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des crystaux ; il y a lieu de croire que ces substances sont venues s’y joindre après que les crystaux ont été tous formés, ou avoient déjà acquis une consistance trop solide pour que les parties colorantes pussent pénétrer jusque dans leur intérieur.

Par ce qui vient d’être dit dans cet article, on voit qu’il y a autant de crystaux différens, qu’il y a de pierres & de substances minérales propres à prendre une figure réguliere & déterminée. Ces crystaux conservent toûjours les propriétés des pierres de leur genre. C’est ainsi que, par exemple, les crystaux calcaires ont la propriété de se changer en chaux par la calcination, & de se dissoudre dans les acides ; les pierres gypseuses crystallisées sont changées en plâtre par l’action du feu, & ainsi des autres especes. La crystallisation leur fait prendre seulement une figure déterminée, sans rien changer à leurs qualités essentielles.

Les différentes especes de crystaux se forment dans presque toutes les parties de la terre, & particulierement dans les mines, dans les cavités des montagnes, où la matiere dont ils ont été formés a été entraînée par les eaux qui ont trouvé passage par les fentes de la terre ; on en rencontre dans les creux de quelques pierres, qui en sont quelquefois entierement tapissées ; dans les cornes d’Ammon & autres coquilles fossiles, dont souvent ils remplissent la capacité, &c. Quelquefois les crystaux sont solitaires, mais plus ordinairement il y en a plusieurs qui forment un grouppe, & partent d’une base ou racine commune : quelquefois il y en a deux ou plusieurs qui se confondent, & présentent par-là une figure extraordinaire qui leur est purement accidentelle. (—)

Crystal d’Islande, (Hist. nat. Min.) On donne ce nom à une espece de spath calcaire, transparent comme du crystal de roche ; dont la figure est rhomboïdale : c’est un parallélipipede composé de 6 parallélogrammes & de 8 angles solides, dont 4 sont aigus & 4 obtus ; & à quelque degré de petitesse qu’on réduise les parties de cette pierre, on y remarque constamment cette figure à l’aide d’un microscope. Le crystal d’Islande paroît formé d’un assemblage de lames ou de feuillets, semblables à ceux du talc ou de la pierre spéculaire ; il se dissout dans l’eau-forte & les autres acides ; quand on le calcine dans un creuset, il pétille & se divise en une infinité de petits rhomboïdes ; après quoi il s’échauffe avec l’eau comme toutes les pierres calcaires, après qu’elles ont été calcinées à un feu violent. Après la calcination il fait phosphore, & répand une odeur d’hepar sulphuris assez sensible. Mais la propriété la plus remarquable du crystal d’Islande, c’est de faire paroître doubles les objets qu’on voit au-travers.

Cette pierre est nommée crystal d’Islande, parce qu’elle se trouve en plusieurs endroits de cette île, & sur-tout au pié d’une montagne proche de Roer-Floerde. C’est Erasme Bartholin qui l’a fait connoître le premier, en en donnant un traité particulier. Quelques auteurs ont cru que c’étoit une pierre talqueuse, à cause de son tissu feuilleté ; d’autres l’ont regardé comme une espece de sélénité : ce qu’il y a de constant, c’est que le vrai crystal d’Islande est un spath calcaire ; & il ne faut point le confondre avec d’autres substances qui lui ressemblent par la figure rhomboïdale & par la transparence, mais qui en different par d’autres propriétés. Voyez la continuation de la Lithogéognosie de M. Pott, pag. 226. & suiv. (—)

* Crystal d’Islande, (Physique.) MM. Huyghens & Newton ont examiné les phénomenes avec une attention particuliere. Voici les principaux : 1°. Le rayon de lumiere qui le traverse, souffre une double réfraction, au lieu qu’elle est simple dans les

autres corps transparens. Ainsi on voit doubles les objets qu’on regarde au-travers.

2°. Le raiyon qui tombe perpendiculairement sur la surface des autres corps transparens, les traverse sans être rompu, & le raiyon oblique est toûjours divisé ; mais dans le crystal d’Islande tout raiyon, soit oblique, soit perpendiculaire, est divisé en deux, en conséquence de la double réfraction. De ces deux raiyons, l’un suit la loi ordinaire ; & le sinus de l’angle d’incidence de l’air dans le crystal, est au sinus de l’angle de réfraction comme cinq à trois : quant à l’autre raiyon, il se rompt selon une loi particuliere. La double réfraction s’observe aussi dans le crystal de roche, mais elle y est beaucoup moins sensible.

Lorsqu’un raiyon incident a été divisé en deux autres, & que chaque raiyon partiel est arrivé à la surface la plus ultérieure, celle au-delà de laquelle il sort du crystal, celui des deux qui en entrant souffre une réfraction ordinaire, souffre aussi en sortant une réfraction ordinaire ; & celui qui en entrant souffre une réfraction extraordinaire, souffre aussi en sortant une réfraction extraordinaire : & ces réfractions de chaque raiyon partiel sont telles, qu’ils sont tous les deux en sortant paralleles au raiyon total.

De plus, si l’on place deux morceaux de ce crystal l’un sur l’autre, ensorte que les surfaces de l’un soient exactement paralleles aux surfaces de l’autre, les raiyons rompus selon la loi ordinaire en entrant, à la premiere surface de l’un, sont rompus selon la loi ordinaire à toutes les autres surfaces. L’on observe la même uniformité, tant en entrant qu’en sortant, dans les raiyons qui souffrent la réfraction extraordinaire ; & ces phénomenes ne sont point changés, quelle que soit l’inclinaison des surfaces ; supposé que leurs plans, considérés relativement à la réfraction perpendiculaire, soient exactement paralleles.

Newton conclut de ces phénomenes, qu’il y a une différence essentielle entre les raiyons de la lumiere, en conséquence de laquelle les uns sont réfractés constamment selon la loi ordinaire, & les autres selon une loi extraordinaire. Voyez Raiyon & Lumiere.

En effet, s’il n’y avoit pas une différence originelle & essentielle entre les raiyons, mais que les phénomenes résultassent de quelques modifications nouvelles qu’ils recevroient à leur premiere réfraction, de nouvelles modifications qu’ils recevroient aux trois autres réfractions, les altéreroient comme à la premiere ; au lieu qu’elles ne sont point altérées.

Ou plûtôt le même auteur en prend occasion de soupçonner que les raiyons de lumiere ont des côtés doüés de différentes qualités physiques ; en effet il paroît par les phénomenes, qu’il n’y a pas deux sortes de raiyons différens en nature, les uns constamment & en toute position réfractés selon la loi ordinaire, & les autres constamment & en toute position réfractés selon une loi extraordinaire ; la bisarrerie qu’on remarque dans l’expérience n’étant qu’une suite de la position des côtés des raiyons, relativement au plan de la réfraction perpendiculaire : car un même raiyon est quelquefois rompu selon la loi accoûtumée, & quelquefois selon la loi extraordinaire, selon la position relative de ses côtés au crystal. La réfraction est la même dans les deux cas, lorsque les côtés des raiyons ont la même position dans l’un & l’autre ; & la réfraction est différente dans les deux cas, lorsque la position des côtés des raiyons n’est pas la même.

Ainsi chaque raiyon peut être considéré comme ayant quatre côtés ou portions latérales, dont deux opposées l’une à l’autre, déterminent le raiyon à se rompre selon une loi extraordinaire, & dont les deux autres pareillement opposées, le déterminent