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jours verds, l’est moins pour la transplantation du cyprès. Ces arbres placés à demeure fixe se passeront d’aucune culture, qui pouvant déranger les racines nuiroit aux plants au lieu de leur profiter.

On peut tailler le cyprès pour l’amener plus parfaitement à une figure pyramidale ou cylindrique, pourvû qu’on ait attention de lui retrancher moins de branches qu’on ne lui en laisse ; mais on s’est mal trouvé de les assujettir par des liens, qui en resserrant les branches empêchent la communication de l’air & font dessécher les rameaux intérieurs.

L’accroissement de ces arbres se fait assez régulierement ; si l’on excepte la premiere année, ils poussent ordinairement d’un pié ou de 15 pouces par commune année ; ils s’éleveront à 12 ou 15 piés en douze ans, & auront environ trois pouces de diametre. Mais n’étant pas assez robustes pour résister à tous les hyvers dans les provinces septentrionales de ce royaume, on ne peut l’y multiplier pour le profit. Les grands hyvers des années 1683 & 1709 ont fait périr tous les cyprès du royaume, & la rigueur des gelées qui se sont fait sentir depuis quinze ans, ont souvent détruit les jeunes cyprès d’un âge au-dessous de cinq ou six ans, & ont mutilé les plus grands.

Au premier aspect on ne distingue point de feuilles sur ces arbres, on n’apperçoit qu’une multiplicité de rameaux herbeux, fort menus, dont les plus jeunes sont quadrangulaires & uniquement composés de feuilles charnues & anguleuses, aux dépens desquelles la branche devenant ligneuse, alors les feuilles la revêtissent en façon d’écailles, d’abord verdâtres, ensuite desséchées, & qui enfin se réunissent avec l’écorce, ensorte qu’on ne voit jamais cet arbre quitter ses feuilles. Leur verdure se rembrunit en hyver ; mais au retour du printems le verd des rameaux s’éclaircit & devient agréable à la vûe, même avant la survenance des nouvelles feuilles. C’est alors que sur les arbres âgés de 10 ou 12 ans il naît au bout des jeunes rameaux de petits chatons qui ont peu d’apparence. Le fruit, en plus petit nombre, paroît en même tems sur le bois qui a deux ans ; il n’est mûr qu’après l’hyver, & il le faut recueillir avant le mois de Mars ; car les pommes s’ouvrent aux premieres chaleurs & laissent échapper les graines. Quelques auteurs cependant, M. Miller entr’autres, recommandent de ne tirer la graine des pommes de cyprès que dans le moment qu’on veut la semer, ce qui semble insinuer que cette graine s’altere lorsqu’on l’en tire plûtôt, & que cela peut nuire à sa conservation. J’ai pourtant fait l’épreuve que cette graine tirée des pommes de cyprès, & conservée dans une boîte, avoit bien levé pendant cinq années de suite, mais non au-delà.

Le bois du cyprès est extrèmement dur, assez compact, d’une grande solidité, & d’une très-longue durée. Il est d’une couleur jaunâtre, il n’a point d’aubier ; soit qu’on le coupe à droit fil ou transversalement, on y distingue les couches annuelles aussi aisément que dans le bois du sapin ; & comparaison faite de ce bois avec celui des autres arbres qui croissent en Europe, il est plutôt leger que pesant. Tous les anciens s’accordent à donner au bois du cyprès la qualité d’être aussi odoriférant que le bois de cédre, & de conserver cette odeur tant qu’il subsiste ; de n’être sujet ni à la vermoulure, ni à la pourriture, ni à se gerser ; de recevoir un poli parfait, & d’être propre à faire des échalas ; en effet, j’ai quelques échalas de ce bois, qui, quoiqu’employés depuis 12 ans dans une palissade d’arbres en contre-espalier, sont encore solides & très-peu altérées. Ces échalas qui ont environ un pouce & demi de diametre, ne sont actuellement endommagés par la pourriture que d’environ un sixieme de diametre dans la partie de l’échalas qui est dans la terre, tout le reste s’est con-

servé en bonne qualité ; même dureté, même solidité,

si ce n’est qu’il y a quelques trous de vermoulure dans le bas des échalas, quelques gersures dans le dessus entre des nœuds ; mais le bois n’a plus aucune odeur. Peut-être que le plein air & la vicissitude des saisons causent à ce bois des altérations que l’abri lui sauveroit, puisqu’on assûre que des portes de l’ancienne église de S. Pierre de Rome, qui étoient faites de bois de cyprès, ont duré onze cents ans. Mais M. Duhamel membre de l’académie des Sciences de Paris, ayant observé que des pieux de bois de cyprès faits en 1709 duroient & étoient encore solides en 1740, il n’y a nul doute qu’il ne fût infiniment avantageux d’employer ce bois à de tels usages, s’il pouvoit devenir assez commun pour cela dans ce royaume.

Quoique depuis Théophraste on n’ait cessé d’écrire que les fourmis sont si friandes du cyprès, qu’on ne voit aucun de ces arbres où il n’y ait une fourmilliere au pié ; je crois ce fait sans fondement, puisqu’au contraire je n’ai jamais vû ni fourmis ni aucun autre insecte s’attacher au cyprès ; c’est un arbre résineux, dont l’odeur forte doit nécessairement éloigner toute fréquentation d’insecte. On assûre même que ces arbres purifient l’air qui les environne, parce qu’il en sort des exhudations aromatiques & balsamiques qui sont un spécifique salutaire pour les pulmoniques.

Il y a encore trois especes de cyprès, que jusqu’à présent les Botanistes ont associés à ceux dont on vient de parler.

Le cyprès de Portugal. Cet arbre est plus petit, moins robuste, & plus lent à croître que les especes qui précedent ; ses feuilles sont aussi plus petites, ses rameaux plus menus, ses chatons moins apparens. Les pommes de ce cyprès sont d’une couleur bleuâtre, & tout au plus de la grosseur d’une cerise ordinaire. Cet arbre se garnit ordinairement jusque contre terre de beaucoup de branches, qu’il étend à une grande distance, presqu’horisontalement & avec si peu de régularité, que ce cyprès a un aspect tout différent des especes précédentes. M. Miller a vû un de ces arbres en Angleterre, qui n’avoit qu’environ quinze piés de hauteur, & qui cependant étendoit ses branches à plus de huit piés de chaque côté du tronc. On peut le multiplier & l’élever de la même façon qu’on a dit pour l’espece commune, si ce n’est qu’il conviendra de les abritter pendant les deux premiers hyvers. Il se prête à une facilité de plus, qui est de se multiplier en plantant les jeunes branches des boutures, qui n’auront qu’au bout de deux ans des racines suffisantes pour la transplantation. Mais il faut faire ces boutures en automne, & leur faire de l’abri pendant l’hyver. Les Portugais donnent à cet arbre le nom de cedre de Bussaco, parce qu’on a commencé à le cultiver à Bussaco, qui est un grand couvent de carmes, à quatre lieues de Coimbre en Portugal.

Le cyprès de Virginie. Cet arbre est très-différent des autres cyprès dont on vient de parler. Ses feuilles ressemblent à celles de l’acacia, & il les quitte en hyver ; il prend beaucoup plus de hauteur & de grosseur, & il se plaît dans les terres marécageuses. Mais pour la description de cet arbre, nous nous en rapporterons à Catesby, de qui j’ai tiré ce qui suit. « C’est le plus haut & le plus gros arbre qu’il y ait en Amérique, excepté l’arbre qui porte des tulipes. Quelques-uns ont 30 piés de circonférence près de terre ; ils s’élevent en diminuant toûjours jusqu’à la hauteur de six piés, où réduits aux deux tiers de la grosseur dont ils sont au pié, ils continuent de croître ordinairement 60 ou 70 piés jusqu’à la tige, avec la même proportion que les autres arbres. Il sort d’une maniere singuliere à 4 ou