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une membrane charnue, trompés apparemment par la couleur rougeâtre que les vaisseaux sanguins qui y sont en grand nombre, donnent a cette partie. Ce tissu cellulaire, entrelacé de quelques fibres charnues, est capable de relâchement & de contraction, car il forme les rides & le resserrement des bourses qui arrivent principalement quand on s’expose au froid ou que l’on sort du bain ; & c’est peut-être cet état de relâchement & de contraction qui a encore déterminé les Anatomistes à décider que cette partie étoit toute musculeuse. Quoi qu’il en soit, leur décision n’est ni sans appel, ni même faite nemine contradicente. Si la révision d’arrêt en matiere civile n’a plus lieu parmi nous, c’est par de très-bonnes raisons législatives : mais il n’en est pas de même en Physique & en Anatomie ; tout y est sujet à la révision, parce que rien n’est si bien décidé qu’on puisse être privé du droit de revoir, & c’est une prérogative dont on ne sauroit trop joüir dans les matieres de ce genre. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DARTRE, s. f. (Medecine.) est une maladie de la peau, appellée en grec ἕρπης, d’où on lui donne aussi quelquefois en françois le nom d’herpe, en latin serpigo à serpendo, ramper ou se répandre.

Les dartres sont formées de pustules érésypelateuses qui affectent les tégumens ; elles prennent differens noms, selon les différences sous lesquelles elles paroissent. Voyez Erésipele.

Si les dartres sont séparées les unes des autres, comme il arrive souvent à celles qui ont leur siége sur le visage, on les appelle discretes ; elles s’élevent en pointe avec une base enflammée, dont la rougeur & la douleur disparoissent après qu’elles ont jetté la petite quantité de matiere qu’elles contenoient, & elles se sechent d’elles-mêmes.

Si les pustules sont réunies plusieurs ensemble, ordinairement en forme circulaire ou ovale, elles forment les dartres confluentes ; celles-ci sent malignes, corrosives, accompagnées de grandes demangeaisons, qui se changent quelquefois en douleurs très-vives : on ne doit cependant pas leur donner le nom de feu sacré, ignis sacer, d’après Celse, qui convient mieux à l’érésypele.

Lorsque les pustules sont petites, ramassées, accompagnées communément d’inflammation tout-autour, & quelquefois d’une petite fievre, & que leurs pointes se remplissent d’une matiere blanchâtre, à quoi succede une petite croûte ronde, ce qui fait une ressemblance avec un grain de millet, la dartre ainsi formée prend le nom de miliaire.

Lorsque l’humeur des pustules dartreuses est si acre & si corrosive qu’elle pénetre dans la substance de la peau & la détruit, elle est appellée dartre rongeante, en grec ἑστιώμενος, exedens, depascens ; c’est la plus maligne espece, qui forme des ulceres profonds & de mauvais caractere, qui sont proprement du ressort de la Chirurgie.

Toutes ces différentes especes de dartres sont toutes causées par une lymphe saline, acre, rongeante avec plus ou moins d’activité, arrêtée dans les vaisseaux & dans les glandes de la peau, jointe à la sécheresse & à la tension des fibres : ce vice topique est souvent une suite d’un vice dominant dans les humeurs, héréditaire ou accidentel ; il est souvent compliqué avec différens virus, comme le vérolique, le scorbutique, le cancereux, &c. il en est souvent l’effet immédiat ; il doit aussi quelquefois être attribué au défaut d’éruptions cutanées de différente espece, qui ne se sont pas bien faites, & qui n’ont pas parfaitement dépuré le sang, ou dont on a imprudemment arrêté les progrès ; à la suppression de l’insensible transpiration, des évacuations périodiques, des fleurs blanches, &c.

Les dartres qui se manifestent sur le visage par quelques pustules simples ont peu besoin du secours de l’art ; car quoiqu’elles causent un sentiment de cuisson, de brûlure, ou de demangeaison pendant deux ou trois jours, elles viennent d’elles-mêmes à suppuration, se desséchent ensuite sous forme de farine, & disparoissent bien-tôt ; elles ne proviennent que d’un vice topique qui se corrige aisément.

La seconde espece de dartre ne vient jamais à maturité, mais il en sort seulement une humeur claire quand on se grate ; elle-est très-difficile à guérir ; car lorsqu’elle paroît tout-à-fait éteinte, elle renaît de nouveau en différentes saisons, défigurant les parties qu’elle attaque, & résistant à tous les remedes : le peuple a coûtume de se servir d’encre pour la guérir : mais dans une maladie si opiniâtre il faut avant toutes choses employer les remedes généraux, & y joindre les mercuriels, sur-tout s’il y a le moindre soupçon de virus vérolique. Les eaux minérales purgatives font de très-bons effets dans cette maladie : on peut ensuite employer extérieurement des linimens, des lotions, détersifs, mondificatifs, légerement astringens. Galien recommande les sucs de plantain, de morelle, mêlés avec l’oxicrat. La salive d’une personne saine, à jeun, l’urine, peuvent aussi satisfaire aux indications selon Barbette ; parmi les remedes simples utiles dans ce cas, il loue aussi avec plusieurs praticiens la litharge entr’autres, le mastic, la tuthie, la céruse, le plomb calciné, le soufre, le mercure, Turner y ajoûte le vitriol & le nitre : les compositions qu’ils conseillent sont les onguens égyptiac, de pompholix, de minium, &c. & l’onguent gris. Dans certains cas d’une virulence extraordinaire & phagédénique, on a hasardé de toucher légerement les dartres avec l’eau-forte ou huile de vitriol, qui en ont à la vérité rallenti les progrès, tandis que des remedes moins actifs n’opéroient rien ; mais on ne peut en venir à cette extrémité qu’avec la plus grande précaution ; & tandis qu’on se sert de médicamens ainsi piquans & desséchans, il en faut appliquer de tems en tems d’autres adoucissans pour entretenir la souplesse de la peau, & consolider les excoriations : tel est en abregé le traitement proposé pour le serpigo.

Celui des dartres miliaires est le même à l’égard des remedes internes que pour l’érésypele ; voyez Eresypele ; les externes doivent être un peu différens des précédons, parce que l’espece de dartre dont il s’agit ne peut pas supporter les applications piquantes & dessiccatives. On doit aussi avant d’employer des topiques, travailler avec plus de soin à corriger le vice dominant des humeurs, à en tempérer l’acrimonie, & à empêcher qu’il ne se fasse de dépôt sur des parties importantes ; dans cette vûe on ne peut trop se tenir sur ses gardes contre l’administration imprudente des répercussifs, par rapport à l’humeur qui est déjà fixée à l’extérieur. On peut aider à la sortie de la matiere des pustules quand elle paroît être parvenue à sa maturité, en ouvrant la pointe avec des ciseaux. On essuie & on déterge ces petits ulceres autant qu’il est possible : on y applique ensuite des linges enduits de cérat ordinaire. On se sert, sur le déclin, des onguens de pompholix, de minium, de chaux, de la pommade faite avec le précipité blanc ; ce dernier remede passe pour assûré. Extrait de Turner, maladies de la peau.

Pour ce qui est de la curation de la dartre rongeante qui forme des ulceres phagédéniques, voyez Ulcere & Phagédénique. (d)

Dartre, (Marechallerie.) ulcere large à-peu-près comme la main, qui vient ordinairement à la croupe, quelquefois à la tête, & quelquefois à l’encolure des chevaux, & qui leur cause une demangeaison si violente, qu’on ne peut les empêcher de se gratter,