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cher dans les débris des fourneaux. Cette distillation se fait en Allemagne dans des cucurbites de verre dont le ventre n’est enduit que d’argille préparée. Aussi-tôt que cette terre est seche & sans fissure, la cucurbite peut servir. On choisit ces vaisseaux plus ou moins grands, selon la quantité d’eau-forte chargée d’argent qu’on a à distiller, ou suivant celle qu’on veut y mettre à la fois. Si d’abord on y en met beaucoup, c’est un moyen d’accélérer le travail, & l’on peut prendre une cucurbite dont le ventre contienne trois à quatre pintes. On pourra y mettre l’eau-forte chargée de 10 à 12 marcs d’argent. Si l’on ne veut pas tant hasarder à la fois, on prend une cucurbite plus petite : on place cette cucurbite avec la liqueur dans un bain de sable ; on y adapte un chapiteau & un récipient de verre, & on lutte bien les jointures ; après quoi on couvre la cucurbite avec une chappe de terre pour la défendre de l’air extérieur : quand le tout est ajusté, on commence par un feu modéré de bois ou de charbon, pour mettre la distillation en train. On continue le même degré de feu, jusqu’à ce qu’on ait fait distiller la moitié ou environ de l’humidité : alors on laisse diminuer le feu, & l’on ôte promptement le chapiteau ; on met à la place sur la cucurbite un entonnoir de verre qu’on a chauffé, pour introduire par son moyen de nouvelle eau-forte chargée d’argent, mais de maniere qu’elle tombe au milieu & ne touche point les parois du vaisseau, qui pourroit facilement se fêler si quelque chose de froid y touchoit. Mais pour moins risquer, il est à propos de chauffer un peu l’eau-forte chargée d’argent avant que de la verser par l’entonnoir. On remet ensuite le chapiteau & le récipient, & on lutte les jointures pour recommencer la distillation. Lorsque cette seconde mise d’eau-forte saoulée d’argent a donné son flegme, on découvre de nouveau & on en remet d’autre ; ce qu’on continue de faire jusqu’à ce qu’il y ait vingt à ving-cinq marcs d’argent dans la cucurbite. Lorsqu’on ajoûte ainsi à différentes fois l’eau-forte chargée d’argent, il ne faut pas attendre pour découvrir le vaisseau jusqu’au moment que l’esprit acide monte, parce qu’alors il seroit trop tard pour la verser. Quand la derniere eau-forte chargée d’argent est dans la cucurbite, on peut y faire tomber une demi-once de suif pur ; les ouvriers croyent qu’il empêche les esprits acides d’emporter l’argent. On continue ensuite de distiller, de maniere qu’on puisse compter les nombres 1, 2 & 3 entre deux gouttes. Il faut modérer un peu le feu avant que l’esprit monte, afin qu’il ne vienne pas trop rapidement ; mais quand il a distillé quelque tems, on peut augmenter le feu jusqu’au plus fort, afin de faire passer tout cet esprit acide. On le distingue aisément par la couleur rouge dont le chapiteau se remplit. Comme on a dû mettre dans le récipient les flegmes acidules des opérations précédentes, il leur communique en se mêlant avec eux assez d’acidité nitreuse pour en faire de très-bonne eau-forte. S’il arrivoit cependant qu’elle ne fût pas assez active, ce seroit une marque qu’on auroit trop mis dans le récipient de flegme acidule. On peut corriger ce défaut à la premiere reprise de l’eau-forte, en laissant moins de ces flegmes dans le récipient. Si l’esprit nitreux monte trop abondamment, ce qui n’arrive que trop souvent, il est bon d’avoir un récipient qui ait un petit bec ou cou par le côté, auquel on puisse adapter un autre récipient où il y aura un peu d’eau commune, pour condenser une partie des vapeurs rouges acides qui sortent avec trop de rapidité. L’eau acidulée de ce second récipient s’employe dans la suite aux mêmes usages que les flegmes acides dont il a été parlé ci-devant.

Si l’on veut avoir de l’eau-forte double telle qu’on l’employe en Hongrie, on change le premier ré-

cipient dans le tems que l’argent est comme en gelée

ou syrop dans la cucurbite, & on en remet un autre avec environ vingt livres d’eau-forte ordinaire, & l’on y fait passer le reste de cet esprit concentré après avoir bien lutté les vaisseaux, & adapté le second récipient au bec du côté du premier.

Pour connoître si tout l’esprit est monté, on prend un bâton que l’on brûle & qu’on réduit en charbon par un bout ; on l’éteint ensuite : si ce charbon ne se rallume pas aussi-tôt par la vapeur acide nitreuse qui monte & qui le touche, c’est une marque que tout l’esprit est passé ; mais si ce charbon prend feu, il ne l’est pas encore. Quand l’opération est finie, on laisse éteindre le feu & refroidir les vaisseaux, afin de pouvoir les démonter. On bouche les récipiens ; on casse la cucurbite ; on sépare le verre de l’argent autant qu’il est possible, après quoi on met l’argent dans un baquet ou on le coupe avec une hache : on le rassemble dans un creuset, & on le fond dans un fourneau à vent. Les petits morceaux de verre qui peuvent s’y trouver surnagent ; on les retire, puis on jette ce métal en culot ou en lingot.

Le départ par l’eau régale est encore un excellent moyen de séparer l’or de l’argent, & même d’avoir un or d’une très-grande pureté & bien mieux séparé de l’argent & même du cuivre, que par la méthode ordinaire qui employe l’eau-forte & l’antimoine, parce que ces opérations laissent toûjours l’une & l’autre un peu d’argent avec la chaux d’or. On employe cette méthode lorsque la masse à départir est un or de bas titre, ou que l’argent n’en constitue pas les trois quarts, & qu’on ne veut point ajoûter de nouvel argent à cette masse ; autre moyen de la départir en employant l’eau-forte dont nous avons parlé ci-dessus.

Pour faire le départ dont il s’agit à présent, prenez de la bonne eau régale préparée avec l’esprit de nitre ordinaire & le sel marin. Voyez Eau régale. (Ce qui suit est tiré de Schlutter). Grenaillez l’or de bas titre qui contient de l’argent & même du cuivre, puis les mettez dissoudre dans un matras, d’abord sans feu, ensuite sur le sable chaud jusqu’à ce que le dissolvant n’agisse plus : il faut dix parties de cette eau régale pour une partie de matiere aurifere. Décantez la liqueur claire qui contient l’or & le cuivre, s’il y avoit de ce dernier métal dans le mêlange ; & l’argent se trouvera en poudre ou chaux au fond du matras. Edulcorez cette chaux & la faites sécher, puis imbibez la d’huile de tartre ou de nitre fixé en deliquium. Mettez un peu de borax dans un bon creuset ou bien du sel de tartre ; & quand l’un ou l’autre sera en fusion liquide, jettez-y votre argent précipité en chaux ; tenez en fusion pendant quelques minutes, & vous aurez de l’argent pur, sans alliage, & de la plus grande finesse : quant à la dissolution de l’or, versez-y de l’huile de tartre par défaillance ; édulcorez la matiere qui se précipitera par plusieurs lotions, puis la jettez peu-à peu dans un creuset où vous aurez mis en fusion du borax fixe ou calciné, ou du sel de tartre, & vous aurez de l’or de la plus grande pureté.

Départ par la voie seche ou par la fusion, qui s’appelle aussi départ concentré ou séparation par la voie seche. Pour ne point rendre trop long cet article, qui l’est déjà assez, nous renvoyons le lecteur à l’article Séparation par la voie seche, où l’on décrira les travaux requis pour cette opération. En attendant on pourra consulter dans les mém. de l’acad. des Sciences de Berlin, 1747, pag. 3 & suiv. le mémoire tres-étendu que M. Eller a donné sur cette matiere.

DÉPARTAGER, v. act. (Jurispr.) signifie lever le partage d’opinions qui s’étoit formé entre des juges, arbitres, ou consultans. En matiere civile une voix de plus d’un côté que d’un autre suffit pour départa-