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tenus de contribuer aux charges de l’état. Edoüard roi d’Angleterre, irrité de ce que le clergé refusoit de lui accorder un subside dans la crainte de l’excommunication portée par la bulle clericis laicos, fit saisir tous les biens ecclésiastiques qui se trouvoient sur les fiefs laïcs : la bulle n’excita pas moins de murmures en France.

Enfin en 1297, à la priere des prélats, le pape en donna une autre datée du dernier Juillet en explication de la précédente, par laquelle après en avoir rappellé la teneur, il déclare que cette constitution ne s’étend point aux dons, prêts & autres choses volontaires que les ecclésiastiques peuvent donner au roi, pourvû que ce soit sans aucune contrainte ni exaction ; il excepte aussi les droits féodaux, censuels, & autres qui peuvent avoir été retenus dans la cession des biens ecclésiastiques, ou autres services dûs, tant de droit que de coûtume, au roi & à ses successeurs, ainsi qu’aux comtes, barons, nobles, & autres seigneurs temporels. Il ajoûte que si le roi ou ses successeurs, pour la défense générale ou particuliere du royaume, se trouvoient dans une nécessité pressante, la précédente bulle ne s’étend point à ce cas de nécessité ; même que le roi & ses successeurs peuvent demander aux prélats, & autres personnes ecclésiastiques, & recevoir d’eux, pour la défense du royaume, un subside ou contribution, & que les prélats & autres personnes ecclésiastiques seront tenus de le donner au roi & à ses successeurs, soit par forme de quotité ou autrement, même sans consulter le saint siége, & nonobstant toute exemption ou autre privilége tel qu’il pût être. Si le roi & ses successeurs reçoivent quelque chose au-delà de ce qui sera nécessaire, il en charge leur conscience. Enfin il déclare que par cette bulle ni par la précédente, il n’a point eu intention de faire aucune diminution, changement, ni dérogation aux droits, libertés, franchises, ou coûtumes, qui au tems de la premiere bulle, ou même avant, appartenoient au roi & au royaume, aux ducs, comtes, barons, nobles, & autres seigneurs, ni d’imposer aucunes nouvelles servitudes ni soûmissions, mais de conserver en leur entier ces mêmes droits, libertés, franchises, & coûtumes.

Les derniers termes de cette bulle méritent d’autant plus d’attention, que Boniface VIII. y reconnoît formellement que l’usage dans lequel est le roi de demander au clergé des subventions, n’est point un privilége, mais un droit attaché à la couronne, dont il peut user même sans consulter le pape ; droit dont nos rois ne se sont jamais dépouillés comme ont pû faire quelques autres souverains, qui se sont soûmis au decret du concile de Latran tenu sous le pape Innocent III.

Ainsi nos rois n’ont pas besoin de s’aider de cette seconde bulle de Boniface VIII, ni d’une troisieme qu’il donna l’année suivante, par laquelle il étendit encore l’exception, au cas où les subventions seroient levées pour la rançon du roi, de la reine, ou de leurs enfans ; étant incontestable que nos rois par le droit de leur couronne & suivant les principes du droit naturel, sont fondés à lever, comme ils ont toûjours fait, sur le clergé de même que sur leurs autres sujets, des subventions, soit ordinaires ou extraordinaires, toutes les fois que les besoins de l’état le demandent.

Après la reconnoissance authentique faite par Boniface VIII, que le roi pouvoit sans son consentement lever des subsides sur le clergé de France, il lui accorda dans la même année des decimes, qui continuerent jusqu’en 1300 ou environ.

Benoît XI. successeur de Boniface VIII, accorda encore à Philippe le Bel trois années de decimes, savoir depuis Noël 1304 jusqu’à Noël 1307.

Clément V. ajoûta d’abord deux années à cette concession, ce qui fit cinq années ; & par une bulle du 6 Février 1309, il lui accorda encore une année de décimes.

Indépendamment de ces différentes décimes accordées par les papes à Philippe le Bel, il en leva encore une autre en 1303 pour la guerre de Flandres ; c’étoit alors le fort des démêlés du roi avec Boniface VIII ; aussi cette décime fut elle levée de l’autorité seule du roi sans le consentement du pape : il avoit écrit des lettres circulaires à tous les évêques & archevêques de son royaume, pour qu’ils eussent à se rendre à son armée de Flandres ; & par d’autres lettres du 3 Octobre de la même année, il ordonna que tous archevêques, évêques, abbés, & autres prélats, doyens, chapitres, couvents, colléges, & tous autres gens d’église, religieux & séculiers, exempts & non exempts, ducs, comtes, barons, dames, damoiselles, & autres nobles du royaume, de quelque état & condition qu’ils fussent, seroient tenus de lui faire subvention & aide du leur pour la guerre pendant quatre mois ; savoir, Juin, Juillet, Août, & Septembre lors prochains ; que ceux qui auroient 500 livres de terre, fourniroient un homme d’armes ou gentilhomme bien armé & monté ; que celui qui auroit 1000 livres de terre, en fourniroit deux, & ainsi des autres à proportion.

Philippe le Bel demanda aussi dans le même tems aux prélats & barons un subside en argent, qui lui fut accordé.

Ce subside en argent fut qualifié de décime par rapport aux ecclésiastiques, comme il paroît par des lettres de Philippe le Bel, du 15 Août 1303, adressées à l’évêque d’Amiens, portant ordonnance de faire lever une decime dans son diocèse, comme elle se payoit dans les autres, pour subvenir aux dépenses de la guerre de Flandres.

Il y eut aussi une double decime ou cinquieme imposée par Philippe le Bel sur tous ses sujets en 1305. Il paroît par des lettres de ce prince du 10 Octobre, que pour tenir lieu de ce cinquieme on lui offrit une certaine somme, & que ces offres sont qualifiées de don gratuit ; mais cette expression ne concerne pas les ecclésiastiques en particulier, elle est également relative aux offres des sujets laïcs. Cette décime levée de l’autorité seule du roi ne doit point être confondue avec celle que Benoît X I. lui accorda en 1304 jusqu’en 1307 : on peut voir les raisons qu’en donne M. Patru en son mémoire sur les décimes.

Philippe le Bel leva encore d’autres décimes dans les années suivantes : en effet, on trouve une commission du 25 Août 1313, adressée par ce Prince au collecteur des décimes qui se levoient alors dans le pays Bordelois. Ordonn. de la troisieme race, tom. I. page 527.

M. Patru, loc. cit. a cru que sous Louis Hutin il n’avoit été fait aucune levée de cette espece : il paroît néanmoins qu’en 1315 on levoit encore des décimes pour le voyage d’outremer, suivant des lettres de ce prince du 3 Août de cette année, par lesquelles il permet au collecteur des décimes qui étoient levées dans le diocèse de Reims, de créer des sergens & de les révoquer.

On en levoit encore sur tout le clergé en 1316, ainsi que l’observe M. le président Henault.

Philippe V. dit le Long, frere & successeur de Louis Hutin, obtint dans la même année de Jean XXII. la permission de lever aussi des décimes pour le passage d’outremer ; mais celles-ci n’eurent pas lieu, le roi s’en étant déporté volontairement par des raisons d’état. La difficulté que firent les ecclésiastiques de payer cette levée ne fut pas fondée sur une exemption particuliere pour eux ; car les historiens de ce tems font mention que le peuple se défendit aussi de