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Pour le deuxieme dégagement forcé, dès qu’on s’apperçoit du mouvement que l’ennemi fait pour frapper votre épée, il faut en baisser la pointe comme si vous vouliez lui piquer le bout du pié droit, & la remonter tout de suite à sa place, en observant qu’elle ne remonte pas plus haut ; nota, que pour éviter de faire ce mouvement avec secousse, il faut qu’il parte de l’épaule, & que le bras & l’épée ne fassent qu’un.

Remarquez qu’il est indifférent de quel côté l’ennemi veuille frapper votre épée, puisque pour éviter qu’il ne la touche, vous devez toûjours faire le même mouvement. Observez de plus, qu’il ne faut ni dégager ni tourner la main, parce que l’ennemi par son mouvement fait passer son épée d’un côté à l’autre, & que vous n’avez pas besoin d’opposer.

On dit de celui qui exécute bien ce dégagement, qu’il a le dégagement fin, parce que l’ennemi ne peut jamais frapper son épée.

Degagement volontaire, (Escrime.) est celui qui se fait de soi-même, sans y être contraint par l’épée de l’ennemi.

Pour exécuter ce degagement, il faut que la pointe de votre épée passe très-près de la garde, & du dessous du talon de celle de l’ennemi, & qu’en même tems vous leviez le poignet à la hauteur du nœud de l’épaule, & que vous tourniez la main comme si vous pariez tierce ou quarte, &c. de quarte ou de quarte-basse si vous dégagez du dehors des armes au-dedans, & de tierce ou de tierce-basse si vous dégagez du dedans des armes au-dehors.

Degagement, c’est, dans la Gravûre en bois, l’action de repasser fortement la pointe à graver autour des traits & des contours déjà gravés, soit qu’ils embrassent ou non les places ou champs à vuider ; ainsi c’est avoir disposé le bois à ces endroits à pouvoir être enlevé sans courir risque d’enlever en même tems les traits & contours. Voyez Gravure en bois, & les principes de cet art.

Degagement, c’est encore, dans la Gravûre en bois, l’action d’avoir enlevé peu-à-peu le bois avec le fermoir autour des traits ou contours qui bordent les champs à vuider, de sorte qu’il n’y reste que le milieu du bois de ses champs à enlever avec la gouge, quelquefois à coup de maillet, quand il est trop grand pour l’enlever avec la main & sans le secours de cet outil. Voyez à Gravure en bois, &c. les principes de cet art.

Plusieurs Graveurs en bois, au lieu du terme de dégager, se servent simplement de celui de dire avoir passé la pointe, pour dire qu’ils ont préparé les champs à lever, de maniere à ne pas craindre qu’en les vuidant ils enlevent avec les contours ou les traits gravés sur la planche. Voyez Passer la pointe. Ces articles sur la Gravûre sont de M. Papillon, Graveur en bois.

DEGAGER, (Marine.) se dit d’un vaisseau gardé, ou sur lequel on chasse : c’est le délivrer de l’ennemi, & le mettre en liberté de continuer sa route. (Z)

Degager, v. n. (Escrime.) c’est faire passer son épée d’un côté à l’autre de celle de l’ennemi ; ainsi on dit en terme d’Escrime, dégagez de tierce en quarte ou de quarte en tierce, c’est-à-dire votre épée se trouvant hors des armes, faites-la passer dedans les armes, ou étant dans les armes faites-la passer hors des armes.

Il y a deux sortes de dégagemens, qui sont le volontaire & le forcé. Voyez Degagement.

Degager, v. act. (Metteur en œuvre.) c’est, quand une pierre a reçu son premier serti, c’est-à-dire, qu’elle a été serrée au poinçon, former à l’échope les griffes qui la doivent retenir, & dépouiller d’alentour la matiere superflue.

* Degager la grille, (Verrerie.) c’est séparer

à coups de barres les crayers ou crasses qui s’attachent aux siéges, & les nettoyer de cette croûte en la rompant. Voyez l’article Verrerie.

* DEGARNIR, v. act. (Gramm.) est l’opposé de garnir ; & ces deux termes se disent de tout ce qui n’est pas essentiel à la chose à laquelle on les applique, & dont on peut priver cette chose sans la détruire, parce qu’on ne le lui a ajoûté que pour plus de commodité & de perfection. Ainsi on dit une chambre garnie de meubles, une ville dégarnie de soldats.

Se dégarnir, se prend à-peu-près dans le même sens ; on dit, sa tête se dégarnit de cheveux.

Ce verbe a beaucoup d’acceptions, tant au simple qu’au figuré.

Degarnir un vaisseau, (Marine.) c’est en ôter les agrès. Dégarnir le cabestan, c’est ôter les barres & la tournevire. (Z)

Degarnir, (Jardinage.) est à-peu-près le même que dégrader.

DEGAT, s. m. (Droit de la guerre.) terme général, qui désigne tous les maux que l’on peut causer à l’ennemi en ravageant ses biens & ses domaines pendant le cours de la guerre.

Il est incontestable que le cruel état de guerre permet d’enlever à l’ennemi ses biens, ses possessions, ses domaines, de les endommager, de les ravager, & même de les détruire ; parce que suivant la remarque de Cicéron, il n’est point du tout contraire à la nature de dépouiller de son bien une personne à qui l’on peut ôter la vie avec justice : Neque est contra naturam spoliare eum si possis, quem honestum est necare. De offic. lib. III. cap. vj.

Les degâts que la guerre occasionne sont un mal nécessaire, dont le peuple est la victime. Un souverain qui fait une guerre injuste, est responsable à Dieu de tous les dégâts que souffrent ses sujets & ses ennemis ; & c’est bien ici le cas de dire, Quidquid delirant reges, plectuntur achivi. Puissent apprendre les rois ce que vaut le sang des hommes ! Le fameux connétable Bertrand du Guesclin recommandoit en mourant aux vieux capitaines qui l’avoient suivi pendant quarante ans, de se souvenir toûjours, qu’en quelque lieu qu’ils fissent la guerre, les femmes, les enfans, & le pauvre peuple, n’étoient point leurs enenmis. M. de Turenne, digne imitateur de ce grand homme, gémissoit comme lui de ces maux inévitables que la guerre traine après soi, & que la nécessité oblige de dissimuler, de souffrir, & de faire.

Mais le droit des gens, véritablement tel, & mettant à part les autres regles de nos devoirs, n’excepte-t-il pas du dégât les choses sacrées, c’est-à-dire les choses consacrées ou au vrai Dieu, ou aux fausses divinités dont les hommes font l’objet de leur culte ? Il est d’abord certain que les nations ont eu des coûtumes différentes & opposées sur ce sujet ; les unes se sont permis le dégât des choses sacrées, & les autres l’ont envisagé comme une profanation criminelle. Il faut donc recourir aux principes de la nature & du droit des gens, pour décider du droit réel que donne la guerre à cet égard ; & cependant les avis se trouvent encore ici partagés.

Les uns sont convaincus que la consécration des choses au service de Dieu, leur donne la qualité de saintes & de sacrées, comme un caractere intrinseque & ineffaçable dont personne ne peut les dépouiller ; que ces choses par une telle destination changent, pour ainsi dire, de maîtres, n’appartiennent plus aux hommes en propriété, & sont entierement & absolument soustraites du commerce.

D’autres soûtiennent au contraire que les choses sacrées ne sont pas dans le fond d’une nature différente des profanes ; qu’elles appartiennent toûjours au public ou au souverain, & que rien n’empêche