines. On a exprimé les défauts par différens noms, comme tables, dragoneaux, jardinages, &c. en général ils ne viennent que de deux causes ; savoir, des matieres étrangeres qui sont incrustées dans le diamant, de-là les points, les filandres, les veines, &c. la seconde cause est le vuide qui est dans les félures qui arrivent au diamant lorsqu’on le tire de la mine, parce que les mineurs cassent les rochers à coups de masse, le coup retombant sur les diamans qui touchent par hasard au morceau de roche, les étonne, c’est-à-dire les fele. Les deux principales qualités du diamant sont la transparence & la netteté ; mais il y en a une troisieme, qui n’est pas moins essentielle à la beauté de la pierre, & qui dépend naturellement des deux premieres, mais qui a besoin du secours de l’art pour être perfectionnée ; c’est l’éclat & la vivacité des reflets.

Un diamant d’une eau pure & nette doit avoir des reflets vifs & éclatans, si la pierre est taillée dans de justes proportions. Il y a différentes façons de tailler le diamant & les autres pierres précieuses. Voyez à l’article Pierre précieuse, la description de cet art, & du moulin dont on se sert. Nous renvoyons cette matiere à cet article, parce que la manœuvre & les instrumens sont communs pour toutes les pierres précieuses. La taille qui produit le plus grand effet, est la taille en brillant : pour l’exécuter, on forme trente-trois faces de différentes figures, & inclinées sous différens angles, sur le dessus de la pierre, c’est-à-dire sur la partie qui est hors de l’œuvre : on fait vingt-cinq autres faces sur la partie qui est dans l’œuvre, aussi de différentes figures & inclinées différemment, de sorte que les faces du dessus correspondent à celles du dessous dans des proportions assez justes pour multiplier les reflexions, & pour donner en même tems quelque apparence de réfraction à certains aspects ; c’est par cette méchanique que l’on donne des reflets au diamant, & des rayons de feu qui sont une apparence de réfraction dans laquelle on voit en petit les couleurs du spectre solaire, c’est-à-dire du rouge, du jaune, du bleu, du pourpre, &c. Peut-être y auroit-il moyen par des expériences réitérées de perfectionner la taille des brillans ; mais pour cela il faudroit avoir des pierres d’une très-grande étendue, & risquer de les gâter ; car on est toûjours obligé de faire un grand nombre de tentatives avant que d’arriver au but que l’on s’est proposé.

La couleur du diamant varie à l’infini : on en trouve de toutes les couleurs & de toutes les nuances de couleur. Je ne sai cependant pas, quoi qu’en disent nos Jouailliers, si on a jamais vû des diamans d’un aussi beau rouge, d’un aussi beau pourpre que le rubis, d’un aussi bel orangé que l’hyacinthe, d’un aussi beau verd que l’émeraude, d’un aussi beau bleu que le saphir, &c. Le diamant verd, lorsque la couleur est d’une bonne teinte, est le plus rare ; il est aussi le plus cher. Le diamant couleur de rose & le bleu sont très-estimés, même le jaune. Les diamans roux ou noirâtres ne sont que trop communs ; ces couleurs passent pour un défaut qui en diminue beaucoup le prix ; en effet elles offusquent la pierre.