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c’est dans les fausses decrétales que les papes ont puisé le droit de transférer seuls les évêques d’un siége à un autre, & d’ériger de nouveaux évêchés. A l’égard des translations, elles étoient en général sévérement défendues par les canons du concile de Sardique & de plusieurs autres conciles : elles n’étoient tolérées que lorsque l’utilité évidente de l’église les demandoit, ce qui étoit fort rare ; & dans ce cas elles se faisoient par l’autorité du métropolitain & du concile de la province. Mais depuis qu’on a suivi les fausses decrétales, elles sont devenues fort fréquentes dans l’église latine. On a plus consulté l’ambition & la cupidité des évêques, que l’utilité de l’Eglise ; & les papes ne les ont condamnées que lorsqu’elles étoient faites sans leur autorité, comme nous voyons dans les lettres d’Innocent III. L’érection des nouveaux évêchés, suivant l’ancienne discipline, appartenoit pareillement au concile de la province, & nous en trouvons un canon précis dans les conciles d’Afrique ; ce qui étoit conforme à l’utilité de la religion & des fideles, puisque les évêques du pays étoient seuls à portée de juger quelles étoient les villes qui avoient besoin d’évêques, & en état d’y placer des sujets propres à remplir dignement ces fonctions. Mais les fausses decrétales ont donné au pape seul le droit d’ériger de nouveaux évêchés ; & comme souvent il est éloigné des lieux dont il s’agit, il ne peut être instruit exactement, quoiqu’il nomme des commissaires & fasse faire des informations de la commodité & incommodité, ces procédures ne suppléant jamais que d’une maniere très-imparfaite à l’inspection oculaire & à la connoissance qu’on prend des choses par soi-même. Enfin une des plus grandes plaies que la discipline de l’Eglise ait reçue des fausses decrétales, c’est d’avoir multiplié à l’infini les appellations au pape : les indociles avoient par-là une voie sûre d’éviter la correction, ou du moins de la différer. Comme le pape étoit mal informé, à cause de la distance des lieux, il arrivoit souvent que le bon droit des parties étoit lésé ; au lieu que dans le pays même, les affaires eussent été jugées en connoissance de cause & avec plus de facilité. D’un autre côté, les prélats rebutés de la longueur des procédures, des frais & de la fatigue des voyages, & de beaucoup d’autres obstacles difficiles à surmonter, aimoient mieux tolérer les desordres qu’ils ne pouvoient réprimer par leur seule autorité, que d’avoir recours à un pareil remede. S’ils étoient obligés d’aller à Rome, ils étoient détournés de leurs fonctions spirituelles ; les peuples restoient sans instruction, & pendant ce tems-là l’erreur ou la corruption faisoit des progrès considérables. L’église romaine elle-même perdit le lustre éclatant dont elle avoit joüi jusqu’alors par la sainteté de ses pasteurs. L’usage fréquent des appellations attirant un concours extraordinaire d’étrangers, on vit naître dans son sein l’opulence, le faste & la grandeur : les souverains pontifes qui d’un côté enrichissoient Rome, & de l’autre la rendoient terrible à tout l’univers chrétien, cesserent bientôt de la sanctifier. Telles ont été les suites funestes des fausses decrétales dans l’église latine ; & par la raison qu’elles étoient inconnues dans l’église greque, l’ancienne discipline s’y est mieux conservée sur tous les points que nous venons de marquer. On est effrayé de voir que tant d’abus, de relâchement & de desordres, soient nés de l’ignorance profonde où l’on a été plongé pendant l’espace de plusieurs siecles : & l’on sent en même tems combien il importe d’être éclairé sur la critique, l’histoire, &c. Mais si la tranquillité & le bonheur des peuples, si la paix & la pureté des mœurs dans l’Eglise, se trouvent si étroitement liées avec la culture des connoissances humaines, les princes ne peuvent témoigner trop

de zele à protéger les Lettres & ceux qui s’y adonnent, comme étant les défenseurs nés de la religion & de l’état. Les sciences sont un des plus solides remparts contre les entreprises du fanatisme, si préjudiciables à l’un & à l’autre, & l’esprit de méditatation est aussi le mieux disposé à la soumission & à l’obéissance. Cet article est de M. Bouchaud, docteur aggrégé de la faculté de Droit.

DECRETÉ, adj. (Jurispr.) se dit communément de celui contre qui on a ordonné un decret. On dit, par exemple, l’accusé a été decrété de prise de corps.

En Normandie le decrété c’est la partie saisie, c’est-à-dire celui sur qui on poursuit l’adjudication par decret d’un bien saisi réellement. Coûtume de Normandie, art. 567. (A)

DECRETER, v. act. (Jurispr.) signifie ordonner un decret. On decrete l’accusé d’assigné pour être oui, ou d’ajournement personnel, ou de prise de corps. (A)

Decreter les informations, c’est ordonner un decret sur le vû des charges & informations. (A)

Decreter une coûtume, c’est l’autoriser, la revêtir de lettres patentes pour lui donner force de loi. (A)

DECRETISTE, s. m. (Histoire mod.) canoniste chargé d’expliquer dans une école de Droit à de jeunes éleves dans cette partie de la Jurisprudence, le decret de Gratien.

Decretiste, (Jurisp.) dans quelques provinces, comme en Languedoc, est celui qui poursuit la vente & adjudication par decret d’un bien saisi réellement. (A)

DECRI, s. m. (Comm.) défenses faites par les édits, ordonnances & déclarations du Roi, par arrêt du conseil, ou autorité des juges à qui la connoissance en appartient, d’exposer en public & de se servir dans le Commerce de certaines especes de monnoie d’or, d’argent, de billon ou de cuivre. Voy. Monnoie.

Décri se dit aussi des défenses faites par la même autorité, de fabriquer, vendre ou porter certaines étoffes, dorures & autres choses semblables, comme le décri des toiles peintes, mousselines & étoffes des Indes, &c. Dict. du Comm. & de Trév. (G)

DÉCRIÉ, adj. (Comm.) ce qui est défendu par autorité supérieure. Les toiles, étoffes & autres marchandises étrangeres qui sont décriées, sont sujettes à confiscation, quelques-unes même à être brûlées. Dict. du Comm.

DECRIER, v. act. (Comm.) défendre le commerce de quelques marchandises, ou l’exposition en public de quelques especes de monnoies. Voyez Decri. Dict. du Comm. (G)

DECRIRE, verbe act. On dit en Géométrie qu’un point décrit une ligne droite ou courbe par son mouvement, lorsqu’on suppose que ce point se meut, & trace en se mouvant la ligne droite ou courbe dont il s’agit On dit de même qu’une ligne par son mouvement décrit une surface, qu’une surface décrit un solide. Voyez Description, Génération. (O)

DECRIVANT, adj. terme de Géométr. qui signifie un point, une ligne ou une surface dont le mouvement produit une ligne, une surface, un solide. Ce mot n’est plus guere en usage ; on se sert le plus ordinairement du mot générateur. Voyez Générateur ou Genération. Voyez aussi Directrice. (O)

DECROCHER, v. act. terme de Fondeur de caracteres d’Imprimerie ; c’est séparer la lettre du moule dans lequel elle a été fondue. Pour cet effet l’ouvrier se sert d’un des crochets de fer qui sont ou bout du moule : l’ayant ouvert, l’ouvrier accroche la lettre par le jet, & il la fait tomber sur le banc qui est vis-à-vis de lui ; après quoi il referme le moule, fond une nouvelle lettre, & recommence l’opération.

Décrocher, (Hydraul.) On décroche une ma-