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jours par la célébration des SS. mysteres, & par des discours sur le but & la fin de cette cérémonie. Eusebe nous a conservé la description des dédicaces des églises de Tyr & de Jérusalem. On jugea depuis cette consécration si nécessaire, qu’il n’étoit pas permis de célébrer dans une église qui n’avoit pas été dédiée, & que les ennemis de S. Athanase lui firent un crime d’avoir tenu les assemblées du peuple dans une pareille église. Depuis le neuvieme siecle, on a observé diverses cérémonies pour la dédicace, qui ne peut se faire que par un évêque ; elle est accompagnée d’une octave solennelle, dans chaque jour de laquelle un évêque officie dans les grandes villes, & un prédicateur parle sur le sujet de la fête. Il y a cependant beaucoup d’églises, surtout à la campagne, qui ne sont pas dédiées, mais seulement bênites : comme elles n’ont point de dédicaces propres, elles prennent celles de la cathédrale ou de la métropole du diocèse dont elles sont. On faisoit même autrefois la dédicace particuliere des fonts-baptismaux, comme nous l’apprenons du pape Gelase dans son sacramentaire.

La fête de la dédicace, ou plûtôt du patron d’une église, est appellée par les Anglois, dans leurs livres de droit, dedicaze ; & avant la réformation elle n’étoit pas seulement célébrée chez eux par les habitans de la paroisse ou du lieu, mais encore par ceux des villages voisins qui avoient coûtume d’y venir. Ces sortes d’assemblées étoient autorisées par le roi : ad dedicationes, ad synodos, &c. venientes summa pax. On conserve encore en Angleterre quelques restes de cet usage sous le nom de wakes, veilles, ou vigils, vigiles. Voyez Veilles & Vigiles.

Les Juifs célébroient tous les ans pendant huit jours la fête de la dédicace du temple ; & c’est ce que nous trouvons appellé, dans la version vulgate du nouveau Testament, encœnia : cet usage fut établi par Judas Machabée & par toute la synagogue, l’an de l’ere syromacédonienne 148, c’est-à-dire 164 ans avant Jesus-Christ, à l’occasion que nous avons dit, & pour célébrer la victoire que les Machabées remporterent sur les Grecs. Léon de Modene remarque sur ce sujet, dans son traité des cérémonies des Juifs, qu’ils allument dans leurs maisons une lampe le premier jour de cette fête, deux le second, & ainsi successivement jusqu’au dernier qu’ils en allument huit ; le même rabbin ajoûte, qu’ils célebrent aussi pendant cette fête la mémoire de Judith, & qu’ils mettent dans leurs repas quelque coûtume différente de celles qu’ils observent ordinairement. Liv. III. c. jx.

Les Payens faisoient aussi des dédicaces des temples, des autels, & des images de leurs dieux. Nabuchodonosor fit faire une dédicace solennelle de sa statue, comme on le voit dans le prophete Daniel, cap. iij. v. 2. Pilate dédia à Jérusalem des boucliers d’or en l’honneur de Tibere, au rapport de Philon de Legat. Pétrone dans la même ville dédia une statue à l’empereur. lb. p. 791. & Tacite, hist. lib. IV. cap. liij. parle de la dédicace du capitole, après que Vespasien l’eut fait rebâtir. Ces dédicaces se célébroient par des sacrifices propres à la divinité à laquelle on rendoit ces honneurs, & on ne les faisoit jamais sans une permission bien authentique. On ne voit point par qui elle étoit donnée chez les Grecs : mais c’étoient des magistrats qui l’accordoient chez les Romains. Voici les principales cérémonies que ceux-ci observoient dans la dédicace de leurs temples. D’abord on entouroit le nouveau temple de guirlandes & de festons de fleurs : les vestales y entroient portant à la main des branches d’olivier, & arrosoient d’eau lustrale les dehors du temple : celui qui dédioit le temple s’approchoit, accompagné du pontife qui l’appelloit pour tenir le poteau de la porte, & il répétoit mot pour mot d’après le pontife ;

c’eût été le plus mauvais augure du monde, que d’y omettre ou changer une seule syllabe : ensuite il offroit une victime dans le parvis ; & en entrant dans le temple, il oignoit d’huile la statue du dieu auquel le temple étoit dédié, & la mettoit sur un oreiller (pulvinar) aussi frotté d’huile. La cérémonie étoit marquée par une inscription qui portoit l’année de la dédicace, & le nom de celui qui l’avoit faite, & l’on en renouvelloit tous les ans la mémoire à pareil jour, par un sacrifice ou quelqu’autre solennité particuliere. Rosin, antiq. rom. & Chambers. (G)

DÉDIT, s. m. (Commerce.) peine stipulée dans un marché contre celui qui ne veut pas le tenir. C’est ordinairement une somme d’argent convenue, que paye celui qui manque à sa parole. (G)

DÉDOCTOIRE, s. m. (Vénerie.) bâton de deux piés, dont on se servoit autrefois pour parer les gaulis. On se sert à-présent du manche du foüet.

DÉDOUBLER, v. act. il se dit des pierres dont on peut séparer les lits, selon toute leur longueur, avec des coins de fer. Il faut scier ou couper celles qu’on ne peut dédoubler ; travail fort long. Entre les différentes pierres qu’on tire des carrieres voisines de Paris, il n’y a, à ce qu’on dit, que la lambourde ou le franc-ban qui se dédouble. Les autres n’ont point de lit ou litage assez marqué pour comporter cette manœuvre.

DÉDUCTION, s. f. (Philosophie.) ce mot se prend en notre langue dans deux sens différens.

En matiere de calcul, d’affaires, &c. il signifie soustraction, l’action d’écarter, de mettre à part, &c. comme quand on dit : ce bénéfice, déduction faite des charges, des non-valeurs, des réparations, vaut 10000 livres de revenu : cette succession, déduction faite des dettes & legs, monte à 200000 liv. & ainsi des autres.

En matiere de Sciences, & sur-tout de Logique, déduction se dit d’une suite & d’une chaîne de raisonnemens, par lesquels on arrive à la preuve d’une proposition : ainsi une déduction est formée d’un premier principe, d’où l’on tire une suite de conséquences. Donc, pour qu’une déduction soit bonne, il faut 1°. que le premier principe d’où l’on part soit ou évident par lui-même, ou reconnu pour vrai : 2°. que chaque proposition ou conséquence suive exactement de la proposition ou conséquence précédente : 3°. on peut ajoûter que pour qu’une déduction soit bonne, non-seulement en elle-même & pour celui qui la fait, mais par rapport aux autres, il faut que la liaison entre chaque conséquence & la suivante puisse être facilement apperçûe, ou du moins que cette liaison soit connue d’ailleurs. Par exemple, si dans une suite de propositions on trouvoit immédiatement l’une après l’autre ces deux-ci : les planetes gravitent vers le Soleil en raison inverse du quarré des distances : donc elles décrivent autour du Soleil des ellipses. Cette conséquence, quoique juste, ne seroit pas suffisamment déduite, parce qu’il est nécessaire de faire voir la liaison par plusieurs propositions intermédiaires : ainsi on ne pourroit s’exprimer ainsi que dans un ouvrage dont le lecteur seroit supposé connoître d’ailleurs la liaison de ces deux vérités.

D’où il s’ensuit en général, que pour juger de la bonté d’une déduction, il faut connoître le genre d’ouvrage où elle se trouve, & le genre d’esprits & de lecteurs auxquels elle est destinée. Telle déduction est mauvaise dans un livre d’élémens, qui seroit bonne ailleurs.

Les ouvrages de Géométrie sont ceux où l’on peut trouver plus facilement des exemples de bonnes déductions ; parce que les principes de cette science sont d’une évidence palpable, & que les conséquences y sont rigoureuses : par conséquent s’il faut un certain degré plus ou moins grand de patience, d’attention