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en-bas ; car il ne paroît pas même nécessaire qu’il s’éleve dans l’attitude où sont plusieurs animaux quand ils boivent. La colomne du liquide s’éleve dans la bouche & dans le gosier d’un cheval, par exemple, & redescend dans l’œsophage, pour ainsi dire, comme dans les deux branches d’un syphon, à l’aide cependant d’un peu d’action des fibres spirales, qui se trouvent, dans toute la longueur du canal, différentes de celles de l’œsophage dans l’homme, qui sont orbiculaires.

La facilité avec laquelle les liquides passent par les arriere-narines, pour peu que l’on expire en riant ou en toussant, &c. semble aussi une preuve que le voile du palais n’est pas élevé quand on boit comme quand on mange.

Enfin les liquides portés dans le pharynx élevé & dilaté, pour les recevoir, entrent dans l’œsophage par la pression du larynx porté & comprimant en arriere le muscle œsophagien, qui s’est relâché pour admettre la matiere de la déglutition, & se resserre ensuite : il se fait dans l’œsophage la même action successive que pour les alimens solides, avec cette différence seule, que les efforts sont beaucoup moindres. Les liquides parviennent ainsi à l’estomac par la répétition du même méchanisme, proportionnée à la quantité de boisson, tout comme les solides sont avalés peu-à-peu, à mesure qu’ils ont acquis par la mastication, les qualités convenables pour être portés dans l’estomac par le moyen de la déglutition. (d)

Deglutition lesée, (Medec. Pathol.) Cette fonction peut être viciée de trois manieres différentes ; savoir par diminution dans son exercice, ou par son abolition, ou par sa dépravation.

Elle peut être diminuée ou abolie, ce qui ne differe que du plus au moins par rapport aux causes. 1°. Par le défaut de la langue, lorsqu’elle est paralytique, ou raccourcie, ou enflammée, ensorte qu’elle ne puisse pas faire les mouvemens nécessaires pour ramasser les alimens mâchés & les porter vers le gosier, afin d’exciter à agir les organes de la déglutition : c’est ce qui arrive, par exemple, dans la salivation, lorsque la langue est enflée.

2°. Par le défaut du gosier, lorsqu’il est insensible, œdémateux, calleux, ensorte qu’il ne peut pas être affecté par les alimens qui y sont portés, & qu’il ne peut pas contribuer à la déglutition par le jeu de ses parties : c’est ce qui a lieu dans les apoplectiques, les carotiques, &c.

3°. Par le défaut des muscles qui servent à dilater le pharynx, à élever le larynx, & de ceux qui entrent dans la composition de l’œsophage, lorsqu’ils sont enflammés, ou paralytiques, ou dans un état de spasme.

4°. Par le vice du pharynx même, lorsqu’il est enflammé, ulceré, comme dans l’angine ; lorsqu’il est comprimé ou resserré par une tumeur, par une vertebre du cou luxée en-avant, par l’enflure des amygdales, par le resserrement convulsif du muscle œsophagien ; lorsque le pharynx est desséché & privé de la mucosité, qui sert à lubrifier sa surface intérieure, par l’obstruction, le skirrhe des glandes qui la fournissent ; lorsqu’il est rendu calleux par le grand usage des boissons trop chaudes. Dans ce cas on avale une partie ; mais le bol alimentaire s’accroche, pour ainsi dire, & ne peut pas être poussé plus avant : il cause une inquiétude & une douleur qui forcent à le rejetter par un mouvement inverse des fibres musculeuses.

La déglutition peut être dépravée, lorsqu’elle se fait d’une maniere contre nature.

Comme, 1°. lorsque la luette est allongée, enflée, pendante : elle excite à agir les organes qui servent à avaler, de la même façon que s’il se présen-

toit au gosier une portion d’alimens. Le méchanisme

de la déglutition s’exerce comme dans l’état naturel, mais à pure perte & avec des efforts inutiles.

2°. Lorsque le voile du palais est fendu, ou que la luette manque entierement, les alimens passent par les arriere-narines, parce qu’ils trouvent moins de résistance vers cette partie-là que vers toute autre, dans le gosier, étant pressés par la langue & par le larynx, & ne l’étant par aucune puissance qui les écarte des ouvertures du nez. Quand la luette manque, on tousse aisément en bûvant, par la raison donnée ci-devant, que cet organe sert à détourner les liquides de la cavité du larynx, & par conséquent de l’ouverture de la glotte, où il ne peut pas entrer le moindre corps étranger, fût-ce la plus petite goutte de lait, sans exciter des expectorations violentes pour l’expulser.

3°. Lorsque les alimens sont si secs qu’ils absorbent en passant par les voies de la déglutition, toute l’humidité qui s’y trouve, pour les rendre glissantes ; alors ils s’arrêtent, & ne peuvent pas céder aux forces par lesquelles on tente de les avaler. La même chose arrive, si les alimens sont rudes ou âpres ; les membranes du gosier & du pharynx, qui sont extrèmement sensibles, se resserrent, & font de violens efforts pour se débarrasser de ce qui les blesse. Il ne sera pas hors de propos de rapporter ici quelques observations des différentes manieres dont la déglutition peut être lésée.

Le célebre Boerhaave dit avoir vû une parotide si fort tuméfiée, qu’elle avoit entierement aboli l’exercice de la déglutition.

Ruysch fait mention d’une tumeur des glandes dorsales devenues skirrheuses, qui produisoit le même effet. Il dit en même tems qu’il ne put guérir cette maladie que par le secours du mercure.

Boerhaave rapporte qu’ayant été consulté pour un enfant né avec le voile du palais fendu dans sa partie moyenne, le long de la luette, ensorte qu’il ne pouvoit point avaler, & l’ayant examiné, il s’apperçut de cette déchirure, & ordonna qu’on lui fermât les narines quand il seroit en disposition d’avaler. De cette façon la déglutition se fit bien, & il parvint même à parler ; mais il ne pouvoit le faire que lorsqu’il se fermoit les narines avec les mains. Le même observateur fait encore mention d’un enfant qui ayant été surpris par sa mere lorsqu’il portoit un navet très-chaud à la bouche, & s’étant pressé de l’avaler, il ne fut pas parvenu à l’estomac, que le petit misérable mourut.

J’ai vû moi-même, il n’y a pas long-tems, un cocher à qui on avoit donné une prise de bétoine, qu’il tira par le nez comme du tabac ; il se mit à éternuer en conséquence avec violence : se trouvant un assez gros morceau de croûte de pain chaud dans la bouche pendant l’éternûment, il se pressa de l’avaler sans l’avoir mâché : un nouvel éternûment survenu avant que la déglutition fût achevée, fixa cette croûte dans l’œsophage, ensorte qu’elle ne put pas être poussée plus avant ; ce qui causa à ce malheureux de si grandes douleurs, avec des agitations continuelles, qu’il en mourut en moins de trois jours, se plaignant toûjours d’envie de vomir & d’une douleur fixe à la hauteur du cardia, sans que le vomissement ni aucun autre remede pût lui procurer aucun soulagement constant. Il étoit obligé de plier extrèmement son corps ; & il sentoit redoubler sa douleur chaque fois qu’il vouloit avaler une gorgée de liquide, dont la déglutition s’achevoit cependant, sans doute parce que la croûte n’occupoit pas toute la cavité du contour de l’œsophage. Auroit-on pû dans ce cas tenter, selon la méthode proposée par Rhuysch dans sa premiere décade, de