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possible ; & l’on est d’autant moins porté à croire le passage du possible à l’existant, que les preuves de ce passage sont plus foibles, que les circonstances en sont plus extraordinaires, & que l’on a un plus grand nombre d’expériences que ce passage s’est trouvé faux ou dans des cas semblables, ou même dans des cas moins extraordinaires ; ensorte que si les cas où une pareille chose s’est trouvée fausse, sont aux cas où elle s’est trouvée vraie, comme cent mille est à un, & que ce rapport soit seulement doublé par la combinaison des circonstances de la chose considérée en elle-même, sans aucun égard à l’expérience, il faudra que les preuves du passage du possible à l’existant, soient équivalentes à 1999 au moins. Celui qui aura fait ce calcul, dans la supposition dont il s’agit, & trouvé la valeur de la probabilité égale à 1999, ou moindre que cette quantité, sera un inconvaincu de bonne foi. Celui qui n’aura point fait le calcul, mais qui l’aura présumé tel en effet qu’il est & qu’il doit être, par l’habitude d’un esprit exercé à discerner la vérité, sans entrer dans la discussion scrupuleuse des preuves, sera nécessairement un incrédule ; l’impie aura dans la bouche le discours de l’incrédule, & dans l’esprit une présomption contraire : ainsi l’inconviction est éclairée par la méditation, l’incrédulité par le sentiment, & l’impiété s’étourdit elle-même ; l’inconvaincu mérite d’être instruit, l’incrédule d’être exhorté, l’impie seul est sans excuse. L’impiété ne répugne point à la crédulité. Un idolatre qui croit en son idole & qui la brise, quand il n’en est pas exaucé, est un impie ; un catholique qui approche de la sainte table sans reconnoître en lui-même les dispositions nécessaires, est un impie ; un mahométan aux yeux duquel les différens articles de sa croyance sont autant de rêveries qui ne sont pas dignes d’occuper sa réflexion, est un incrédule ; le protestant qui, sur un examen impartial, parvient à se former des doutes graves sur la préférence qu’il donne à sa secte, est un inconvaincu. Au reste, comme il s’agit ici de questions morales, il pourroit bien arriver que quoiqu’il y eût deux mille à parier contre un que telle chose est, cependant elle ne fût pas. L’inconvaincu peut donc supposer raisonnablement la vérité où elle n’est pas : il est encore bien plus facile à l’incrédule de s’y tromper. Mais il ne s’agit point de ce qui est ou de ce qui n’est pas, il est question de ce qui nous paroît. C’est avec nous-mêmes qu’il importe de nous acquitter ; & quand nous serons de bonne foi, la vérité ne nous échappera pas. Il y a le même danger à tout rejetter & à tout admettre indistinctement ; c’est le cas de la crédulité, le vice le plus favorable au mensonge.

CRÉECKS, (les) Géog. mod. nation de l’Amérique septentrionale, sauvage & idolatre ; elle est voisine des établissemens des Anglois dans la nouvelle Géorgie. Les Créecks vont tous nuds, sont fort belliqueux, & se peignent des lésards, des serpens, crapaux & autres animaux de cette espece sur le visage, pour paroître plus redoutables.

CREGLINGEN, (Géog. mod.) ville d’Allemagne dans la Franconie, au marggraviat d’Anspach sur la Tauber.

CREICHAW, (Géog. mod.) petit pays d’Allemagne dans le bas-Palatinat, arrosé par la Creich, petite riviere qui se jette dans le Rhin près de Spire.

CREIL, (Géograph. mod.) petite ville de France dans l’île de France, sur l’Oise. Longit. 20. 8. 11. lat. 49. 13. 10.

CREMA ou CRESME, (Géog. mod.) ville d’Italie dans l’état de Venise, capitale du Cremasque, sur le Serio. Long. 27. 25. lat. 45. 25.

CRÉMAILLIERE, s. f. terme qui a différentes acceptions. Voyez les articles suivans. C’est dans une

montre ou pendule à répétition, la piece que l’on pousse avec le poussoir, ou que l’on tire avec le cordon, lorsque l’on veut qu’elle répete. Par ce mouvement elle produit deux effets : 1°. elle bande le ressort de la répétition, qui en se débandant la fait sonner : 2°. elle va s’appuyer sur les degrés du limaçon des heures, pour la déterminer à sonner l’heure marquée par les aiguilles.

Dans les pendules à répétition à la françoise, où elle ne sert qu’à produire ce dernier effet, on l’appelle rateau. Voyez Répétition, Cadrature, &c.

Quoique nous ayons dit que le cordon d’une pendule à répétition étoit attaché à la crémailliere, cependant il tient plus ordinairement à une poulie fixée sur l’arbre de la grande roue de sonnerie. Voyez Répétition. (T)

Crémailliere, en terme d’Orfévre en grosserie, se dit proprement d’un morceau de fer dentelé dont le cric est garni, au bout duquel la main s’accroche, & qui est tiré lui-même par la machine que nous avons décrite en parlant du cric ou banc à cric. Voy. Banc.

Crémailleres ou Crémailliers, (Rubanerie & Manufacture en soie.) Ce sont deux pieces de bois plates, taillées en forme de crémaillere renversée, que l’on attache sur les piliers de devant du métier. Leur usage est de recevoir deux ficelles qui sont attachées aux porterames de devant, & qui viennent terminer sur elles pour y être haussées ou baissées, suivant le besoin. Voici ce besoin. Lorsque le tems est sec, les rames s’allongent, & conséquemment les lissettes seroient plus basses que le peigne, ce qui ne se doit jamais : il faut donc que l’ouvrier tire à lui le porterame, en baissant les cordes sur les crémailleres, ce qui remet les rames dans leur état. Au contraire lorsque le tems est humide, les rames se raccourcissent, se haussent : il faut donc faire le contraire.

* Crémaillere, (Serrur.) c’est dans une serrure un méchanisme d’usage, quand elle est à pignon. Ce méchanisme consiste en deux pieces de fer dentées qui traversent la serrure dans toute sa largeur, & prennent le pignon entre leurs parties dentées, de sorte que le pignon ne peut tourner sans faire monter l’une des pieces & descendre l’autre. Mais ces pieces portent à leurs extrémités coudées quelquefois à double coude, des verroux, qui entrent par ce moyen haut & bas dans des gâches qui leur sont préparées.

Le pignon est mû par le moyen d’une crémaillere pratiquée à la queue du pêle, & qui entre dans les dents du pignion ; de sorte que quand on tourne la clé pour ouvrir ou fermer la porte, les verroux sortent & entrent dans leurs gâches, en même tems que le pêle sort & entre dans la gâche, par le mouvement que le pêle communique au pignon en allant & venant.

La crémaillere est encore une piece de serrurerie qui s’applique derriere les guichets des grandes portes. Cette piece a à ses extrémités des pattes qui servent à l’attacher contre le guichet. La partie qui est entre les pattes est dentée, & sert à recevoir le crochet d’une barre de fer qui est scellée dans le mur opposé, avec son lacéré. Son usage est de tenir une porte fermée entierement, ou ouverte plus ou moins, à discrétion. Pour fermer la porte entierement, on met le crochet de la barre au premier cran de la crémaillere ; pour l’ouvrir plus ou moins, on met le crochet au second, au troisieme cran, &c.

Il est évident que quand la porte est ainsi ouverte ou fermée, elle reste immobile, & ne peut ni s’ouvrir si elle est fermée, ni s’ouvrir davantage si elle est déja ouverte.

La crémaillere a pour couverture une tringle ronde