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cas, on s’en tient à ce qui est attesté par le plus grand nombre de dépositions, à moins que les autres ne méritassent plus de foi.

Une déposition qui est seule sur un fait, ne forme point une preuve complete, il en faut au moins deux qui soient valables. Voyez cod. lib. IV. tit, xx. 1. l. & aux mots Enquêtes, Informations, Témoins. (A)

Déposition, (Jurispr.) est la destitution d’une dignité ou d’un office ecclésiastique, qui se fait juridiquement contre celui qui en étoit revêtu. On peut déposer un évêque, un abbé, un prieur, un official, un promoteur, &c. mais il faut pour cela qu’il y ait des causes graves. On ne dépose point un simple prêtre, mais on le dégrade.

La déposition differe de la dégradation, en ce qu’elle ôte tout-à-la-fois les marques extérieures du caractere, & la dignité ou l’office ; au lieu que la dégradation proprement dite, n’ôte à l’ecclésiastique que les marques extérieures de son caractere.

La déposition differe aussi de la suspense, en ce que celle-ci n’est que pour un tems, & suspend seulement les fonctions ; au lieu que la déposition prive absolument l’ecclésiastique de toute dignité ou office. Voyez ci-devant Dégradation, & Evêques. (A)

DÉPOSSEDÉ, adj. (Jurisp.) est celui auquel on a enlevé la possession de quelque chose.

C’est une maxime fondamentale en cette matiere, que spoliatus ante omnia restituendus est ; ce qui s’entend de celui qui a été dépossédé injustement & par voie de fait. Voyez au decret de Gratien, le titre de restitut. spoliat. 2. quest. 2. & 3. quest. 1. & 2. extra 2. 23. insexto 2. & 5. j. l. 3. 10. ff. de regul. jur. l. 131. & 150. & aux mots Complainte, Possession, Récréance, Réintégrande. (A)

DÉPOSITO, (Comm.) Donner ou prendre à déposito, signifie donner ou prendre à intérêt. Ce terme a passé d’Italie en France, & n’est d’usage en ce sens qu’en quelques lieux de Provence & de Dauphiné. Voyez Intérêt, Dictionnaires de Commerce, de Trév. & de Chambers. (G)

DÉPOST, s. m. (Jurisprud.) est un contrat par lequel on donne une chose à garder gratuitement, à condition qu’elle sera rendue en nature dès le moment que celui qui a fait le dépôt la redemandera, ou qu’elle sera rendue aux personnes & dans le tems qu’il aura indiqué.

Le dépôt se prend aussi quelquefois pour la chose même qui est déposée.

Ce contrat est du droit des gens. & par conséquent fort ancien, & la foi du depôt a toûjours été sacrée chez toutes les nations : aussi les Romains le mettoient-ils dans la classe des contrats de bonne foi, & étoient si jaloux de la fidélité du dépôt, qu’ils vouloient qu’on le rendît à celui qui l’avoit fait, sans aucun examen, quand même on reconnoîtroit que c’étoit une chose volée.

Le dépositaire ne pouvoit pas non plus retenir la chose déposée, sous prétexte des saisies faites en ses mains ; mais comme beaucoup de débiteurs abusoient de ce privilége pour frustrer leurs créanciers, & déposoient leurs effets pour les mettre à couvert des saisies, on a obligé avec raison parmi nous les dépositaires de garder le dépôt jusqu’à ce que le débiteur ait obtenu main-levée des saisies.

Le dépôt doit être purement gratuit ; car si celui qui fait le dépôt en retiroit quelqu’émolument, ce seroit plûtôt un loüage qu’un véritable dépôt ; & si le dépositaire se faisoit payer des salaires pour la garde du dépôt, en ce cas ce ne seroit plus un simple dépositaire, mais un préposé à gages, dont les engagemens se reglent différemment.

Il n’est pas permis au dépositaire de se servir de

la chose déposée, pour son usage, & encore moins de la prêter, loüer, engager ou aliéner ; car il n’a que la garde du dépôt, en quoi ce contrat differe des deux sortes de prêts appellés chez les Romains mutuum & commodatum. Ce seroit donc une infidélité de la part du dépositaire, de se servir du dépôt ou de s’en désaisir : il doit être toûjours en état de rendre la même chose qui lui a été donnée, les mêmes deniers, le même grain ou vin ; il ne peut pas substituer une autre chose à la place, quand ce seroit de la même espece.

Le dépositaire n’est pas responsable des cas fortuits qui arrivent à la chose déposée : il n’est même pas responsable d’une légere négligence ; mais il est tenu de tout ce qui arrive par son dol, ou par une négligence si grossiere, qu’elle approche du dol.

Les conditions sous lesquelles la chose a été déposée, sont ce que l’on appelle la loi du dépôt ; loi que le dépositaire doit suivre exactement : mais s’il n’y en a point de preuve par écrit, il en est crû à son serment.

Le dépôt produit deux actions ; l’une que les Romains appelloient directe, qui appartient à celui qui a fait le dépôt, pour obliger le dépositaire de le rendre ; l’autre qu’ils appelloient contraire, en vertu de laquelle le dépositaire peut agir contre celui qui a fait le dépôt, pour l’obliger de lui rendre les dépenses qu’il a été obligé de faire pour la conservation de la chose déposée.

La condamnation qui intervient contre le dépositaire, pour l’obliger de rendre le dépôt, lorsqu’il n’y a point d’empêchement entre ses mains, emporte une espece d’infamie, y ayant en ce cas de la mauvaise foi de la part du dépositaire.

Le dépôt volontaire excédant 100 livres, ne peut être prouvé par témoins, à moins qu’il n’y en eût un commencement de preuve par écrit, suivant l’ordonnance de Moulins, art. 54. & celle de 1667, tit. xx. art. 2.

Mais si l’acte de dépôt étoit perdu, la preuve testimoniale de ce fait seroit admissible, à quelque somme que le dépôt monte.

On peut aussi, quand le dépositaire nie le dépôt, prendre la voie de l’information, parce qu’en ce cas la conduite du dépositaire est une espece de vol & de perfidie.

Les dépôts nécessaires peuvent être prouvés par témoins, même par la voie civile. Ordonn. de 1567, tit. xx. art. 3.

Pour ce qui est du dépôt fait dans une hôtellerie, il dépend de la prudence du juge d’en admettre ou refuser la preuve testimoniale, selon les circonstances. Ibid. art. 4.

Le privilége du dépôt est si grand, que l’on ne peut point y opposer certaines exceptions, telles que le bénéfice de cession, & les lettres de répi.

La contribution qui se fait entre plusieurs créanciers saisissans & opposans, n’a pas lieu sur le dépôt, lorsqu’il se trouve en nature. Coûtume de Paris, art. 182.

La compensation ne peut pas être opposée par le dépositaire, même de liquide à liquide, à cause de la bonne foi qu’exige le dépôt.

La prescription n’a pas lieu non plus pour le dépôt public ; mais le dépôt particulier peut être prescrit par trente ans, à moins que l’on ne retrouve encore le dépôt en nature, avec la preuve du dépôt.

Si le dépositaire est en demeure de rendre la chose déposée, sans qu’il y ait aucun empêchement légitime, on peut le faire condamner aux intérêts du jour de la demande ; il est même tenu des cas fortuits qui arrivent depuis son refus.

Le dépositaire nécessaire peut même être condamné par corps à rendre le dépôt.