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marque pas ordinairement si c’est devant ou après midi ; l’ordonnance de Blois, article 167, enjoint cependant aux notaires & autres officiers de justice, de déclarer dans les actes qu’ils font, si c’est devant ou après midi ; mais cela n’est pas observé, excepté dans certains exploits de rigueur, tels que les saisies & exécutions, conformément à l’art. 4 du titre xxxiij. de l’ordonnance de 1667, qui l’ordonne expressément pour ces sortes de saisies.

Il seroit même à propos dans tous les actes, de marquer non-seulement s’ils ont été passés avant ou après midi, mais même l’heure à laquelle ils ont été faits : cette attention serviroit souvent à éclaircir certains faits & à prévenir bien des difficultés ; & dans les actes authentiques cela serviroit beaucoup pour l’ordre des hypotheques : car entre créanciers du même jour il y a concurrence, au lieu que celui dont le titre marque qu’il a été fait avant midi, passe avant le créancier dont le titre est seulement daté du jour ; & celui dont le titre est daté de onze heures du matin, passe devant celui dont le titre marque seulement qu’il a été fait avant midi.

Il est d’usage assez commun dans la plûpart des exploits & dans beaucoup d’autres actes, d’y mettre la date au commencement ; il seroit cependant plus convenable de la mettre à la fin, ou au moins de la répeter, afin de mieux constater que tout l’acte a été fait dans le tems marqué : autrement il peut arriver qu’un acte commencé sous sa date, n’ait été achevé qu’un ou plusieurs jours après ; auquel cas, pour procéder régulierement, on doit faire mention des différentes dates.

Les actes authentiques ont une date certaine du jour qu’ils sont passés, à la différence des actes sous signature privée, qui n’acquierent de date certaine que du jour du déces de celui ou ceux dont ils sont écrits & signés, ou du jour qu’ils sont contrôlés ou reconnus en justice. (A)

Date en matiere bénéficiale suivant l’usage de cour de Rome, s’entend des dates sur lesquelles on expédie les provisions des bénéfices que l’on impetre en cour de Rome.

Elles sont de deux sortes, savoir, les dates en abregé, ou petites dates ; & celles qui s’apposent au bas des bulles & des signatures.

Dates en abregé, ou petites dates, sont celles que les correspondans des banquiers de France retiennent à la daterie de Rome à l’arrivée du courier, pour constater les diligences de l’impétrant.

Les François ont le privilége en cour de Rome, que toutes provisions destinées pour eux, sont expédiées sur petites dates, ou dates en abregé.

On les appelle petites, parce qu’elles sont en abregé, & pour les distinguer de celles qui s’apposent au bas des bulles & des signatures.

La raison pour laquelle on use de ces petites dates, est que les correspondans des banquiers de France ne pouvant dresser leurs suppliques, les faire signer & revoir par les officiers de la daterie à l’instant de l’arrivée du courier, ils retiennent seulement de petites dates, c’est-à-dire en abregé, afin d’assûrer le droit de l’impétrant.

Ceux qui requierent un bénéfice de cour de Rome, retiennent ordinairement plusieurs dates à différens jours : on a vû des ecclésiastiques qui en avoient retenu jusqu’à quinze cents, pour tâcher de rencontrer un jour où ils fussent seuls requérans le bénéfice ; parce que tant qu’il y a plusieurs requérans du même jour, on ne donne point de provisions : concursu mutuo sese impediunt partes.

Ces dates sont toûjours secretes jusqu’à ce qu’elles ayent été levées, c’est pourquoi jusques-là on n’en donne point de certificat.

Il est d’usage, par rapport aux bénéfices de Fran-

ce, que ces dates ne durent qu’un an, passé lequel

on ne peut plus les faire expédier. Voyez ci-après Daterie.

Il y a un officier pour les petites dates, qu’on appelle le préfet des dates ; il n’est pas en titre, mais choisi par le dataire, comme étant l’un de ses principaux substituts en l’office de la daterie. C’est chez lui que les banquiers de Rome, dès que le courier est arrivé, portent les mémoires des bénéfices sur lesquels ils ont ordre de prendre date ; & les provisions qu’on en expédie ensuite, sont datées de ce jour-là, pourvû qu’on porte les mémoires avant minuit ; car si on les porte après minuit, la date n’est que du lendemain, & non du jour précedent que le courier est arrivé.

L’officier des petites dates a un substitut, dont la fonction est de le soulager en la recherche, réponse & expédition des matieres pour lesquelles on fait des perquiratur ; & de mettre au bas des suppliques la petite date avant qu’elle soit vérifiée par cet officier ou préfet des petites dates, & ensuite étendue par le dataire ou soûdataire.

Dans les vacances par mort & par dévolut, celui qui veut empêcher le concours retient plusieurs dates, afin que ses provisions ne soient pas inutiles, comme il arrive lorsque plusieurs impétrans obtiennent des provisions de même date sur le même genre de vacance : on retient en ce cas plusieurs dates, dans l’espérance qu’il s’en trouvera enfin quelqu’une sans concours.

Pour savoir si un des impétrans a fait retenir des dates du vivant du bénéficier, ce qui s’appelle une course ambitieuse, prohibée par la regle de non impetrando beneficia viventium, on peut compulser le registre du banquier expéditionnaire.

On ne retient point de date quand le saint siége est vacant ; en ce cas les provisions de cour de Rome sont présumées datées du jour de l’élection du pape, & non du jour de son couronnement.

Il s’étoit autrefois introduit à cet égard un grand abus, en ce que les impétrans retenoient ces dates sans envoyer la procuration pour résigner ; c’est ce qu’explique la préface & l’art. 2. de l’édit de 1550, appellé communément l’édit des petites dates. Un titulaire qui vouloit assûrer à quelqu’un son bénéfice après sa mort seulement, & sans en être dépossédé de son vivant, passoit une procuration pour résigner en faveur ; mais il la gardoit en sa possession, & sur cette résignation feinte il faisoit retenir à Rome une date tous les six mois.

Si le résignant décedoit dans les six mois, alors on envoyoit à Rome la procuration pour résigner, sur laquelle on obtenoit des provisions sous la date retenue ; & le résignataire ayant la faculté de prendre possession, soit avant ou après le décès du résignant, parvenoit ainsi à s’assûrer le bénéfice.

Si le résignant ne décédoit qu’au bout d’une ou plusieurs années, en ce cas le résignataire abandonnoit les premieres dates & se servoit de la derniere, & par ce moyen se trouvoit toûjours dans les six mois.

Pour arrêter cet abus, Henri II. donna en 1550 son édit appellé communément l’édit des petites dates, c’est-à-dire contre les petites dates, par lequel il ordonna que les banquiers ne pourroient écrire à Rome pour y faire expédier des provisions sur résignations, à moins que par le même courier ils n’envoyassent les procurations pour résigner. Il ordonna aussi que les provisions expédiées sur procurations surannées, seroient nulles.

Cet édit ne remédia pourtant pas encore entierement au mal ; car en multipliant les procurations & en envoyant à Rome tous les six mois, on se ser-